Dans le cadre d’un cycle de conférences consacré aux pratiques juridictionnelles françaises, la Cour de cassation a examiné nos pratiques sous l’angle de l’attractivité. Alors que la France célèbre cette année les 5 ans de ses chambres internationales, il était utile de confronter nos pratiques aux attentes des parties dans un environnement international.
Tel était l’objectif de la table ronde animée par le Professeur Philippe Delebecque réunissant les présidents Daniel Barlow et Christian Wiest, des chambres internationales de la cour d’appel de Paris et du tribunal de commerce de Paris et Jacques Bouyssou, avocat et Secrétaire Général de Paris Place de Droit.
Le Professeur Delebecque a observé la complexité particulière des affaires liées au commerce international tant du fait des questions de conflit de loi et/ou de juridiction, que du fait de la quantité de pièces liées au litige ou au nombre des parties. Cette complexité explique que les parties soient particulièrement attentives à la qualité et à la personne du juge amené à trancher le litige. Pour de tels litiges, l’arbitrage n’est pas toujours adapté, soit parce qu’il n’est pas prévu, soit parce que la solution du litige dépendra de la position de tierces parties qu’il sera possible d’attraire devant une juridiction étatique mais non dans un arbitrage.
Face aux besoins des plaideurs internationaux, plusieurs centres dans le monde offrent des solutions judiciaires pour régler les litiges du commerce international. La France dispose d’atouts et d’outils efficaces qui ont été adaptés aux spécificités de ces litiges en suivant les recommandations de Guy Canivet dans un rapport pour le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris. La signature en 2018 de protocoles entre le Barreau de Paris et les juridictions a servi de cadre au lancement des chambres internationales parisiennes. Cette innovation dans notre paysage judiciaire a représenté une évolution profonde du regard de la justice française sur elle-même puisque, d’une part, elle a cherché à comprendre les besoins de ses utilisateurs et, d’autre part, elle n’hésite plus à se situer dans un environnement international concurrentiel.
Jacques Bouyssou a présenté les besoins des entreprises confrontées aux enjeux du commerce international et insisté sur les critères prioritaires dans le choix d’un forum pour résoudre leurs litiges commerciaux internationaux : prévisibilité (en termes de coût et de délai), qualification du juge, efficacité du jugement, pratique de l’anglais, confidentialité des débats et place de l’expertise notamment.
Le Président Daniel Barlow a relevé la voie simple et pragmatique suivie pour lancer les chambres internationales qui ont été créées à droit constant, permettant ainsi de capitaliser sur la confiance inspirée par les juridictions françaises. Pour autant, cette création relevait d’une double révolution culturelle puisqu’il s’est agi non seulement de déroger à l’ordonnance de Villers-Cotterêts en admettant l’utilisation de la langue anglaise mais également de mettre en avant le parcours du juge choisi en raison de son expérience et de sa compétence.
En présentant la procédure applicable devant les chambres internationales, il a montré combien celle-ci était adaptée aux contentieux internationaux : une mise en état dynamique associant les parties à la définition du calendrier, une relecture de la preuve pour répondre à une interprétation internationaliste. Le rôle donné à la partie et à son conseil permet de répondre au besoin de prévisibilité. Cela n’implique pas nécessairement la rapidité car le temps judiciaire peut être adapté aux spécificités du dossier grâce à une discussion juge-avocats.
Le Président Wiest a mis en avant l’intérêt du recours à la preuve orale : les interrogatoires croisés donnent au juge un éclairage précieux. Sur le plan matériel, la nouvelle chambre inaugurée fin 2022 au tribunal de commerce pour accueillir la chambre internationale est parfaitement adaptée pour accueillir des auditions de parties, témoins ou experts.
Les chambres internationales proposent aux parties une solution de résolution des litiges offrant des avantages indiscutables en matière de facteur humain - avec des juges qualifiés - comme en matière de facteur temps, avec une durée de procédure mieux maîtrisée.
Il appartient aux praticiens - les avocats en premier lieu - de s’approprier les outils procéduraux, notamment s’agissant de l’oralité de la preuve, pour permettre à leurs clients d’en retirer tous les bénéfices.
Le cinquième anniversaire de l’existence des chambres internationales devrait permettre d’en établir un premier bilan notamment sur le plan de l’analyse de la construction prétorienne en identifiant les spécificités éventuelles des solutions retenues en matière internationale.