Interview de Guillaume Nonain, Directeur Juridique Europe du Sud, Goodyear Dunlop et Secrétaire Général du Cercle Montesquieu.
Pouvez-vous brièvement nous décrire votre parcours ?
J’ai d’abord été avocat, au sein du cabinet August & Debouzy puis chez Gibson Dunn & Crutcher, pendant près d’une dizaine d’années au total. Dans la lignée de mes études à cheval sur les droits français, anglais et américain, ces deux cabinets m’ont permis de traiter des dossiers internationaux avec une clientèle très variée. Il était fascinant pour le jeune avocat que j’étais de pouvoir passer d’une data room internationale le lundi à une plaidoirie devant le Tribunal de commerce le mardi ! Ces expériences m’ont conforté dans ma préférence d’exercer un métier abordant tous les aspects juridiques de l’entreprise, ce qui m’a conduit naturellement à sauter à bord du train de l’entreprise quand une belle opportunité s’est présentée. Après une entrée en matière passionnante au sein du groupe Valeo, je suis depuis 2007 directeur juridique de Goodyear Dunlop pour l’Europe du Sud, c’est-à-dire la France et les autres pays du pourtour méditerranéen. Le groupe Goodyear est l’un des leaders mondiaux du pneumatique, avec des activités industrielles et commerciales variées et internationales.
Comment s’organise l’équipe juridique de Goodyear Dunlop ?
Le format retenu est celui du commando et pas de l’armée mexicaine : une équipe restreinte apte à traiter une vaste palette de sujets, en s’appuyant si nécessaire sur des conseils extérieurs plus spécialisés. En France, je travaille avec deux juristes en droit des affaires, deux juristes en droit social, une paralegal et une assistante. En Espagne, avec deux juristes. Les autres pays méditerranéens ne comprennent pas de juristes internes. Je m’appuie alors sur nos collègues des finances ou sur les avocats extérieurs. Une dizaine de cabinets, chacun expert dans leur domaine, nous épaule. D’un point de vue organisationnel, je suis rattaché hiérarchiquement au DG de Goodyear Dunlop France et au General Counsel de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique). Je suis en outre membre du Conseil d’administration de nos sociétés en Espagne et au Portugal.
Quelles problématiques spécifiques traitez-vous ?
La tradition au sein du groupe Goodyear est d’avoir des juristes très généralistes capables d’intervenir sur tous les sujets juridiques rencontrés par nos entreprises. Seuls quelques juristes ont des spécialités pointues, comme la propriété intellectuelle ou la règlementation boursière, la majorité d’entre nous restant des généralistes du droit des affaires. D’un point de vue quantitatif, c’est vers les problématiques de soutien aux équipes commerciales (contrats, concurrence, contentieux d’affaires, etc.) que nous sommes le plus fréquemment tournés. La conséquence de cette approche est une pratique quotidienne extrêmement stimulante et diversifiée !
Avocat puis directeur juridique : à quel métier va votre préférence ?
Si les deux professions sont différentes, le cœur du métier reste le même… le conseil en soutien des stratégies de croissance de l’entreprise et la protection de celle-ci. Le Barreau est une expérience inestimable qui permet d’acquérir deux atouts pour une carrière réussie en entreprise : le sens du service et la capacité d’adaptation à une grande variété de sujets et d’environnements. Cela étant dit, je trouve la vie de juriste d’entreprise souvent plus épanouissante car plus tournée vers l’extérieur et les autres métiers. Le sentiment d’appartenance à une équipe y est en général aussi plus fort.
Vous ne porterez donc plus jamais la robe d’avocat ?
Il ne faut jamais dire jamais !
Vous êtes également secrétaire général du Cercle Montesquieu – En quoi consiste ce rôle ?
Le Cercle Montesquieu est une association de directeurs juridiques de tous secteurs d’activités, créée au début des années 90. Notre philosophie est celle d’un « think tank » ou club de réflexion axé sur les défis rencontrés par le directeur juridique dans son double rôle d’expert du droit et de manager d’équipe. Le Cercle Montesquieu est également un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics sur les sujets liés aux professions juridiques, comme le projet actuel de statut d’avocat en entreprise.
Le rôle du secrétaire général est de s’assurer que le fonctionnement interne du Cercle est en ligne avec les objectifs déterminés par le Président et le Conseil d’administration et d’assurer l’interface avec les membres. Je suis également très impliqué dans les événements organisés par le Cercle pour ses membres, la convivialité restant l’un de nos maîtres mots. Le Cercle est une chance unique de rencontrer des confrères de grande qualité, en plus d’être un forum exceptionnel pour échanger des bonnes pratiques : tous les directeurs juridiques sont confrontés aux mêmes sujets, autant échanger avec ses pairs pour trouver les meilleures solutions !
Vous mentionnez la réforme de l’Avocat en entreprise – Où en est ce projet ?
Le 20 novembre dernier, le Conseil National des Barreaux a voté à parité sur le sujet : 41 voix pour et 41 voix contre ! Ce que certains prédisaient comme un vote majoritairement négatif s’est en fait révélé la preuve que les mentalités les plus réticentes au Barreau ont évolué et que les avancées sont possibles. La prochaine avancée, justement, va maintenant dépendre la mission confiée à Monsieur Michel Prada par les ministres de l’Economie et de la Justice à propos de la compétitivité de la place de Paris en matière juridique et des rôle et statut du juriste d’entreprise au sein de celle-ci. Monsieur Prada entendra le Cercle Montesquieu dans les jours qui viennent. Nous espérons que 2011 sera l’année qui permettra à la France de rejoindre le groupe des pays modernes qui ont compris que doter les juristes exerçant en entreprise d’un statut réglementé contribue à la compétitivité internationale de ces entreprises et à l'ensemble des professionnels du droit qui les conseillent.
Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER