Management packages : le risque URSSAF désormais avéré

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sylvain clerambourgAux termes de deux arrêts récents, les Cours d’appel de Douai et de Paris ont soumis à cotisations sociales les plus-values réalisées par les dirigeants sur les bons de souscription d’actions (BSA) qui leur ont été attribués (CA Douai 31.05.17 - CA Paris 06.07.17). Commentaire de ces décisions par Sylvain Clerambourg, avocat associé du cabinet FTPA.

La Cour d’appel de Paris a décidé, le 6 juillet 2017, de soumettre à cotisations sociales les gains en capital réalisés par des dirigeants.

Au cas d’espèce, des managers avaient pu investir dans leur société, aux côtés d’investisseurs financiers, en souscrivant des bons de souscription d’actions (BSA). La cession des bons, 5 ans plus tard, avait généré une plus-value conséquente que l’URSSAF a décidé de soumettre intégralement à cotisations sociales. Le redressement a été validé par les juges.

Le risque est connu de longue date en matière fiscale, puisque les juges ont validé à plusieurs reprises la requalification en revenus d’activité des plus-values de cession de titres réalisées par les dirigeants en dehors du cadre des mécanismes d’intéressement prévus par la loi (BSPCE, actions gratuites, stock- options), notamment quand les titres sont attribués à des conditions préférentielles et sans risque financier pour les dirigeants. Mais il se matérialise pour la première fois en matière sociale.

Les juges ont fondé leur décision sur l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale qui prévoit que « pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains […] et tous autres avantages en argent [ou] en nature […] ».

Ils ont considéré (i) que « l’attribution à un nombre réduit de personnes du droit de souscrire à une augmentation de capital » constituait « incontestablement », en soi, un avantage et (ii) que celui-ci avait manifestement été octroyé « en contrepartie ou à l’occasion d’un travail » puisque les dirigeants s’étaient engagés à céder leurs titres s’ils venaient à quitter la société (clause de « leaver »). Etait ainsi établi un lien « entre d’une part l’attribution de BSA et le maintien de ceux-ci et d’autre part, l’existence et le maintien d’un contrat de travail ou d’un mandat social ».

Les juges ont estimé, en outre, que l’avantage dès lors octroyé aux dirigeants ne se matérialisait et ne pouvait se quantifier qu’au moment de la cession, les « sommes versées » auxquelles l’article L. 242-1 ci- dessus visé fait référence renvoyant aux montants effectivement versés aux managers lors de la sortie. Il en résulte que l’assiette des cotisations sociales correspond à la totalité de la plus-value alors réalisée.

La décision n’est pas satisfaisante, notamment parce que la possibilité donnée aux managers de souscrire au capital ne devrait pas pouvoir être qualifiée, en soi, d’avantage octroyé à l’occasion du travail, à tout le moins sans que les modalités d’attribution des titres, notamment, ne soient étudiées. On s’interroge d’ailleurs sur la référence faite par les juges au « nombre réduit » de bénéficiaires : y aurait-il un nombre de personnes attributaires à partir duquel l’octroi des bons ne serait plus considéré comme un avantage ?

Par ailleurs, les juges refusent de considérer le risque capitalistique pris par les dirigeants, qui ont agi en qualité d’investisseurs. En conclusion d’une analyse peu circonstanciée, ils relèvent que « si les BSA représentent un investissement […], soumis à des aléas et à des risques inhérents à l’activité, cela ne retire en rien l’existence d’un avantage […] ». Il faudrait en fait en déduire, mais c’est évidemment contestable, qu’un dirigeant ne saurait être également investisseur.

Enfin, la décision pourrait dans certains cas condamner l’utilisation des BSA, alors que les outils d’intéressement dont l’usage est encadré légalement (BSPCE, actions gratuites, stock-options), et qui apparaissent moins risqués, ne leur sont pas toujours substituables.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris ici analysé peut être rapproché de la décision rendue peu avant par la Cour d’appel de Douai, en date du 31 mai 2017.

Les juges douaisiens ont également considéré que la plus-value réalisée par les dirigeants sur leur BSA constituait un avantage devant être soumis à charges sociales en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.

L’arrêt est moins caractéristique puisque les BSA avaient été attribués, en l’espèce, avec une décote importante sur leur prix de souscription, ce que reconnaissait la société appelante. Il n’en reste pas moins que la Cour d’appel de Douai a refusé de considérer que l’avantage octroyé aux dirigeants était constitué de ce seul rabais et a ignoré l’aléa pesant sur la valeur des titres, préfigurant la position très catégorique de la Cour d’appel de Paris.

Ces décisions pourraient être annonciatrices d’une nouvelle tendance des juridictions en matière sociale, favorable aux requalifications opérées par l’URSSAF, à laquelle il faudra se montrer attentif. En toutes hypothèses, dans l’attente du positionnement de la Cour de cassation, que l’on souhaite plus pragmatique, le risque du redressement social et le renchérissement potentiel du coût des BSA qui en résulte doivent plus que jamais être pris en compte lors de l’attribution des management packages.

Sylvain Clerambourg, avocat associé du cabinet FTPA


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