Portrait : Régis Fabre, managing partner de Baker McKenzie

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Régis Fabre est un avocat heureux. Il le dit lui-même. Managing partner du cabinet Baker McKenzie depuis 2008, il est sans doute l’un des rares, si ce n’est le seul, à occuper cette fonction sans avoir fait toute sa carrière au sein du cabinet. Au départ, il ne voulait pas être avocat, « un métier de bataille et non pas de construction ».

D’universitaire, Régis Fabre devient conseil juridique « un métier d’ingénierie, d’architecture, qui m’a tout de suite beaucoup plu ». Quelques années plus tard, Régis Fabre est président des conseils juridiques du Languedoc Roussillon puis membre de la Commission nationale des conseils juridiques au moment de la fusion des professions d’avocat et de conseil juridique. Il intègre alors naturellement le Conseil de l’ordre des avocats de Montpellier.

En 1980, Régis Fabre crée son propre cabinet à Montpellier, lequel est repris en 1995 par Ernst & Young qui cherchait à s’implanter en province. Ses domaines d’expertise sont le droit de la distribution français et international, le droit de la concurrence national et communautaire et le droit de la promotion des ventes. En 1999, Ernst & Young demande à Régis Fabre de venir à Paris pour prendre en charge le département distribution et concurrence et sa ligne de services. Il y reste jusqu’en 2003, date de la promulgation de la loi sur la sécurité financière interdisant aux avocats de travailler pour les clients de l’audit. La plupart des clients de Régis Fabre étant des clients de l’audit, ce dernier rejoint alors Baker McKenzie.

Titulaire d’un DESS de Droit privé, d’un DEA de Propriété intellectuelle de l’Université de Montpellier et d’un Doctorat, Régis Fabre aime les approches réalistes et pragmatiques pour résoudre les cas d’entreprises qu’on lui présente. Pas étonnant qu’il se soit si bien entendu avec un des créateurs du droit de l’entreprise, le professeur Mousseron, auprès duquel il a fait toutes ses études.

« S’il y a une personne dans ma vie qui a fait ce que je suis aujourd’hui, c’est lui. Il m’a appris à travailler, à raisonner. Sa méthode était extrêmement analytique et pratique. Il se méfiait en permanence des concepts. Il m’a mis le pied à l’étrier ».

Régis Fabre collabore avec le professeur Mousseron à la rédaction de nombreux articles, livres ou consultations, notamment à celle d’un ouvrage de référence : le Droit du Commerce International (Litec – 4e édition). Régis Fabre est également l’auteur principal des trois éditions du Droit de la Publicité et de la Promotion des ventes (Dalloz), du Guide Juridique et Pratique des Achats (Litec 2002, 2ème édition) et du Guide de Négociations Commerciales (Dalloz, 2ème édition 2009).



« Devenir managing partner est un concours de circonstance. Je suis en fin de carrière. C’est sans doute un moyen de me pousser dehors et de me faire comprendre que j’arrive à un âge où je dois commencer à transférer mes dossiers » plaisante Régis Fabre. « Cela dit, lorsqu’on m’a proposé de devenir managing partner, je me suis dit pourquoi pas car cela m’intéressait de voir autre chose. »

Régis Fabre se définit comme « pas très politique, pas très souple, un peu brut de décoffrage ». Ce n’est pas si sûr. Régis Fabre a une approche du métier trop mesurée, trop pensée pour que ce soit totalement exact.

« Le métier d’avocat apporte une idée de relativité. Tout peut changer tout le temps, on peut gagner ou tout perdre. Le droit permet de tout remettre en question. C’est le paradoxe, l’avocat est là pour sécuriser mais aussi pour attaquer. On passe notre temps à détruire ou à construire. C’est çà le droit, des procès pour remettre tout à plat ou de l’architecture juridique pour construire ».

Autre aspect du métier d’avocat, que Régis Fabre tient à souligner, c’est sa relation au temps. Le droit est un gros consommateur de temps même si la profession se doit d’être réactive. D’où cette contradiction entre l’immédiateté de la réponse et la nécessité pour l’avocat de poser les choses et d’analyser.

Relation que Régis Fabre transpose aussi sur le plan personnel. « Dans ma vie privée c’est la même chose. Une famille, un bonheur, une retraite, est une construction qui s’inscrit dans le temps ». Cette même notion de temps qui suit Régis Fabre jusque dans le choix de ses hobbies, toujours des choses lentes, longues. « Faire un sommet en montagne prend un jour ou deux, ce sont des efforts qui durent, le métier d’avocat aussi nécessite des efforts qui durent ».

Dans son milieu professionnel, Régis Fabre se défend d’avoir des réseaux, notamment politiques. « Chaque associé à ses réseaux qui s’ajoutent, mais moi particulièrement je n’en ai pas parce que je ne suis pas un parisien et si j’ai des réseaux, ils sont plutôt en province et dans les milieux universitaires ». Il est vrai que Régis Fabre retourne tous les week ends à Montpellier, où il est professeur à l’Université.

Régis Fabre est un avocat heureux mais cela ne l’empêche pas de porter un regard réaliste sur les jeunes avocats et la vie qu’ils mènent. « Je trouve que les jeunes avocats ont des vies difficiles. L’exigence de la compétence et de l’immédiateté impacte considérablement les vies privées. Etre dans un métier de service cela veut dire être dépendant de la volonté des autres, même si cette volonté est beaucoup plus pressante et exigeante qu’avant et souvent de façon abusive. C’est difficile mais aujourd'hui quelqu’un qui ne veut pas se mettre au service n’a pas sa place dans les cabinets de service. » C’est lucide mais sans complaisance.


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