Emmanuelle Hoffman, Avocat aux Barreaux de Paris et du Québec, commente l'arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris portant sur la protection de l'appellation « France » à titre de marque.
Alors qu’une étude a récemment déclaré que la valeur de la marque France avait bondi de 27% depuis l’élection du Président Emmanuel Macron, la Cour d’appel de Paris vient de rendre un arrêt dans lequel elle refuse que l’appellation « France » soit déposée à titre de marque, pas même au bénéfice de l’État.
L’État français est intervenu dans une instance opposant une agence de voyages américaine, spécialisée dans le tourisme en France, titulaire du nom de domaine france.com et une société néerlandaise, titulaire, elle, de cinq marques françaises, pour certaines figuratives, composées du signe « France.com ».
Suite à une transaction et une cession de marques entre les deux sociétés, l’État français a alors demandé devant les juridictions le transfert des marques et du nom de domaine à son profit, en constatation de l’atteinte portée aux droits de l’État sur son nom de territoire. Le Tribunal de grande Instance de Paris a fait droit aux demandes de l’État français et l’affaire a été portée devant les Conseillers de la Cour d’appel.
La Cour d’appel est allée plus loin dans la logique de protection de l’appellation « France » puisqu’elle a annulé purement et simplement les cinq marques françaises litigieuses, et a invité l’État à saisir l’EUIPO afin d’obtenir l’annulation des enregistrements communautaires.
La Cour a en effet estimé que l’article L711-4 du Code de la propriété intellectuelle qui liste les droits antérieurs faisant obstacle au dépôt d’une marque, n’était pas exhaustif et que la dénomination « France » constituait une antériorité aux dépôts de marques françaises dans la mesure où un risque de confusion dans l’esprit du public était possible, celui-ci pouvant être amené à déduire une origine officielle ou une caution officielle des produits et services désignés par les marques litigieuses.
En outre, la dénomination « France » constitue pour l’État français un élément de son identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique et s’entend comme le territoire national, dans son entité économique, géographique, historique, politique et culturelle.
Concernant le nom de domaine, la Cour d’appel a jugé que le simple ajout du suffixe « .com » ne suffisait pas à altérer la perception globale du signe.
En conséquence, la Cour d’appel a annulé les marques françaises « France.com » et a accordé le transfert du nom de domaine « france.com » à l’État français.
Il ressort donc de la dernière position de la Cour d’appel que l’appellation « France » constitue un attribut identitaire de l’État français, au delà du simple nom de territoire national, et qu’il ne peut faire l’objet d’un droit de marque, pas même au bénéfice de l’État, le simple ajout d’une extension internet « .com » ne suffisant pas à circonscrire la perception du signe.
Le terme « France » est donc une antériorité ab initio à tout dépôt de marque qui contiendrait le signe « France ». Toutefois, cette position fort protectrice, presque patriote, est à nuancer par l’ajout d’une part arbitraire et distinctive au signe isolé « France », qui rend cette fois possible un dépôt de marque : ni l’État français, ni les juges, ne pourraient empêcher tout déposant d’inclure dans une marque, pour autant qu’elle soit distinctive au vu des produits et services désignés, le nom d’un pays, y compris le sien.
Emmanuelle Hoffman, Avocat aux Barreaux de Paris et du Québec