Les premiers signes de tension du monde entrepreneurial relevés au premier semestre s'accentuent à l'approche de la fin d'année. Après l'euphorie de l'année 2021, marquée par une forte poussée entrepreneuriale, la levée progressive des dispositifs de soutien couplée à un contexte économique et géopolitique morose confirment l'inversion des courbes observées en 2020 et 2021 avec un double effet en miroir : un ralentissement de la création d'entreprise et un envol des procédures collectives :
- Un pic d'ouvertures de procédures collectives est enregistré entre juillet et octobre (+ 66 % à un an d'intervalle), atteignant un niveau qui reste en deçà de la période pré-Covid.
- Les entreprises portées par les opportunités nées de la crise sanitaire et protégées par les aides gouvernementales sont les premières victimes de l'inversion des courbes.
- Le secteur de l'hébergement-restauration est le plus durement touché avec une explosion d'entreprises en difficulté sur la période (+124 %).
- La restauration et le commerce de proximité sont à nouveau les premières victimes de la hausse des liquidations judiciaires.
Un retournement de situation pour les entreprises portées et protégées pendant la crise sanitaire
Entre juillet et octobre 2022, 169 278 créations entreprises ont été enregistrées par les greffiers des tribunaux de commerce au sein du RCS, soit une baisse de 5 % à un an d’intervalle. Dans le même temps, le nombre d'entreprises en difficulté augmente de 66 % comparativement à l'an passé pour atteindre 12 059 ouvertures de procédures collectives.
Ce renversement semble toucher en premier lieu les entreprises ayant bénéficié du dynamisme et de la reprise enregistrée en parallèle de la crise sanitaire, tout comme celles qui souffrent de l'arrêt des dispositifs de soutien gouvernementaux :
- Près d'un quart des entreprises radiées du RCS sur la période ont moins de 3 ans et s'étaient donc créées en parallèle de la crise sanitaire.
- Après avoir été fortement soutenues par les aides publiques, les entreprises du secteur de l'hébergement-restauration voient leurs difficultés exploser, avec une augmentation de 124 % du nombre de procédures collectives ouvertes sur la période.
- Les secteurs de la livraison à domicile et du e-commerce, particulièrement fertiles pendant la crise sanitaire, paient le plus lourd tribut des radiations d'entreprises. Près d'une entreprise sur deux créées dans le secteur de la livraison à domicile depuis 2020 a ainsi été radiée sur la période, et près de 63 % dans le secteur de la vente à distance.
- Les créations d'entreprises individuelles (dont les micro-entreprises) chutent de 14 % - un statut qui avait été fortement investi par les créateurs d'entreprises séduits par l'auto-entrepreneuriat.
- Les entreprises en difficulté sont de plus en plus jeunes (8 ans en moyenne, soit un an de moins à un an d'intervalle).
Un envol des entreprises en difficulté…à relativiser ?
Avec 12 059 procédures collectives ouvertes sur la période juillet-octobre, soit une hausse de 66 % sur un an, les entreprises paient le prix du retournement de la conjoncture marqué par la hausse de l'inflation, proche de 6 %, et de la faiblesse de la consommation des ménages.
Le nombre de liquidations judiciaires poursuit sa progression avec un total de 9 173 procédures ouvertes sur la période, soit une croissance de 64 % à un an d'intervalle. La restauration et le commerce de proximité (restauration rapide et traditionnelle, habillement, boulangerie-pâtisserie, débit de boissons) sont les premières victimes de la fin du "quoi qu'il en coûte" : les liquidations judiciaires sont plus que multipliées par deux dans ces secteurs au cours des quatre derniers mois, comparativement à 2021.
Toutefois, le nombre total d'entreprises en difficulté reste aujourd'hui en deçà des niveaux atteints pendant la période pré-Covid, éloignant à nouveau le spectre du "mur des faillites". En outre, après avoir explosé au cours du premier semestre, les radiations d'entreprises semblent aujourd'hui se stabiliser : 106 382 ont ainsi disparu du RCS entre juillet et octobre 2022, soit une diminution de 6 % à un an d'intervalle.
Maître Thomas Denfer, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, a déclaré : « Malheureusement, les tendances négatives observées au cours du premier semestre se confirment à l'issue de l'été et de la rentrée de septembre-octobre. Si les courbes tendent aujourd'hui plutôt à annoncer un certain "retour à la normale" pour le tissu entrepreneurial, les deux derniers mois de l'année seront décisifs pour dresser un panorama exhaustif des dynamiques à l'œuvre pour les créateurs et les dirigeants d'entreprises. Charge à nous de les analyser et d'adapter nos services et dispositifs pour les soutenir au mieux dans cette période de turbulence. »