Jean-Pascal Bus, avocat associé, Norton Rose Fulbright, revient pour Le Monde du Droit sur les potentiels effets du coronavirus pour les entreprises et leurs rapports avec leurs co-contractants. L'Etat a d'ailleurs fait savoir que la crise en cours constituait un cas de force majeure.
Afin de limiter ou d’exclure toute responsabilité liée à l’exécution d’un contrat, des entreprises invoquent et vont invoquer un cas de force majeure liée à la propagation du virus.
L’Etat a d’ores et déjà fait savoir qu’il considère la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 comme un cas de force majeure et qu’en conséquence il n’exigera pas de pénalités de retard dans le cadre des contrats qu’il a pu conclure avec des entreprises privées. Qu’en est-il pour les contrats passés entre les sociétés et plus généralement les personnes privées ?
Application légale de la force majeure
Selon l’article 1218 du Code civil, la force majeure est caractérisée lorsque de manière cumulative, il survient :
- un événement échappant au contrôle du débiteur (extériorité) ;
- qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat (imprévisibilité) ;
- dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées (irrésistibilité).
La seule existence d’une épidémie ne suffit pas, à elle seule, à constituer un cas de force majeure. En toute hypothèse, les conditions précédentes doivent être toutes respectées.
Il incombera au contractant qui l’invoque de démontrer que les conditions de la force majeure sont réunies, et notamment l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures appropriées permettant l’exécution de ses obligations, ainsi que le lien de causalité entre le Coronavirus et l’impossibilité d’exécuter ses obligations.
S’agissant de l’imprévisibilité, il serait possible de considérer que cette condition est respectée pour les contrats passés avant la déclaration de la propagation du virus. Pour les contrats passés à compter de la déclaration, il pourrait être opposé à la partie invoquant un cas de force majeure que la condition d'imprévisibilité n’est pas respectée.
Les parties à un contrat peuvent décider librement d’adapter ou de modifier les conditions requises pour établir un cas de force majeure. Elles peuvent même décider d’exclure le cas de force majeure de leur accord.
Durée de l’évènement de force majeure
Selon les dispositions de l’article 1218 alinéa 2 du Code civil : « Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations ».
A la différence du code civil qui ne prévoit pas de délai précis pour distinguer un empêchement temporaire d’un empêchement définitif1, les clauses de force majeure stipulent très fréquemment un délai au-delà duquel chacune des parties pourra librement résilier le contrat, après une période de négociation pour éviter la résiliation.
Imprévision
Si le coronavirus n’est pas susceptible de constituer une cause de force majeure selon l’article 1218, certaines entreprises pourraient être tentées d’invoquer l’imprévision désormais admise par l’article 1195 du Code civil. A la différence de la force majeure, les évènements permettant d’invoquer l’imprévision ne rendent pas l’exécution d’un contrat impossible mais doivent la rendre « excessivement onéreuse ».
Si c’est le cas, la partie qui s’en prévaut peut demander à la juridiction qu’il saisirait, une révision du contrat ou sa résiliation. Faute d’accord entre les parties, le juge peut soit imposer la révision du contrat, soit en prononcer la résiliation aux conditions qu’il détermine.
Par Jean-Pascal Bus, avocat associé, Norton Rose Fulbright
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