Yasmine Develle, nouvelle présidente de l'ACE, évoque sa prise de fonction. Elle souhaite renforcer le maillage territorial de l'association, maintenir sa position au CNB et développer des formations sur des thématiques clés comme l'intelligence artificielle. Sa vision s'inscrit dans une dynamique de solidarité et d'évolution professionnelle pour tous les avocats.
Qu'est-ce que ça représente pour vous de prendre la tête de l'ACE ?
C'est à la fois une très grande fierté et une immense gratitude. Quand je suis rentrée à l'ACE, il n'y avait que des confrères que j'admirais profondément. Le fait que ces personnes m'aient fait confiance pour diriger l'association est un grand honneur. L'aspect humain est primordial à l'ACE, et j'ai beaucoup appris en échangeant avec mes collègues. Notre profession n'est pas facile, et le réseau de confiance que nous avons construit à travers la France est essentiel.
L'ACE a évolué au fil du temps. Nous ne représentons plus seulement le barreau d'affaires, mais plutôt un barreau entrepreneurial, quelle que soit la taille du cabinet. Prendre la présidence pour trois ans est une lourde responsabilité que j'aborde avec un grand sens du devoir. C'est une tâche importante qui demande un engagement profond et je suis prête pour mener les combats que requière la défense de la profession, avec la vision entrepreneuriale qui est celle de l’ACE. Car nous avons la conviction que c’est avec cette vision que nous pouvons projeter notre profession dans l’avenir avec tous les défis qui se posent à nous.
Quel regard portez-vous sur le barreau d'affaires ou entrepreneurial, pour reprendre vos termes ?
L'ACE a toujours été à l'avant-garde sur des sujets d'évolution professionnelle. Nous avons développé des thématiques qui sont devenues cruciales aujourd'hui, comme les critères ESG et l'intelligence artificielle. Nous sommes arrivés à un point où ces préoccupations entrepreneuriales sont incontournables pour tous les avocats. Ne pas considérer ces défis serait gravement préjudiciable pour l’avenir de la profession.
Aujourd'hui, tout avocat est un chef d'entreprise. Nous avons élargi notre champ d'action au-delà du droit des affaires traditionnel. Avec nos 27 ou 28 commissions techniques, nous couvrons tous les domaines du droit. La distinction entre conseil et défense s'estompe, car aucun avocat ne peut dire que, dans sa pratique, il n’est pas à la fois dans le conseil et la défense. C’est d’ailleurs pourquoi nous combattons pour supprimer cette distinction artificiellement imaginée par les juges sur le secret professionnel. Les jeunes avocats doivent désormais penser en termes de stratégie, de positionnement sur le marché, de typologie de clientèle. C'est là que l'ACE intervient pour les former et les guider. La dimension entrepreneuriale est devenue essentielle, même si les écoles d'avocats ne forment pas encore suffisamment à cet aspect.
Quels sont les projets que vous souhaitez mener pour l'ACE pendant votre mandature ?
J'ai trois objectifs principaux :
- Renforcer le maillage territorial de l'ACE. Nous avons atteint une égalité de représentation entre Paris et la province (5-5), ce qui montre que nos préoccupations entrepreneuriales concernent tous les territoires. Je veux développer notre présence dans tous les barreaux. Par exemple, je suis moi-même du barreau de Bordeaux, et nous avons des membres très investis qui représentent toute la diversité de notre profession.
- Maintenir notre position de premier syndicat représentatif au CNB. Nous visons à égaler, voire dépasser, nos excellents résultats précédents lors des prochaines élections.
- Mettre l'accent sur la formation, particulièrement en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Nous sommes reconnus pour la qualité de nos formations, et nous nous préparons à offrir des programmes pointus sur l'IA. C'est un domaine crucial pour l'avenir de notre profession, nous devons en envisager la valeur ajoutée mais aussi les dangers potentiels qu’elle représente. Nous veillerons à en encadrer le développement.
Que pensez-vous du rapport Jamin commandé par le bâtonnier de Paris concernant la représentation de la profession ?
Je préfère prendre le temps de la réflexion avant de me prononcer. Ce sujet est trop important pour réagir hâtivement. Certaines propositions du rapport mériteraient des études d'impact approfondies.
De plus, j'attends les résultats de la grande consultation des avocats menée par la Présidente Julie Couturier.
Il est crucial d'écouter la base de notre profession. Le CNB est un outil au service des avocats, et toute décision doit refléter les préoccupations réelles de nos confrères. Nous nous laissons donc le temps de l'analyse et de la concertation avant de prendre position sur ce rapport. Il faut éviter de réagir uniquement sur la base d'un seul document et prendre en compte l'avis de l'ensemble de la profession.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier