Les dirigeants d’entreprises françaises reconnaissent que leurs programmes de lutte contre la corruption sont insuffisants.
Alors que projet de loi Sapin II sur le renforcement des moyens de lutte contre la corruption en France sera prochainement débattu à l’Assemblée nationale, le cabinet d’avocats Eversheds publie une étude internationale constatant que les sociétés établies en France reconnaissent des insuffisances dans la mise en œuvre de leurs programmes de lutte contre la corruption.
500 dirigeants, membres de conseils d’administration de grandes entreprises réparties dans 12 pays (dont 50 en France) ont participé à cette étude internationale qui consistait à déterminer comment les entreprises françaises et étrangères gèrent les risques en matière de corruption au sein de leur entreprise.
Elle révèle notamment que 58% des membres de conseils d’administration de sociétés établies en France ont identifié des pratiques susceptibles d’être qualifiées de corruption au sein de leur entreprise
Les programmes de lutte contre la corruption sont insuffisants
Près des trois quarts (70%) des dirigeants interrogés reconnaissent que leurs programmes de lutte contre la corruption sont insuffisants. Si ces derniers comprennent l’enjeu de ces questions, ils reconnaissent ne pas avoir mis en place de programmes adaptés pour prévenir, contrôler et limiter les risques de corruption.
"Les entreprises françaises comprennent la gravité et l’effet dévastateur que des poursuites du chef de corruption pourraient avoir sur leurs activités et leur réputation mais ne cernent pas la réalité des risques existant en matière de corruption. En effet, en raison du renforcement de la législation (projet de Loi Sapin II, législation étrangère) et des décisions judiciaires récentes (arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 février 2016 dans l’affaire « Pétrole contre Nourriture ») les sociétés françaises encourent des risques de plus en plus importants en matière de corruption internationale", explique Sophie Scemla, associée chez Eversheds et responsable de la pratique de droit pénal des affaires en France.
Les conclusions de l’étude mettent également en évidence une contradiction entre les principes éthiques d’une entreprise et ses objectifs commerciaux s’agissant de la corruption. Ainsi, 30% craignent que leurs salariés, face à des objectifs de croissance ambitieux, n’aient recours à la corruption.
"Les entreprises françaises comprennent la gravité et l’effet dévastateur que des poursuites du chef de corruption pourraient avoir sur leurs activités et leur réputation mais ne cernent pas la réalité des risques existant en matière de corruption. En effet, en raison du renforcement de la législation (projet de Loi Sapin II, législation étrangère) et des décisions judiciaires récentes (arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 février 2016 dans l’affaire « Pétrole contre Nourriture ») les sociétés françaises encourent des risques de plus en plus importants en matière de corruption internationale", précise l’avocate.
Cependant, des solutions existent pour empêcher ce type d’agissements. « Les conseils d’administration doivent agir à plusieurs niveaux : réaliser une analyse des risques exhaustive, qui fera l’objet d’un réexamen régulier ; s’assurer que leurs procédures de lutte contre la corruption sont compréhensibles et adaptées ; mettre en place des formations promouvant la discussion et modifiant les comportements ; et un audit constant des procédures mises en place. L’entreprise a intérêt à identifier au plus tôt les pratiques de corruption pour y mettre un terme et anticiper les risques de poursuites par les autorités françaises et étrangères. »
Signalement volontaire
Sur les 58% des membres de conseils d’administration français ayant identifié des comportements de corruption au sein de leur entreprise, 41% ont pris la décision de signaler volontairement ces comportements aux autorités chargées du maintien de la loi
Pour Sophie Scemla, "les dirigeants français font preuve d’une réelle volonté de favoriser les signalements volontaires, toutes les personnes interrogées ayant déclaré qu’elles effectueraient un tel signalement aux autorités chargées du maintien de la loi ou aux autorités de régulation si elles découvraient demain un comportement constitutif de corruption au sein de leur entreprise ».Elle ajoute que « Les incitations au signalement volontaire sont de plus en plus fréquentes à l’étranger, notamment dans les Etats qui ont institué la possibilité de recourir à des accords transactionnels avec les autorités de poursuites tels que des « Defered Prosecution Agreements ». Cependant, compte tenu de l’évolution constante de la réglementation, les multinationales ont des difficultés à comprendre la manière dont leur situation sera appréhendée d’un pays à l’autre".
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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