Le 11 octobre 2021, l’Autorité de la concurrence (« l’Autorité ») a publié un projet de document-cadre sur les programmes de conformité en droit de la concurrence[1]. Celui-ci est soumis à consultation publique jusqu’au 10 décembre 2021 pour recueillir les observations des acteurs intéressés. Décryptage par Dan Roskis, avocat associé, et Chloé Charbeaux, avocate collaboratrice au sein du cabinet Eversheds Sutherland (France) LLP.
Un texte de référence pour élaborer un programme de conformité
D’inspiration anglo-saxonne, les programmes de conformité au droit de la concurrence constituent une série de mesures internes mises en place dans une entreprise, visant à prévenir et répondre aux risques d’infractions aux règles de concurrence.
Dans son communiqué de presse du 11 octobre 2021[2], l’Autorité indique qu’un groupe d’experts issus d’entreprises, associations professionnelles et cabinets d’avocats, et de représentants de l’Autorité, s’est constitué en 2020 dans l’objectif d’identifier des bonnes pratiques en matière de conformité. Les travaux du groupe ont révélé le souhait des acteurs du marché de bénéficier d’un texte de référence sur les programmes de conformité en droit de la concurrence.
L’enjeu est de taille, puisque la violation des règles de concurrence peut exposer les entreprises à des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial, et au versement de dommages et intérêts aux victimes de la violation. Des peines d’emprisonnement et d’amende sont également applicables aux personnes physiques concernées.
C’est dans ce contexte qu’a été publié le projet de document-cadre, qui servira de guide aux entreprises pour préparer ou réviser leur propre programme de conformité au droit de la concurrence.
Reprise des principes du document-cadre de 2012
Un premier document-cadre sur les programmes de conformité en droit de la concurrence avait été adopté par l’Autorité en 2012[3]. Il prévoyait la possibilité pour l’Autorité de tenir compte, pour accorder une réduction d’amende dans le cadre de l’ancienne procédure de non-contestation des griefs devenue transaction, de l’engagement d’une entreprise à mettre en place un tel programme de conformité.
L’Autorité était néanmoins revenue sur cette possibilité dans une décision de 2017[4], précisant à cette occasion la vocation des programmes de conformité à s’insérer dans la gestion courante des entreprises, sans qu’ils ne puissent plus, de façon générale, justifier une diminution de sanction. Cette approche était conforme à celle retenue par la Commission européenne. Le document-cadre avait donc été retiré par l’Autorité le lendemain[5].
A l’exception de la réduction d’amende associée à la mise en place de programmes de conformité, les grands principes du document-cadre de 2012 sont repris et enrichis par l’Autorité dans son nouveau projet de 2021.
Sont ainsi détaillés les cinq piliers sur lesquels un programme de conformité aux règles de concurrence doit s’appuyer :
- une prise de position claire, ferme et publique de la direction de l’entreprise sur la nécessité de respecter les règles de concurrence et de soutenir le programme de conformité ;
- la désignation, quand la structure de l’entreprise le permet, de personnes responsables en interne de la gestion du programme de conformité, disposant de temps et de moyens humains et financiers suffisants pour assurer sa mise en œuvre effective ;
- des mesures d’information, formation et sensibilisation auprès du personnel de l’entreprise, visant à prévenir les risques d’infraction au droit de la concurrence ;
- des mécanismes effectifs de contrôle et d’alerte, incluant la possibilité pour le personnel de communiquer avec les personnes désignées responsables de la conformité, qu’il s’agisse de leur demander conseil ou de les alerter sur de potentielles infractions ; et
- un dispositif de suivi, avec notamment une procédure de sanction pour les infractions n’ayant pas pu être évitées.
Le rôle de l’avocat dans la mise en place des programmes de conformité
Dans son projet de document-cadre, l’Autorité rappelle le rôle clé des avocats spécialisés en droit de la concurrence, « qui apportent un savoir-faire supplémentaire au service de la conformité ». Elle souligne la vocation de l’avocat à accompagner les entreprises à tous les stades d’un programme de conformité.
Les avocats sont particulièrement bien placés pour assister leurs clients dans la conception de programmes de conformité, pour tenir compte de l’activité de l’entreprise ou de certaines divisions, de la complexité de la matière et des derniers développements de la pratique. Cette assistance régulière comprend également les actions de sensibilisation du personnel, en particulier par le biais de formations personnalisées, en présentiel ou par « e-learning ». L’aide apportée aux entreprises inclut l’évaluation régulière du programme de conformité et du comportement des équipes opérationnelles, ce type d’audits permettant de corriger certains dysfonctionnements et de déceler des infractions au droit de la concurrence.
Comme le reconnaît l’Autorité, le recours à l’avocat peut enfin permettre d’externaliser la fonction conformité et les prestations qui s’y attachent.
Dan Roskis et Chloé Charbeaux, associé et collaboratrice chez Eversheds Sutherland
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[1] https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/conformite_nouveau%20doc_cadre_0.pdf
[2] https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/lautorite-de-la-concurrence-ouvre-une-consultation-publique-en-vue-de-publier
[3] Document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence
[4] Décision 17-D-20 de l’Autorité du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, points 462 à 464
[5] Communiqué de l’Autorité du 19 octobre 2017 relatif à la procédure de transaction et aux programmes de conformité