La crise place en effet les acteurs économiques face à la réalité des risques propres à leurs activités, et à la nécessité de renforcer leurs politiques RSE avec un double objectif : anticiper de futurs bouleversements économiques, et rassurer leurs partenaires et leurs collaborateurs sur le caractère pérenne de leur modèle et de leurs activités. Comment optimiser l’appropriation d’une démarche RSE par les collaborateurs et les partenaires pour permettre une évaluation fine des risques et une action efficace sur les facteurs de fragilité ? Comment allier RSE et risk management pour les muer en outils de création de valeur durable ?
Essentiellement perçue par ses détracteurs comme un levier réputationnel, la responsabilité sociale des entreprises est davantage qu’un simple exercice de reporting imposé aux grandes entreprises[1]. La RSE vise à intégrer les enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux à la stratégie de l’entreprise et dans ses relations avec ses parties prenantes. Ces enjeux n’ont pas disparu du fait de la crise sanitaire. Bien au contraire, dans le contexte actuel, l’entreprise n’a pas d’autre choix que la voie de la résilience, à savoir faire face à cette crise, tout en assurant une relance durable de son activité alliant protection sanitaire, développement social et préservation de l’environnement.
La stratégie RSE, toujours pertinente car créatrice de valeur économique responsable implique une forte implication au plus haut niveau de l’entreprise indispensable afin de garantir sa dimension stratégique et globale.
Sa mise en œuvre ne saurait être théorique et doit donner lieu à une analyse des risques RSE spécifique à l’activité et au secteur de l’entreprise.
Cette cartographie des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance contribue à renforcer l’analyse des risques dite classique, qui elle est centrée sur l’activité de l’entreprise elle-même. Elle prend en compte les enjeux environnementaux et sociaux du secteur, notamment par l’analyse des impacts sur l’activité des évolutions réglementaires dans ces domaines. A titre d’exemple, doit être analysé l’impact sur le secteur d’activité des évolutions réglementaires, liées à la mise en œuvre de la stratégie nationale bas carbone et, notamment ses conséquences sur l’emploi. Cette analyse doit être étendue à l’ensemble de la chaine de valeur, dont le périmètre doit être établi par une définition appropriée de la relation commerciale établie.
Cette analyse, après hiérarchisation par pertinence des risques RSE spécifiques à son activité, permet à l’entreprise d’intégrer, dans une approche de développement durable, les enjeux de long terme en identifiant des actions à mettre en œuvre à court et moyen terme afin de se prémunir contre les événements pouvant impacter son activité mais aussi de saisir des opportunités. Elle aide de ce fait à structurer une stratégie durable d’entreprise dont la priorité demeure la performance économique.
A court terme, l’identification des risques environnementaux et sociaux spécifiques à l’entreprise permet également, si nécessaire, de définir un plan de conformité sécurisant les pratiques de l’entreprise.
Une approche globale et intégrée des enjeux sociaux et environnementaux
La RSE ne se réduit pas à ses aspects environnementaux et l’aspect social est souvent réduit à sa plus simple expression. L’analyse des enjeux sociaux et environnementaux est d’ailleurs encore trop souvent dissociée. Une approche intégrée est nécessaire dès lors que les questions environnementales et sociales sont souvent liées (qualité de vie au travail et santé environnementale, transition écologique et transformation d’emploi...). A titre d’exemple, la formation des salariés aux nouveaux enjeux de transition écologique est indispensable pour assurer l’adaptabilité des emplois. A cet égard, l’article 16 du projet de loi dit « Climat »[2]prévoit de renforcer les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC°) afin qu’elle prenne en compte les enjeux de transition écologique. Ce même projet d’article intègre le sujet de la transition écologique parmi les attributions du CSE. Ainsi, chaque thématique, récurrente ou ponctuelle, faisant l’objet d’une procédure d’information et de consultation du CSE devra traiter de l’impact environnemental de la décision de l’employeur.
L’adhésion des salariés et de leurs représentants
La démarche RSE permet également de (re)donner confiance aux salariés dans un projet d’entreprise structuré, répondant aux nouveaux enjeux du secteur d’activité. Elle donne du sens à leur activité en réaffirmant l’utilité sociale du projet d’entreprise, parfois exprimée au travers de la « raison d’être ».
Les salariés et leurs représentants doivent donc être associés à toutes les étapes de la démarche RSE, de sa conception à sa mise en œuvre et à son évaluation. En l’absence d’adhésion des salariés, l’investissement nécessaire des talents humains au projet d’entreprise ne sera pas au rendez-vous et a de grandes chances d’échouer.
La généralisation de la stratégie RSE aux PME-TPE
La stratégie RSE doit impérativement être rendue accessible aux PME-TPE. De fait, les grandes entreprises donneuses d’ordre imposent de plus en plus à leurs prestataires de mettre en place des stratégies RSE. Toutefois, la volumétrie, la technicité et la redondance des informations sollicitées ne facilitent pas l’accession des petites entreprises à la politique RSE. Ces dernières prennent ainsi le risque de se voir fermer la porte de marchés privés mais également publics. En témoigne l’article 15 du projet de loi « climat » qui rend obligatoires les clauses environnementales dans les marchés publics et impose aux acheteurs de recourir au minimum à un critère basé sur la performance environnementale pour la sélection de l’offre « économiquement la plus avantageuse ».
Nul doute que l’entrée en vigueur de cette législation contribuera plus encore à l’acclimatation de la RSE dans l’environnement des affaires français.
Gwladys Beauchet, Associée en Droit social, Droit de l’Environnement et Compliance chez DS Avocats
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[1] Les sociétés employant plus de 500 salariés et dont le bilan ou le CA est> 100 M € (seuils abaissés à 40 M€ de CA ou 20 M€ de total bilan pour les sociétés cotées sur un marché réglementé).
[2] Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets