Pour Anne Epinat et Christopher Boinet, avocats associés chez In Extenso Avocats, la crise impose aux restaurateurs un examen approfondi de leurs contrats d’assurance, s’ils souhaitent engager avec succès une action en justice contre les assureurs.
Pour la Maison Rostang, la décision du 22 mai dernier du Juge des référés du Tribunal de Commerce de Paris contre AXA1, est certes une victoire, mais elle ne devrait avoir que peu de conséquences pour la plupart des restaurateurs qui voudraient s’en prévaloir.
En effet, les conditions générales du contrat d’assurances conclu entre AXA et Maison Rostang au titre de la garantie des pertes d’exploitation sont spécifiques et plus favorables que celles que l’on retrouve dans la majorité des contrats.
Premier point favorable pour Maison Rostang : en matière d’assurance, le principe est que « tout ce qui n’est pas exclu est couvert ». Or, le contrat d’AXA n’exclut pas l’application des garanties en cas de pandémie ou d’épidémie.
Sur ce point, AXA s’est défendu en soutenant que, de façon générale, les assureurs ne peuvent assurer le risque de pandémie. Mais le Juge des référés a écarté cet argument, relevant simplement que le contrat signé avec Maison Rostang ne comportait aucune clause relative à une exclusion des garanties en cas de pandémie, ou même d’un risque similaire, comme une épidémie.
Cette analyse qui relève de la simple lecture du contrat sera confirmée par la Cour d’Appel. A la différence du contrat AXA soumis au Juge, de nombreux contrats d’assurances écartent leurs garanties en cas d’épidémie.
Second point favorable pour Maison Rostang : le contrat souscrit par le restaurateur prévoit une indemnisation pour ses pertes d’exploitation, notamment en cas de « fermeture administrative ».
Devant le juge, AXA a argué que la fermeture imposée aux restaurateurs par l’arrêté du 14 mars 2020 ne correspondait pas à la notion de « fermeture administrative » prévue par le contrat, cette dernière désignant plutôt une décision préfectorale spécifique à la suite d’un non-respect de la réglementation (notamment aux règles de sécurité ou d’hygiène) ou d’une atteinte à l’ordre public.
Le Juge a pour sa part estimé que peu importe que la fermeture soit ordonnée par un Préfet ou un Ministre, dans les deux cas, il s’agit bel et bien d’une décision administrative.
Pour résumer, le contrat AXA, négocié avec la société Maison Rostang et quelques autres restaurateurs, s’avère effectivement favorable aux assurés du fait :
- de l’absence de mention expresse de l’épidémie ou de la pandémie comme causes d’exclusion de garantie, et
- d’une garantie des pertes d’exploitation accordée en cas de « fermeture administrative ».
L’ordonnance de référé rendue le 22 mai dernier ne pourra pas créer une jurisprudence en faveur des restaurateurs, sauf si ces deux éléments cumulatifs se retrouvent dans leurs contrats d’assurance. Une revue approfondie de leur contrat d’assurances s’impose donc aux professionnels de l’hôtellerie qui seraient tentés de poursuivre leur assureur en justice.
Anne Epinat et Christopher Boinet, avocats associés chez In Extenso Avocats.
1. TC PARIS – Ordonnance de référé du 22.05.2020 – RG 2020017022 – SAS MAISON ROSTANG / SA AXA FRANCE IARD