La hausse des taux d'intérêt et le coût de l'effet de levier dans un contexte de resserrement monétaire sont les principaux défis auxquels l’industrie du private equity est confrontée, mais les gérants continuent de trouver des solutions créatives pour stimuler la croissance.
L'augmentation du coût de l’endettement ainsi que la volatilité des valorisations dans un contexte de ralentissement économique mondial et de durcissement des politiques monétaires ont été identifiées comme les plus grands défis auxquels le secteur du private equity est confronté, selon le rapport annuel Global Private Equity Outlook du cabinet d'avocats international Dechert. Publié en partenariat avec Mergermarket, cette 5e édition s’appuie sur une enquête menée auprès de plus de 100 dirigeants de sociétés de private equity établies en Amérique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA), et en Asie-Pacifique.
À l'échelle mondiale, la valeur des opérations de private equity a presque diminué de moitié, passant de 1 200 milliards de dollars entre le premier et le troisième trimestre 2021 à 685 milliards de dollars sur la même période en 2022. Tandis que l'activité reste supérieure aux niveaux d'avant la pandémie, le nombre d’opérations a diminué au niveau mondial de 18 % sur un an (en glissement annuel), pour atteindre un total de 4 694 opérations au cours des trois premiers trimestres de 2022. La région EMEA a enregistré une baisse (22 %) du nombre d’opérations sur un an, avec 1 801 opérations de buy-out réalisées. Néanmoins, la baisse du montant des opérations dans la région EMEA (37 %) reste inférieure à ce qui a été constaté à l'échelle mondiale (45 %).
« Après une année record en 2021, le marché du private equity a prouvé sa résilience, revenant aux niveaux d'activité d'avant la pandémie. Nous devrons néanmoins faire face à de nouveaux défis, le contexte géopolitique ayant un impact sur les taux d'intérêt et le coût de l'effet de levier, ainsi que la concurrence entre les fonds. En tant que cabinet d'avocats international de premier plan disposant d'experts reconnus sur chacune des principales places financières mondiales, notre objectif est de fournir les meilleures solutions aux sociétés de gestion et à leurs équipes afin de les aider à relever les défis de cet environnement en mutation » explique Sabina Comis, associée en charge des départements structuration de fonds et fiscalité et membre du Comité de Direction du bureau de Paris.
Défis des levées de fonds dans la région EMEA
Dans ce rapport, 32% des personnes interrogées de la région EMEA s’accordent pour considérer que le défi le plus important pour lever des fonds dans cette région est la concentration des principaux investisseurs sur un nombre restreint de fonds. Leurs homologues d’Amérique du Nord soulignent quant à eux le défi que représente la concurrence entre les fonds (en particulier les gérants de grande taille et/ou plus diversifiés) (27 % contre 14 % en EMEA) et celui de rassurer les investisseurs sur leur capacité à appeler rapidement leurs engagements d’investissement (22 % contre 14 % pour la région EMEA).
À la suite de l’effondrement des marchés boursiers, des cycles de collecte de fonds plus longs sont attendus. Les gérants se sont adaptés en déployant diverses stratégies pour maintenir leurs pipelines d’opérations. Près de sept personnes sur dix (68 %) interrogées à l’échelle mondiale ont indiqué qu'elles sourcent leurs opportunités d’investissement via des d’incubateurs et des programmes de formation pour dirigeants d’entreprises, 60 % indiquant également utiliser leurs réseaux personnels pour sourcer leurs opérations en dehors des processus compétitifs.
« D'un côté, compte tenu de la hausse des taux d'intérêt, les LPs tendent à demander un rehaussement du taux de leur rendement prioritaire. D'un autre côté, la baisse des valorisations incite les gérants à baisser ce taux pour faciliter le déclenchement du carried interest. Cela crée donc un désalignement des intérêts entre les différents acteurs, qui sera un enjeu majeur dans le cadre des prochaines levées de fonds » précise Sabina Comis
« Cet hiver sera probablement marqué par une nouvelle contraction de l'activité, car les équipes d’investissement vont certainement se concentrer sur le soutien et le développement de leurs participations plutôt que sur la réalisation de nouvelles opérations. » ajoute Chris Field, co-responsable de la pratique mondiale Private Equity de Dechert et membre du comité de Direction du bureau de Londres.
Essor des fonds dette privée
Dans un cycle de hausse des taux d'intérêt et d'inflation, la dette privée demeure un mode de financement très prisé. 30 % des personnes interrogées dans le monde s'accordent à dire qu’actuellement, l’atout majeur du recours à la dette privée par rapport au financement bancaire traditionnel réside dans la flexibilité accrue de ses termes et conditions. Viennent ensuite le fait de bénéficier de ratios d'endettement plus élevés (21 %) et d’une plus grande prévisibilité (19 %).
Toutefois, le rapport indique que tant que l'inflation ne sera pas maîtrisée, les gestionnaires de fonds peuvent s'attendre à ce que les marchés obligataires à haut rendement (high yield) et des prêts syndiqués restent difficiles d’accès.
Les gérants de private equity peuvent-ils répondre aux attentes de leurs investisseurs ?
À l’instar des gérants de fonds cotés, les acteurs du private equity sont soumis à la pression liée à l’incertitude des valorisations lorsqu’il s’agit d’offrir de la liquidité à leurs investisseurs. 40 % des interrogés de la zone EMEA soulignent l’importance de la détermination du scénario de sortie adéquat et la recherche de candidats acquéreurs prêts à offrir la valorisation souhaitée malgré le contexte de récession.
Le rapport fait également état d'une divergence d’appréhension à l'égard des conditions de désinvestissement au cours des 12 prochains mois. 82 % des personnes interrogées en Amérique du Nord et 80 % en EMEA estiment qu’elles devraient s’améliorer, contre seulement 45 % en Asie-Pacifique.
Quelles tendances pour 2023 ?
La majorité des personnes interrogées considèrent que les trois principales tendances à l’investissement dans les mois à venir seront les partenariats entre les fonds de private equity et des opérateurs stratégiques (75 %), les clubs deals (57 %) et les « continuation funds » (50 %). À l’inverse, ces mêmes personnes estiment que les levées de fonds étant plus longues et complexes (compte tenu du contexte actuel), les levées d’un fonds successeur / d’un nouveau millésime (30 %), les « recapitalisations » avec effet de levier (28 %) et les acquisitions de sociétés cotées (26 %) seront moins prisées.
En termes de classes d'actifs dans lesquelles les entreprises interrogées envisagent d'investir au cours des 24 prochains mois, la dette privée / prêt direct (82 %) est la plus populaire. Viennent ensuite le capital-risque (76 %) et la dette d’entreprises en difficultés (63 %). Comparativement à ce qui précède, d'autres catégories d'actifs telles que les cryptomonnaies, l'immobilier commercial / résidentiel, les ressources naturelles (par exemple, métaux et mines, terres agricoles, eau) figurent au bas de la liste de souhaits de chaque personne interrogée.