Le prêt participatif, contrat de crédit crée par la loi n°78-741 du 13 juillet 1978, est un outil de financement accordé aux entreprises qui se situe à mi-chemin entre le prêt à long terme et la participation capitalistique. Il s’agit d’un contrat de crédit accordé par un organisme habilité avec deux spécificités : les sommes prêtées sont assimilées à des fonds propres, et le prêt participatif est une créance de dernier rang. Mécanisme vieux de plus de 40 ans, il retrouve un regain d’intérêt à la faveur des crises qui secouent l’environnement économique français.
C’est notamment dans le cadre de la crise sanitaire actuelle que le Ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire, a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif, dit Prêt Participatif Relance (« PPR »), encadré par un décret du 25 mars 2021, et dont les conditions initiales d’accès sont assouplies selon une communication du gouvernement le 16 novembre 2021
Le PPR a pour objectif de faciliter l’accès des PME et ETI1 affectées par la crise du Covid-19 à des financements long terme, pour investir dans des projets ou des plans d’affaires de développement de l’entreprise, sans modification de gouvernance.
1. Un prêt Participatif comme un autre
Le PPR est un prêt participatif comme un autre en ce qu’il est régi par les articles L. 313-13 et suivants du Code monétaire et financier et présente les mêmes spécificités.
D’abord, les sommes prêtées au titre du prêt sont assimilées à des fonds propres, et n’apparaissent donc pas dans l’endettement apparent de l’entreprise bénéficiaire, ce qui permet de renforcer sa capacité à emprunter.
Par ailleurs, comme tout prêt participatif, la créance du prêteur participatif s’analyse comme une créance sous-chirographaire ou « hypo-chirographaire » (article L. 313-15 du Code monétaire et financier), c’est-à-dire qu’en cas de liquidation amiable, de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire par cession de l'entreprise débitrice, le PPR n’est remboursé qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires.
Il convient de préciser cependant que cet ordre de remboursement n’est applicable qu’en cas de difficulté de l’entreprise emprunteuse. En effet, hors situation de liquidation amiable, liquidation judiciaire ou redressement judiciaire par cession, le prêt participatif est remboursé conformément aux règles de droit commun, la créance devant être acquittée à son terme, sans qu'il y ait lieu pour le débiteur de vérifier qu'il a bien payé ses autres créanciers.
Enfin, comme tout prêt participatif, le PPR dispose d’un taux fixé librement par chaque établissement bancaire.
2. Avec une exigence de refinancement
Le PPR est cependant un dispositif unique en ce qu’il présente une exigence de refinancement.
En effet, ce nouvel outil s’articule comme suit :
− Les banques accordent les prêts participatifs aux entreprises éligibles ;
− Les banques cèdent 90% de ces prêts participatifs aux fonds d’investissement (qui collecteront l'argent auprès d'investisseurs institutionnels, comme par exemple des organismes d’assurance), pour n’en conserver que 10 % ;
− L’Etat français octroie une garantie sur les 90% cédés aux fonds d’investissement.
Il convient de noter que parmi les outils développés par le gouvernement pour venir en aide aux entreprises (notamment les prêt garantis par l’Etat), ce mécanisme est assez inédit en ce que la garantie d’Etat ne porte pas sur le prêt en lui-même mais plutôt sur la quote-part détenue par les investisseurs.
3. Spécificités liées au COVID-19
En sus du mécanisme de refinancement spécifique au PPR, ce dispositif présente d’autres spécificités liées à la crise sanitaire du COVID-19.
i. Conditions d’éligibilité des prêteurs
Tous les réseaux d’établissements de crédit établis en France, y compris les succursales de banques étrangères, sont en mesure d’octroyer des PPR.
A noter que suite à leur mise en place au printemps 2021, les PPR n’ont pas eu l’effet escompté par le gouvernement. Bercy a donc annoncé, le 16 novembre 2021, une simplification des conditions d’accès au PPR.
ii. Conditions d’exigibilité de l’emprunteur
Sont éligibles les entreprises qui répondent aux critères suivants :
− PME et ETI immatriculées en France réalisant un chiffre d’affaires 2019 supérieur à 2 millions d’euros ;
− présenter un plan d’affaires ou d’investissement permettant de démontrer que les fonds mis à disposition seront utilisés à des fins de développement de l’activité2.
A noter que le dispositif initial des PPR prévoyait également comme condition d’exigibilité de l’emprunteur de disposer au moment de l’octroi du PPR d’une cotation appréciée par la banque correspondant à une note supérieure ou égale à BB- (ou équivalent). Selon les annonces du gouvernement le 16 novembre 2021 lors de la signature de la Convention d’Octroi de Garantie de l’Etat, la notation externe ne sera désormais plus exigée.
Sont expressément exclus :
− Les sociétés civiles immobilières ;
− Les établissements de crédit ;
− Les sociétés de financement ;
− Les entreprises faisant l’objet, au 31 décembre 2019, d’une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, sauf à ce que ce plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d’octroi du prêt participatif ou de l’émission d’obligations subordonnées ;
− Les entreprises qui ont bénéficié de mesures de recapitalisation par l’Etat.
iii. Durée du PPR
Ce nouveau dispositif est distribué depuis le mois de mai 2021 et pouvait initialement être utilisé jusqu’au 30 juin 2022. Suite à un amendement déposé par le gouvernement en novembre 2021, l’article 162 de la loi de finances pour 2022 prévoit qu’ils puissent être distribués jusqu’au 31 décembre 2023, sous réserve de l’accord de la Commission européenne.
iv. Caractéristiques du PPR
Les PPR sont destinés à financer l’investissement des entreprises éligibles.
Ils sont d’une maturité de 8 ans et comportent un différé d’amortissement de 4 ans (c'est-à-dire que pendant cette période de 4 ans l'emprunteur ne remboursera pas le capital prêté mais seulement les intérêts et les frais). A noter que le gouvernement a annoncé, le 16 novembre dernier, qu’il sera désormais possible pour les entreprises de bénéficier, dans certains cas non définis dans la communication, d’un différé d’amortissement de 6 ans contre 4 ans initialement.
Le montant minimum emprunté est de 200.000 €, mais peut s’élever jusqu’à 100 M €.
Ces PPR permettent ainsi de renforcer le bilan de l’entreprise, sans modification de son capital ni de sa gouvernance, en représentant :
- 12,5% du chiffre d’affaires annuel pour une PME ;
- 8,4 % pour une ETI.
Ce dispositif de remboursement de haut de bilan a été conçu de manière à présenter un coût attractif pour les entreprises, grâce notamment à la garantie d’Etat (rémunérée 0,9% pour les PME et 1,8% pour les ETI).
v. Cumul avec le prêt garanti par l’Etat et/ou les Obligations Relance
Le PPR est cumulable avec les autres dispositifs de soutien aux entreprises proposés par le gouvernement, notamment le prêt garanti par l’Etat (« PGE ») et/ou les Obligations Relance (« OR »), sous certaines conditions.
Si le montant cumulé du capital restant dû sur le PGE et du PPR et/ou de l’OR est inférieur ou égal à 25% du chiffres d’affaires 2019 (ou pour les entreprises créées à partir du 1er janvier 2019 ou les entreprises innovantes qui ont opté pour ces plafonds, inférieur à deux fois la masse salariale constatée au titre de l’année 2019) : aucune contrainte supplémentaire n’est ajoutée, et l’entreprise peut contracter un PPR dans les mêmes conditions que celles qui n’ont pas bénéficié d’un PGE et/ou d’OR.
En revanche, si ce montant cumulé est supérieur à 25% du chiffres d’affaires 2019 (ou pour les entreprises crées à partir du 1er janvier 2019 ou les entreprises innovantes qui ont opté pour ces plafonds, supérieur à deux fois la masse salariale constatée au titre de l’année 2019), l’évaluation de l’entreprise est soumise à quelques critères supplémentaires.
Notamment, l’entreprise devra faire valoir pour 2020 :
− une baisse de plus de 5% de son chiffre d’affaires ou de sa masse salariale au titre de 2019 ; − ou une baisse de plus de 10% de ses investissements ou de son carnet de commandes réalisés en 2019 ;
− ou une diminution de plus de 10% du recours à la sous-traitance par rapport à 2019. Par ailleurs, dans cette deuxième hypothèse, le montant du prêt participatif ne peut dépasser :
− 10% du chiffre d’affaires 2019 pour une PME (ou 80% de la masse salariale 2019 s’agissant d’une entreprise innovante ou d’une entreprise créée après le 1er janvier 2019, si ce montant est supérieur) ;
− 5% du chiffre d’affaires 2019 pour les ETI (ou 40% de la masse salariale 2019 s’agissant d’une entreprise innovante ou d’une entreprise créée après le 1er janvier 2019, si ce montant est supérieur).
4. Perspectives
Lancés au printemps 2021 afin de renforcer les fonds d’entreprises et les aider à relancer leur activité, les PPR n’ont pas eu le succès escompté car jugés trop complexes par les entreprises.
La difficulté viendrait du fait que ces PPR sont assimilés à des quasi-fonds propres, mais considérés comme des instruments de dette par le droit en matière d’insolvabilité mais aussi par l’Autorité des normes comptables. Sur ce point, le Président de la Commission de Financement de la CPME3, préconise la reconnaissance formelle par la loi du prêt participatif en quasi-fonds propres et par un traitement comptable ad hoc.
A cela s’ajoute également la concurrence des PPR avec le PGE et les prêts classiques, facturés en moyenne autour de 1,3 % à 2,5%, contre 4% et 5% pour le prêt participatif. Notamment, beaucoup d’entreprises disposent encore de trésorerie grâce aux PGE, dont l’enveloppe est loin de se tarir : sur les 300 milliard d’euros prévus au début de la crise, les banques françaises ont distribué moins de la moitié (environ 144 milliards d’euros).
En réponse à cet échec constaté à la fin de l’été 2021, Bercy a annoncé avoir mené un travail de réflexion sur les pistes d’amélioration du PPR, afin de les rendre plus attractifs. Il en résulte que les conditions d’accès aux PPR ont été simplifiées, selon une communication du gouvernement le 16 novembre dernier, notamment par la suppression de l’exigence d’une note de crédit permettant d’octroyer le PPR aux entreprises, l’ouverture du dispositif aux entreprises détenues par des fonds, et la possibilité d’obtenir, dans certains cas, un différé d’amortissement de 6 ans contre 4 ans initialement.
Cependant, concernant le traitement comptable du dispositif, le gouvernement précise « qu’il n’y aura pas de changement en matière de comptabilité car le cadre européen s’impose à nous ». Sur ce point, la Fédération bancaire française souligne qu’il s’agit d’« un produit complémentaire à ceux existants en matière de fonds propres afin de soutenir la réalisation des projets d'investissements, notamment de transition énergétique et numérique, indispensables pour le développement des PME et ETI ».
Reste à savoir si le travail de simplification et de facilitation de la distribution du PPR mené par le gouvernement sera suffisant pour rendre le dispositif plus attractif aux entreprises frileuses. A la fin de l’année 2021, le montant des PPR signés était d’une centaine de millions d’euros, contre 14 milliards d’euros prévus d’ici l’été 2022.
Affaire à suivre.
Charlotte Fleury, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, PwC Société d’Avocats
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1 PME : entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total bilan n’excède pas 43 millions d’euros
ETI : entreprises de 250 à 4.999 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 1,5 milliard, ou dont le total bilan n’excède pas 2 milliards d’euros.
2 Il convient de préciser que les fonds versés dans le cadre du dispositif PPR doivent être utilisés par l’entreprise qui a réalisé le plan d’affaires ou d’investissement, ou dans le cas des groupes, par le ou les entreprises qui sont visées par ce plan, conformément au plus d’affaires qui est soumis à la banque.
3 Confédération des Petites et Moyennes Entreprises