L’innovation passe par la mise en place d’une diversité dans les lieux et méthodes d’apprentissage du droit. Elle passe également par la mise en valeur dans les parcours de formation d’une approche pragmatique et pluridisciplinaire du droit et par une réflexion sur les modes de délivrance des contenus juridiques.
L’Université n’est plus le seul lieu où l’on apprend le droit. Les écoles de commerce et instituts privés ont investi ce marché et proposent des formations plus axées sur la pratique du droit. A l’image de la création il y a deux ans de l’Institut Supérieur du Droit à Paris qui « propose des formations professionnelles en alternance, qui allient la théorie, la pratique et tout un travail autour du savoir être. Les intervenants sont des professionnels du droit en activité pour des enseignements ancrés dans la réalité du terrain. L’objectif est de faire des juristes opérationnels dès la fin du parcours ». Les étudiants travaillent immédiatement sur des dossiers de plaidoirie, des contrats, et des actes de procédures.
Et sur ce point les recruteurs sont unanimes : le juriste doit avoir une vision pragmatique et business de son métier : « Il doit alerter sur les risques et proposer des solutions. Les juristes ont même tendance à rattraper les fiscalistes qui ont souvent une compréhension fine en matière économique et financière » précise Angélique Lansalot, cabinet Atlantic Talent.
Les formats d’apprentissage évoluent.
L’ouverture de plateformes de contenus juridiques, comme Le Juriste de Demain, témoignent également de la modification de consommation des contenus juridiques et connexes.
Meysa Sy, créateur de la plateforme témoigne : « La plateforme Juriste de demain se positionne sur la complémentarité des compétences du juriste. La question n’est pas de former des avocats sur ces compétences, c’est déjà trop tard, l’idée est de former les étudiants au moment où ils structurent leur voie, ou ils sont encore dans une démarche d’acquisition (c’est-à-dire dans leur 3e année d’étude) ». Il y a encore une recherche d’efficacité dans la démarche pédagogique : « En France, actuellement on tatonne, la pure logique de transposition du présentiel vers le distanciel n’est pas possible ».
Une réflexion avait déjà été entamée avant la Covid sur l’hybridation des formations. La Covid a accéléré cette reflexion et sa mise en pratique. Posant également de nouveaux enjeux pédagogiques : comment restituer l’expérience utilisateur d’un étudiant, l’atmosphère d’un campus et la qualité des échanges informels qui s’y nouent si le distanciel prend le pas sur les autres modes d’enseignement ?
Nelly Kerascaven, Directeur de la pédagogie chez Francis Lefebvre Formation, souligne l’importance du parcours d’apprentissage « blended », de l’interactivité, des mises en application et du suivi personnalisé des apprenants. Ces formats connaissent un réel succès chez les juristes.
L’innovation passe par un mixage des compétences et un mixage dans le séquençage des apprentissages.
Le profil de l’étudiant en droit est en pleine mutation. A l’image de l’Ecole de Droit de Sciences Po ou à l'EDHEC: « On voit arriver de plus en plus des étudiants qui ont d’abord suivi un premier cursus en art, en lettres, en finance et qui se forment au droit dans un deuxième temps. A l’image des étudiants anglosaxons, cela leur donne une ouverture et un esprit critique acérés. Dans un second temps, une formation en droit leur est délivrée, plus ramassée et plus ouverte sur la finance, la gestion de projets, etc» explique Christophe Roquilly, professeur à l’EDHEC.
Même constat chez les recruteurs : « La logique est parfois inversée ! Certains profils demandés par nos clients, en M&A par exemple, sont des profils « financiers » qui se sont formés au droit par la suite ».
L’importance des soft skills
L’étude LegalEDHEC de 2019 suggère que les compétences prioritaires pour être recruté au sein d’une direction juridique sont les soft skills. Angélique Lansalot le confirme : « on demande aux juristes d’avoir des compétences de plus en plus transversales, donc naturellement les soft skills jouent un rôle clé dans la maitrise de cette transversalité. Ce sont elles qui font la différence entre deux candidats. Le recrutement est une histoire d’intégration et de compatibilité ;le partage d’une même vision et la maîtrise des soft skills scelleront un recrutement. »
Et la place du digital dans tout cela ?
Les digital skills apparaissent comme incontournables pour se démarquer. Toutefois, à l’exception de quelques profils atypiques dans des gros cabinets d’avocats ou directions juridiques, les cabinets de recrutement n’ont pas encore identifiés de la part de leurs clients des besoins récurrents en compétences digitales pointues.
Simon Winter, Responsable commercial chez Wolters Kluwer indique « il y a encore beaucoup d’illectronisme dans les directions juridiques. La formation initiale pèche actuellement, et même pour les juristes juniors, la gestion de projet est une matière nouvelle». Il constate toutefois actuellement « un accroissement significatif des demandes de formation sur la transformation digitale dans les petites et moyennes structures, qui auparavant fonctionnaient « à l’ancienne ».
On assiste depuis quelques années à un florissement de formations en innovation légale, preuve concrète de la prise en compte de ces nouveaux enjeux dans les formations juridiques.
Comme le précise C. Roquilly, « le digital pour les juristes est aussi - et avant tout - une culture à développer. Sans culture de l'innovation, il n'y a pas d'innovation, ou alors c'est du "one shot".
Lydia Zunino, Corporate legal officer et enseignante en droit et communication