Didier Migaud, ministre de la Justice, a installé ce jeudi 28 novembre 2024 à la Cour de cassation les trois groupes de travail créés dans le cadre des missions d’urgence relatives à la déjudiciarisation, à l’exécution des peines et à l’audiencement criminel et correctionnel.
Face au constat des retards du Plan 15 000 places de prison, de l’engorgement de toute la chaîne pénale et de la surpopulation carcérale, et dans la continuité de la feuille de route tracée par le Premier ministre, le garde des Sceaux a annoncé le 20 novembre dernier trois missions d’urgence pour recentrer la Justice judiciaire sur son rôle, juger dans des délais raisonnables et mieux exécuter les peines.
« Je l’ai dit, notre Justice, après avoir été longtemps délaissée, n’est pas encore réparée. Des moyens ont été donnés. J’ai veillé dès mon arrivée à ce qu’ils soient maintenus. Ils devront être prolongés et augmentés. On ne répare pas 40 ans d’abandon en cinq ans. On ne répare pas non plus la Justice uniquement par des moyens supplémentaires.
C’est pourquoi, depuis mon arrivée, j’ai beaucoup échangé avec les professionnels de la Justice, les partenaires sociaux et les représentants du monde associatif. C’est avec eux, avec toute la communauté de la Justice, des justices, de notre pays, que nous pourrons avancer.
Au titre des constats partagés figure en premier lieu celui d’une justice débordée par le nombre de ses contentieux et de ses procédures qui conduit nécessairement à s’interroger sur le périmètre d’intervention du juge judiciaire.
Figure ensuite le constat de délais d’audiencement déraisonnables et parfois insupportables, pour juger des affaires criminelles et correctionnelles, voir aussi pour les affaires civiles.
Et enfin le constat que, loin d’être laxiste, la justice pénale fait preuve d’une fermeté telle que les établissements pénitentiaires sont confrontés à une surpopulation carcérale historique, tandis que l’exécution des peines, globalement élevée, est souvent différée bien après leur prononcé, ce qui en fait perdre le sens.
J’ai la conviction profonde qu’il s’agit de signaux d’alerte, de symptômes d’une situation d’urgence : quand le sentiment majoritaire de nos concitoyens est celui d’une Justice trop complexe, trop lente et trop peu efficace, il nous appartient d’y répondre rapidement car ne pas le faire, c’est fragiliser plus encore le pacte républicain au fondement de notre démocratie.
Voilà pourquoi j’ai souhaité, dans la continuité de la feuille de route tracée par le Premier ministre, constituer trois missions d’urgence pour traiter chacun de ces trois chantiers » a expliqué le ministre.
Les propositions devront être communiquées au ministre de la Justice le 15 février 2025.
« Je prends deux engagements. Le premier est de rendre publics les trois rapports de mission. Le second est d’annoncer tout aussi publiquement, dans les jours qui suivront leur dépôt, les propositions qu’avec le Premier ministre, nous choisirons de retenir et de mettre en œuvre par des projets de textes législatifs et réglementaires et, s’il y en a, les mesures opérationnelles nécessaires. Ces missions d’urgence donneront lieu à des mesures d’urgence », a indiqué Didier Migaud.
Les trois missions d’urgence
Première mission : recentrer la Justice sur son rôle
La mission devra mener un examen des dispositifs alternatifs, notamment pour les actes de la vie quotidienne, afin d’envisager tout ce qui peut contribuer à désengorger la justice judiciaire. La mission devra proposer les voies et moyens de nature à simplifier la vie du justiciable, à rendre plus efficiente l’action de la justice, à poursuivre et amplifier le recours aux voies amiables ou encore à mener une réflexion sur l’orientation, l’aiguillage et la répartition des contentieux présentant des aspects répressifs, administratifs et financiers.
Les membres de la mission :
- Pascal Bougy, avocat général à la Cour de cassation
- Frédérique Agostini, conseillère à la Cour de cassation
- Rémy Schwartz, conseiller d’État
- Nathalie Escaut, conseillère d’État
- Louis Gautier, procureur général honoraire près la Cour des comptes
- Thierry Savy, conseiller maître à la Cour des comptes
Deuxième mission : juger dans des délais raisonnables
La mission devra pouvoir identifier rapidement les moyens d’action pour restaurer l’équilibre d’un système qui ne fonctionne plus de manière satisfaisante aujourd’hui, ce que tous les acteurs de la Justice reconnaissent.
Les membres de la mission :
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Jacques Boulard, premier président de la cour d’appel de Paris
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Franck Rastoul, procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence•
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Nathalie Poux, présidente du tribunal judiciaire de Dijon
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Maryvonne Caillibotte, procureure de la République
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Pascal Rouiller, avocat au barreau d’Angers
Troisième mission : mieux exécuter les peines
La mission aura pour objectif d'envisager tous les outils possibles pour faire face à la surpopulation carcérale, y compris les mesures alternatives à l’incarcération pour les infractions de faible gravité, tout en veillant à prévenir la commission de nouvelles infractions et à favoriser la réinsertion.
Les membres de la mission :
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Jean-François Beynel, premier président de la cour d’appel de Versailles
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Marie-Christine Tarrare, procureure générale près la cour d’appel de Besançon
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Peimane Ghaleh Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny
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Cécile Gensac, procureure de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes
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Bruno Clément-Petremann, directeur du centre
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Clotilde Lepetit, avocate au barreau de Paris
Arnaud Dumourier