Les critères pour la répartition du résultat. Par Caroline Neveux, Jurimanagement
Les systèmes de répartition dits mixtes s’appuient en général sur de nombreux critères, destinés à récompenser tout type de performance.
1. Des critères...objectifs
La performance ne se résume bien évidemment pas à la rentabilité.
Entre autres exemples, elle pourra être la capacité à trouver de nouveaux clients, en dehors du champ même de sa propre compétence (cross selling), à fidéliser de nouveaux clients, à propulser l’image du cabinet, à développer l’outil de travail, à fédérer les équipes... Si les principes de gouvernance et le système d’évaluation ne prennent pas en compte ce type de critères, ou encore, n’en définissent pas les contours et le poids, on sait par expérience, que ces actions sont particulièrement chronophages avec un retour sur investissement non immédiat - il sera difficile de mesurer une performance.
Quant à la mesure des facteurs de rentabilité immédiats (temps passés - action/ facturation – recouvrement – rentabilité), il convient de faire particulièrement attention aux critères qui en sous- tendront la mesure. En effet, la « sur mesure» de la performance de l’individu, ou du département, sont autant de dangers contre productifs.
On pourra facilement leur préférer la mesure de la rentabilité d’un client ou d’un dossier. Encore faut-il pour cela que le cabinet ait des règles de gestion
strictes et un outil de mesure adapté, au risque de voir disparaître l’intérêt du système. Il n’y a pas de mesure possible sur des systèmes flous et empiriques.
Certains cabinets rémunèrent également la fidélité de leurs associés et accordent une part non négligeable de la répartition à l’ancienneté pure (nombre d’années
d’association).
D’autres rémunèrent les actions de gestion des associés qui sont choisis ou se désignent pour s’investir, par exemple en prenant le nombre d’heures passées à gérer (l’imputation des temps passés est obligatoire de ce point de vue) et en les affectant d’un taux horaire au prix de revient qui permet de les retraduire en CA
fictif.
Enfin, il est nécessaire de constater que les cabinets accordent une moindre importance au critère pur du chiffre d’affaires, cette notion étant à compléter par une analyse de la rentabilité du groupe. En effet, de nombreux cas ont montré que le chiffre d’affaires de l’équipe pouvait ne pas être rentable s’il est très consommateur
de ressources.
Ainsi, les critères mis en place devront mesurer toutes les performances : court terme, investissement collectif, performance long terme, développement, management.
2. Des critères quantifiables
La quantification des critères et de leur poids respectif est devenue capitale pour éviter une gestion molle et aléatoire de la répartition.
Dès lors, quelle part et quelle décomposition envisager ? Elles dépendront bien évidemment de la philosophie du cabinet, des valeurs et des objectifs stratégiques que celui-ci se donne. Nous ne pouvons ici que donner un exemple qui méritera d’être adapté au cas particulier.
A notre sens, la quantification doit avoir lieu à deux niveaux distincts :
- La proportion du résultat rémunérant tel ou tel critère, ou groupe de critères,
- Pour le critère, ou groupe de critères en question, le mécanisme de l’attribution de la part du résultat envisagée.
Ainsi, pour un résultat net, R, en Selarl, nous donnons ci-après un exemple de répartition:
- 85 % de R est soumis à répartition entre les associés dont :
- 10 % va à la rémunération des associés en capital ayant plus de 5 ans d’ancienneté (le délai s’apprécie à partir du jour de l’association en capital) : la sous répartition de cette quote part peut être prévue per capita.
- 20 % va à la rémunération de la détention en capital de chacun des associés appréciée en fonction de la détention,
- 30 % va à la rémunération de l’industrie de chaque associé, mesurée par la moyenne des chiffres d’affaires réalisés par chaque associé et par chaque équipe.
Pour apprécier cette proportion, les associés disposant de domaines de gestion se verront créditer d’un chiffre d’affaires fictif. Celui-ci est le produit du nombre d’heures consacrées à la gestion par le taux horaire, apprécié au prix de revient.
- 30 % va à la rémunération de la contribution à la rentabilité de l’équipe, mesurée dans des termes précis.
- 10 % va à l’effort contributif à répartir en fonction des critères suivants :
o 1/2 : Contribution à la notoriété du cabinet : mesurée en nombre d’articles, conférences, formations, interventions...
o 1/2 : Effort de promotion des activités des autres départements : mesuré par l’apport d’affaires (CA apporté)
- 15 % de R sera porté à la réserve
3. Des critères particuliers
Notons deux points particuliers dans cette proposition de répartition :
- Le premier concerne la faible proportion attribuée à l’apport d’affaires
- Le second concerne le poids plutôt important consacré à la réserve
La rémunération de l’apport d’affaires est très discutable et discutée dans des structures capitalisant sur le nom, sur les valeurs incorporelles, sur la structure elle-même et appliquant le respect de la départementalisation et de la spécialisation, devant nécessairement conduire à un traitement des dossiers par les spécialistes et ce, dans l’intérêt des clients. Elle est même assez contradictoire avec une stratégie de cabinet et peut conduire à favoriser le développement de chapelles et
la transgression de la notion de département.
En effet, pourquoi rémunérer l’apport d’affaires alors même que le cabinet est censé être spécialisé ? Cela ne sous-entend-il pas, qu’en cas de non rémunération
de cet apport, l’associé apporteur conserverait le dossier par devers lui ? Ce critère est donc très dépendant de la stratégie du cabinet.
Pour ce qui est de la partie du résultat à affecter à la réserve, il va de soi que cette notion n’est valable qu’en Selarl. Toutefois, il est légitime de rappeler que le principe de prudence veut que les associés, y compris ceux qui exercent en BNC, ne se distribuent pas l’intégralité du résultat pour des questions relatives à la couverture du BFR d’une part, aux besoins d’investissement, d’autre part. Enfin, rappelons également qu’en cours d’année, les acomptes à verser aux associés devront être calculés mensuellement, pour la régularité et sur la base de la répartition de l’année précédente, elle–même coefficientée à 70 % afin de ne pas subir une perte en trésorerie en cas de baisse du résultat de fin d’année. Les sommes versées aux associés ne sont que des avances sur résultat.
S’arrêter sur des critères cohérents et facilement maniables est en réalité un exercice complexe, relevant d’une Charte d’associés et très dépendant des objectifs,
des valeurs et de la stratégie du cabinet.