Avocats : renouons avec l’essence libérale de la collaboration

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Dans quelques jours, s’ouvriront à Paris les Chantiers de la collaboration : une nouvelle opportunité pour la profession de débattre post crise sanitaire, du statut et des conditions d’exercice des collaborateurs qui occupent assurément une place centrale au sein de notre barreau (11.850 avocats collaborateurs recensés à Paris selon un rapport du barreau de Paris du 1er décembre 2020, soit plus d’un tiers de la profession). Souvent décrié, le statut de collaborateur porte pourtant en lui l’essence même de la profession : l’indépendance et la liberté d’entreprendre. Il nous semble fondamental pour les jeunes avocats de s’approprier cette liberté, et pour les cabinets de la garantir.

Depuis quelques mois, le sujet de la « Grande Démission » est sur toutes les lèvres et met en lumière une nouvelle forme de difficulté rencontrée dans le monde du travail et tout particulièrement chez les jeunes générations. La sphère juridique n’est pas épargnée par ce phénomène, au sein de laquelle il semblait même préexister. Aujourd’hui, près d’un tiers des avocats arrête d’exercer avant la dixième année d’activité. A écouter les témoignages de nos jeunes confrères, la précarité et l’aridité du statut de collaborateur-libéral seraient au cœur de la désaffection pour la profession.

Le statut, il est vrai, est caractérisé par une forme de dualisme qui peut dérouter. Entre protection et liberté, la collaboration est perçue comme cumulant les aspects négatifs du salariat et de l’entreprenariat. Pourtant, d’après le rapport réalisé par le barreau de Paris, 68 % des collaborateurs du Barreau de Paris se déclaraient satisfaits de ce statut. Ce décalage paradoxal met en lumière le cœur du problème : la collaboration libérale est pleine d’atouts, encore faut-il pleinement les percevoir, puis se les approprier.

Un environnement de travail privilégiant la stabilité et la confiance

La collaboration est d’abord un gage de sécurité. Dans les faits, elle assure une rémunération garantie avec une rétrocession mensuelle supérieure à 5 000,00 euros HT pour plus de 60% des collaborateurs parisiens. Les cabinets, dans leur majorité, privilégient la stabilité de leurs équipes ; environ 18% des contrats de collaborations sont rompus à l’initiative des cabinets. Ce chiffre devrait sans doute être réactualisé compte tenu de la tension actuelle sur les recrutements au sein des cabinets. Une forme de confiance réciproque semble donc exister entre les structures et les avocats collaborateurs.

De plus, et même si cela peut sembler caricatural, la collaboration donne aux avocats un cadre de travail matériel et immatériel. La collaboration offre l’assurance d’avoir un bureau, l’accès à des outils et de la documentation tout en bénéficiant de la réputation et de la formation des associés des cabinets. Et elle permet aux cabinets de se reposer sur une loyauté, une rigueur et une créativité contribuant à leur notoriété.

Une liberté à façonner

La collaboration est surtout un formidable tremplin professionnel. Elle permet aux nouveaux entrants dans la profession d’achever leur formation et de faire leurs premières armes entourés de confrères plus expérimentés. 83 % des collaborateurs estiment pouvoir suivre des formations facilement tandis que 85 % déclarent être rapidement en contact direct avec la clientèle du cabinet. Ces statistiques issues du rapport précité démontrent une bonne capacité des cabinets parisiens à encourager l’autonomie et la maîtrise des clés du métier.

Elle offre, en parallèle, la possibilité aux plus entreprenants de commencer sans attendre à construire une clientèle qui, d’abord, leur apportera un complément de revenu puis, progressivement, pourra les mener vers une indépendance et une liberté de choix de leur structure. Il est vrai que cette liberté est avant tout une conquête. Elle nécessite de se consacrer avec ardeur à son entrée dans la profession et d’embrasser la dimension entrepreneuriale du métier dans tous ses aspects, y compris les plus éprouvants. Sans doute bien des déceptions liées à la collaboration viennent aujourd’hui d’une difficulté à se projeter dans ce rôle d’entrepreneur, faute d’accompagnement suffisant.

Les cabinets ont un rôle primordial à jouer à cet égard afin non seulement d’offrir aux collaborateurs les conditions intellectuelles et matérielles à même de leur permettre d’exercer sereinement et de manière satisfaisante, mais aussi de les accompagner dans leur développement via des programmes de formations internes, externes, ainsi que des rencontres régulières pour évoquer l’avenir du collaborateur et les options qui s’offrent à lui.

Beaucoup de progrès restent à faire pour éradiquer certains comportements qui ne sont pas tolérables. Les cabinets doivent également promouvoir sans relâche l’égalité professionnelle, la protection de la parentalité et la diversité au sein de leurs équipes. Enfin, dans un contexte d’interrogation sur le rapport au travail, des réponses doivent être apportées aux aspirations légitimes des collaborateurs sur les modalités d’évolution au sein de leur structure. La profession doit s’exprimer par son dynamisme. La collaboration libérale permet de s’épanouir et de s’élever ; il faut s’en réjouir. Que les assises à venir permettent l’expression, les aspirations, l’audace de la prospective et un nouvel élan !

Benjamine Fiedler, avocate associée du cabinet Bird & Bird et Carbon de Seze, avocat et ancien membre du conseil de l’Ordre


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