Alexandre Job et Pierre Duprey croisent leurs regards sur la relation Direction Juridique-Avocat dans un litige international.
Les entreprises sont fréquemment amenées à exercer tout ou partie de leurs activités dans un contexte international, avec des partenaires publics ou privés. Elles sont alors nécessairement confrontées aux spécificités de certains systèmes juridiques, comme aux risques politiques qui peuvent exister dans les pays où elles opèrent. La mondialisation comme la sophistication des échanges ont favorisé l’émergence des formes inédites et toujours plus variées de relations commerciales internationales. Ainsi, les différends internationaux qui peuvent naître à l’occasion des activités d’une entreprise appellent, de par leur complexité et/ou à raison du caractère d’extranéité de l’environnement légal et judiciaire dans lequel ils s’inscrivent, une attention accrue de la part des conseils internes (juriste d’entreprise) comme externes (avocats) de l’entreprise.
Cette exigence, souvent imposée par la technicité juridique de ces litiges et les enjeux stratégiques qu’ils recouvrent pour l’entreprise, met d’expérience en exergue la nécessité d’un partenariat juriste d’entreprise – avocat fondé sur une relation de confiance mutuelle. Dans ce contexte, la Direction juridique doit jouer un rôle essentiel de « chef d’orchestre » afin d’assurer, au-delà des questions de droit en cause, la meilleure harmonie possible entre d’une part, les choix tactiques qui lui sont offerts sur le plan contentieux et d’autre part, la stratégie de l’entreprise et sa communication. Les contentieux les plus complexes, présentant par exemple une dimension multi-juridictionnelle, sont souvent gérés par la Direction juridique en mode « projet » afin d’en rationaliser le traitement, dispositif dans lequel l’avocat a toute sa place.
Plus la concertation entre la Direction juridique et ses conseils externes interviendra en amont de la conclusion de l’opération internationale envisagée, plus les chances d’éviter la naissance d’un conflit seront fortes. La synergie juriste d’entreprise-avocat n’en sera que plus efficiente. En effet, dès le stade des négociations d’opérations internationales, juristes d’entreprise et avocats ont intérêt à se concerter. Cette concertation permettra d’identifier tôt dans le schéma contractuel qui se met en place les risques potentiels, et d’anticiper les actions curatives ou correctrices appropriées. En partageant une vision d’ensemble des enjeux de l’opération envisagée, les conseils internes et externes contribueront à une meilleure sécurité juridique du projet envisagé et anticiperont plus efficacement les risques de conflit. Il va de soi que le choix notamment du mode de résolution des litiges le plus approprié doit se faire au regard tant du contexte juridique dans lequel le contrat s’insère que des enjeux économiques et financiers que l’opération considérée porte pour l’entreprise.
Cela implique de faire le choix du cabinet d’avocats que la Direction juridique estime disposer des qualités et compétences requises pour l’accompagner dans ses projets de développement à l’international, non seulement afin de l’assister dans la négociation des accords mais aussi, par projection, dans l’hypothèse d’un différend futur. L’anticipation du risque de conflit peut aller jusqu’à la mise en place d’un système de veille conjointe de la Direction juridique et de ses conseils externes où la synergie prend tout son sens. Cette veille se traduit par un échange régulier d’informations sur l’évolution des accords majeurs de l’entreprise, des risques juridiques ou économiques propres aux autres pays dans lesquels l’entreprise opère, voire par un suivi des principaux partenaires de l’entreprise.
Plusieurs questions méritent alors l’attention du juriste d’entreprise dans le choix de l’avocat : dispose- t-il des connaissances appropriées au regard des éventuels éléments d’internationalité en présence ? Dispose-t-il d’une équipe ou d’un réseau permettant de mobiliser des moyens à hauteur des enjeux en présence pour l’entreprise notamment si des actions judiciaires doivent être conduites à l’étranger et/ou dans divers pays de manière simultanée ? etc… La réponse à ces questions déterminera, pour la Direction juridique, le choix de l’avocat qu’elle estimera le mieux à même de répondre à ses attentes mais aussi propre à lui conférer la sécurité et la visibilité dont elle a besoin pour mener à bien la gestion du litige dont elle est en charge.
Alexandre Job, juriste d’entreprise, Direction Grands Contentieux, Total, et Pierre Duprey, avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier
A propos
Cet article provient du numéro 13 de Juriste Entreprise Magazine (JEM), magazine de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE) dont le dossier spécial est consacré à la mondialisation.
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