Rapport « Lutte contre la criminalité organisée : réflexions et propositions pour une action judiciaire rénovée, renforcée et coordonnée »

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Le Club des Juristes vient de publier son rapport visant à renforcer l’efficacité du cadre juridique dans la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.

Présidée par Damien Brunet, substitut général au parquet général près la Cour d’appel de Paris, la commission de travail a mené une analyse approfondie afin d’identifier les leviers juridiques et institutionnels essentiels pour garantir une mise en œuvre effective du texte législatif en discussion à l’Assemblée nationale.

Ce rapport met en lumière plusieurs propositions concrètes, notamment sur :

  • L’articulation des compétences juridictionnelles,
  • L’optimisation des saisies et confiscations,
  • La sécurisation des procédures pénales et l’évaluation du dossier coffre,
  • L’encadrement du régime des repentis et les enjeux pénitentiaires.

Propositions :

1 État de la menace

  1. Entériner la création d’un parquet national de lutte contre la criminalité organisée et non pas seulement spécialisé dans la lutte contre les stupéfiants.

  2. Retirer l’exclusion des 1° et 2° de l’article 706-73 du code de procédure pénale du nouvel article 706-74-1 du code de procédure pénale.

  3. Le nouveau délit de participation à une organisation criminelle est une avancée majeure dans la lutte contre la criminalité organisée. Il doit être considéré comme un outil novateur dans l’appréhension judiciaire de la lutte contre la criminalité organisée, relevant, pour ce faire, de la compétence exclusive du PNACO. Toutefois, son incrimination semble pouvoir gagner en précision et en clarté en mettant en exergue :

    • le concours à l’organisation criminelle

    • la participation aux actes préparatoires de l’organisation criminelle

    • la direction de l’organisation criminelle.

2 Organisation juridictionnelle et coordination

  1. Donner une compétence nationale au juge de l’application des peines spécialisé en matière de criminalité organisée (JAPCO) pour traiter des affaires du PNACO et, à titre concurrent, de toutes les JIRS ou, à l’inverse, instaurer la création d’un JAPCO auprès de chaque JIRS.

  2. Inclure les juges des enfants et des juges des libertés et de la détention spécialisés parmi les magistrats du siège spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée tant pour les affaires JIRS que pour les affaires PNACO.

  3. Créer des fonctions spécialisées de magistrats du siège dans la lutte contre la criminalité organisée (juges d’instruction, juges correctionnels, présidents et assesseurs aux assises, juges des enfants, juges des libertés et de la détention et juges d’application des peines) imposant un décret de nomination ad hoc et non plus seulement une habilitation par les chefs de cour.

  4. Créer une chambre correctionnelle spécialisée en appel, à compétence nationale pour traiter des affaires conduites par le PNACO.

  5. Désigner une chambre de l’instruction ou son président pour leur attribuer une compétence nationale afin de traiter le contentieux lié à l’acquisition ou au retrait du statut de repenti et celui de l’homologation des immunités délivrées par le PNACO.

  6. Créer une chambre correctionnelle spécialisée en première instance, compétente pour traiter des affaires conduites par le PNACO, distincte de la chambre correctionnelle spécialisée JIRS et de la chambre spécialisée délinquance organisée infra-JIRS.

  7. Dans certaines juridictions infra-JIRS, spécialement exposées aux menaces de la délinquance et de la criminalité organisées, créer une chambre correctionnelle spécialisée, compétente pour traiter des affaires de délinquance organisée, distincte des chambres traitant des autres contentieux.

3 Mesures patrimoniales

  1. Introduire dans les dispositions des articles 41-4 du code de procédure pénale et 99-2 du code de procédure pénale, une durée maximale de saisie à l’issue de laquelle l’objet appréhendé doit être restitué à la personne entre les mains de laquelle il a été saisi.

  2. Déroger à l’abondement du « fonds de concours Drogues » pour les biens meubles matériels susceptibles de faire l’objet d’une affectation avant jugement aux services judiciaires ou à des services de police, des unités de gendarmerie, aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la Justice, à l’Office français de la biodiversité ou à des services placés sous l’autorité du ministre chargé du budget qui effectuent des missions de police judiciaire.

  3. Renforcer la coopération internationale en matière d’identification des avoirs criminels.

  4. Confier à la PIAC la mission de centralisation de toutes les informations administratives et de coopération internationale en matière d’identification des avoirs criminels.

  5. Confier au PNACO le traitement des informations centralisées par la PIAC pour les communiquer aux autorités judiciaires nationales concernées. 44

  6. Supprimer l’article 60-1-1 A du code de procédure pénale.

  7. Supprimer l’article 222-38 du Code pénal pour revenir à un régime rationalisé de l’infraction de blanchiment, permettant d’appliquer le mécanisme de présomption de l’article 324-1-1 du Code pénal à toutes les formes de blanchiment, quelle que soit l’infraction d’origine, y compris lorsqu’il s’agit d’infractions à la législation sur les stupéfiants.

  8. Modifier les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 321-6-1 du Code pénal pour élargir le délit de non-justification de ressources à toutes les infractions listées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale....

4 Appréhension du contentieux procédural

  1. Imposer la démonstration d’une atteinte réelle et effective aux droits de la défense pour prononcer une nullité.

  2. Replacer le greffier au centre des modalités d’exercice des droits de la défense en imposant qu’il soit rendu destinataire d’un acte séparé par demande.

  3. Imposer que les formalités relatives à tout exercice des droits de la défense, au cours de l’information judiciaire, relève de la compétence du greffier d’instruction, à l’exclusion de la seule décision d’appel d’une décision rendue par le juge des libertés et de la détention, susceptible d’être formulée devant le greffier du juge des libertés et de la détention ou devant le greffier d’instruction.

  4. Supprimer l’article 706-88-2 du code de procédure pénale.

5 Rationalisation du régime des repentis

  1. Déterminer des conditions d’accès au statut du repenti identiques à celles visées dans l’article 132-78 du Code pénal pour chacune des infractions y ouvrant droit.

  2. Prévoir une procédure ad hoc dédiée au recueil de l’ensemble des déclarations faites par le repenti, quelles que soient les procédures susceptibles d’en être destinataires, en en garantissant les conditions de confidentialité sur le modèle du dispositif déjà existant au terme des dispositions des articles 706-87 et suivants du code de procédure pénale.

  3. Prévoir la nécessité d’un avis préalable du PNACO dans toute procédure dans laquelle le recours à un repenti est envisagé.

  4. Définir la compétence exclusive de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris ayant à connaître des procédures initiées par le PNACO, pour toutes les procédures judiciaires en cours qui auraient à connaître du contentieux relatif à l’attribution et au retrait du statut du repenti ainsi qu’à la convention conclue avec le repenti.

  5. Définir l’obligation d’une convention entre le repenti, le SIAT et l’autorité judiciaire prévoyant l’objet de l’engagement du repenti, exposant les mesures mises en œuvre pour sa protection et sa réinsertion et déterminant les conditions de sa comparution lors de ses futures dépositions en justice.

  6. Décorréler les modalités de comparution en justice du repenti de l’attribution d’une identité d’emprunt.

6 Rôle des polices municipales dans la lutte contre le narcotrafic

  1. Préférer l’association des polices municipales aux CROSS et aux groupes locaux de traitement de la délinquance dans le cadre de la politique de la ville à la mesure d’avis systématique prévue par l’article 3 de la proposition de loi adoptée par le Sénat créant un nouvel article 132-3-1 du code de la sécurité intérieure.

  2. Envisager, le cas échéant, un mécanisme dans le cadre des CLSPD d’un droit d’interrogation du maire sur une situation particulière.

  3. Élargir le cercle des personnes ayant à partager de l’information avec l’autorité préfectorale et l’autorité judiciaire aux gardes particuliers assermentés prévus par l’article 29 du code de procédure pénale.

  4. Étendre la compétence des agents de police municipale à la délivrance d’amendes forfaitaires délictuelles pour la seule infraction d’usage illicite de stupéfiants (article L. 3421-1 du code de la santé publique).

  5. Modifier les dispositions de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale et étendre la liste des officiers, agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints à celles des agents de police municipale pour procéder aux opérations prévues par cet article.

  6. Envisager la possibilité, pour les opérateurs des centres de vidéoprotection urbains, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, de dresser des procès-verbaux d’exploitation des données et de réaliser des extractions d’images, directement versées en procédure.

 

LE RAPPORT :