La médiation préalable obligatoire : une justice au rabais ou la justice de demain ?

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La médiation préalable obligatoire : une justice au rabais ou la justice de demain ?

Le Conseil d'État a le 22 septembre 2022 annulé l'article 750-1 du Code de procédure civile qui prévoyait l'obligation d'un recours préalable à un mode amiable de résolution du litige avant toute action judiciaire pour les litiges portant sur une somme inférieure à 5 000 euros ou un conflit du voisinage. Cette disposition novatrice, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, n’aura donc pas fait long feu.

Pourquoi introduire une obligation de procéder à une tentative de règlement amiable pour certains litiges ?

Depuis le milieu des années 90, les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) font l’objet d’une attention de plus en plus soutenue du législateur. Pas moins de 15 textes se sont succédé avec pour objectif affiché de favoriser le recours à la médiation judiciaire notamment. La médiation présente non seulement l’avantage d’un règlement rapide, efficace, confidentiel et économique des conflits mais elle constitue aussi un moyen de désengorger les tribunaux.

La médiation préalable obligatoire : une justice au rabais ?

L’article 750-1 du CPC ne concernait pour l’essentiel que les litiges d’un montant inférieur à 5000€ et les conflits du voisinage et prévoyait 5 cas dans lesquels les parties étaient dispensées de l’obligation de tenter un règlement amiable par la voie d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative. C’est l’un de ces cas de dispense qui a entrainé la censure du Conseil d’Etat après avoir fait l’objet d’une réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel. En effet, en cas « d’indisponibilité d’un conciliateur de justice entrainant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », les parties pouvaient saisir directement le tribunal. Le texte initial critiqué par le Conseil Constitutionnel, faisait état d’un « délai raisonnable » qui a été jugé insuffisamment précis par les Sages.

La conciliation étant le seul mode amiable gratuit et le nombre de conciliateurs de justice étant chroniquement insuffisant, il s’agissait de prévenir un blocage du système. Le législateur devra donc revoir sa copie en précisant le délai d’indisponibilité du conciliateur, par exemple 3 mois.

Le mécanisme mis en place par l’article 750-1 du CPC avait fait l’objet de nombreuses critiques qui y voyaient une menace pour le droit à la Justice, une volonté de déjudiciarisation et de gestion des flux du contentieux pour diminuer le nombre des affaires portées devant les tribunaux. De plus, on pouvait l’analyser comme un obstacle mis sur le chemin du citoyen qui veut porter sa demande devant le tribunal pour que le droit soit dit quel que soit le montant de sa demande ou sa nature. Enfin, ne se dirigeait-on pas vers une justice à deux vitesses : l’amiable pour les « petits litiges », ceux du quotidien et du voisinage, le judiciaire pour les litiges plus importants sur le plan financier ou plus complexes juridiquement ?

Le Conseil d’Etat ayant fait table rase du mécanisme de tentative de médiation préalable obligatoire, ne serait-ce pas une occasion inattendue pour le législateur de généraliser la pratique de la médiation devant les juridictions ?

La médiation préalable obligatoire : la justice de demain ?

Pour accompagner et amplifier le développement des MARD, une justice amiable doit prendre sa place pour ne pas être assimilée à une justice privée ou à une justice déclassée. Il s’agit ici de repenser les rapports des justiciables à la justice et au droit.

Dans le cadre de la création d’un véritable droit du règlement amiable, les imperfections techniques de feu l’article 750-1 du CPC pourraient être réparées. Mais surtout son champ d’application pourrait être élargi.

Si tous les dossiers ne sont pas éligibles à la médiation ou à la conciliation, il sera toujours possible de prévoir des mécanismes de dispense comme le faisait maladroitement l’article 750-1 du CPC. Mais plutôt que de limiter l’obligation de tentative préalable aux litiges inférieurs à 5000€, porter ce plafond à 50000 € ou plus, aurait l’immense avantage de contraindre un très grand nombre de justiciables, particuliers et entreprises, à s’intéresser à la médiation. Bien entendu, cette démarche des justiciables devrait être soutenue par une politique de large diffusion des informations relatives à la médiation, de ses avantages et de ses enjeux.

Dès lors que l’on considère que la progression des MARD n’est pas qu’un enjeu juridique ou judiciaire mais un véritable enjeu de société, contraindre les justiciables à tenter une médiation avant de saisir un tribunal apparait comme un outil véritablement efficace pour franchir les différents obstacles encore existants à sa plus large diffusion.

Il appartient aux pouvoirs publics, aiguillonnés et inspirés par toutes les parties prenantes, juridictions, professionnels du droit, médiateurs, justiciables, de porter des réformes structurantes qui feront entrer de plain-pied la médiation dans la justice du XXIe siècle.

Marie Albertini, Associée, PDGB


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