LCB-FT : obligation de déclaration de soupçon par les professionnels du droit et du chiffre

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Le champ des infractions visées par l’obligation déclarative de soupçon, prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, ne se limite pas aux seuls faits de blanchiment mais concerne toutes les infractions passibles d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou liées au financement du terrorisme ainsi que la fraude fiscale.

Dans le cadre du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), les professionnels mentionnés à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, notamment les experts-comptables, les commissaires aux comptes, les avocats, les notaires, les commissaires de justice, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, sont assujettis à des obligations de vigilance à l’égard de leur clientèle, ainsi qu’à des obligations de déclaration et de transmission d’information à Tracfin.
Certains des professionnels assujettis à ces obligations déclaratives, en particulier au sein des professions non financières, défendent une interprétation restrictive du champ d’application de l’obligation déclarative définie à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, qui devrait, selon ces derniers, se limiter aux soupçons de blanchiment.

Le gouvernement a demandé au Conseil d’Etat de préciser la portée du champ d’application de la déclaration de soupçon prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, à savoir : "le champ des infractions visées par l’obligation déclarative prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier comprend-t-il la seule infraction de blanchiment ou toutes les infractions passibles d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou liées au financement du terrorisme ainsi que la fraude fiscale ?".

Dans un avis du 23 janvier 2025 (n° 408941), le Conseil d’Etat estime qu’il résulte des termes mêmes des dispositions du I de l’article L. 561‑15 du code monétaire et financier que l’obligation déclarative porte aussi bien sur les sommes obtenues par la commission d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, quelle que soit la nature de cette infraction, que sur les opérations portant sur ces sommes, ces dernières pouvant, le cas échéant, traduire des faits de blanchiment.

Le Conseil d’Etat relève, en outre, que l’article 3 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, qui a créé cette obligation déclarative, définissait le champ de la déclaration de soupçon en distinguant explicitement, dans deux alinéas distincts, les sommes issues des infractions en cause et les opérations portant sur ces sommes.
Si le texte actuel, issu de l’ordonnance
n° 2009-104 du 30 janvier 2009, ne décompose plus, sous forme d’alinéas distincts, le champ de l’obligation déclarative, la modification purement rédactionnelle ainsi opérée par cette ordonnance ne saurait être regardée comme ayant entendu restreindre le champ de cette obligation.

Au demeurant, le Conseil d’Etat rappelle que l’article 33 de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme prévoit que l’entité assujettie à cette obligation déclarative doit informer la cellule de renseignement financier lorsqu’elle "sait, soupçonne ou a des motifs raisonnables de soupçonner que des fonds, quel que soit le montant concerné, proviennent d’une activité criminelle ou sont liés au financement du terrorisme (…)" (a du 1).
Par suite, seule l’interprétation des dispositions de l’article L. 561-15 du code monétaire et financier retenue ci‑dessus est compatible avec le texte de la directive.

Le Conseil d’Etat ajoute qu’aucune modification des dispositions de l’article L. 561-15 du code monétaire et financier n’est requise pour fonder en droit des obligations déclaratives ne se limitant pas aux seuls faits de blanchiment.

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