L'appellation "Champagne" et sa translitération chinoise enfin protégées en Chine

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

Zhengnan GONG, juriste, Novagraaf FranceZhengnan Gong, juriste au sein du Cabinet Novagraaf France, fait le point sur l'âpre bataille menée pour l'appellation "Champagne" en Chine.

À la demande du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), la Chine a enregistré en mars 2013 la marque collective "Champagne" et sa translitération chinoise "香槟". Pour les producteurs français de Champagne, la protection de cette appellation pourrait s'accompagner de nouvelles opportunités sur ce marché fort prometteur.

A l'instar du Cognac, du Scotch whisky et de la région vinicole américaine de Napa Valley, le Champagne et sa translitération chinoise "香槟" ont désormais été reconnus comme appellations spécifiques du secteur des vins et spiritueux en Chine.

L'office national de la propriété intellectuelle de la République populaire de Chine (SIPO) a accordé au vin effervescent produit dans la région champenoise française une "protection d'indication géographique" ainsi qu'une "protection de marque collective". Dans le cadre de cette démarche, l'Administration générale chinoise du contrôle de la qualité, de l'inspection et de la quarantaine (AQSIQ) précise "notamment les cépages qui doivent être utilisés, les zones françaises dans lesquelles il faut qu'ils aient poussé, les lieux de fabrication du vin ainsi que la méthode de protection".

Cette protection signifie que l'appellation Champagne ne pourra être utilisée en Chine que pour les vins produits dans la région champenoise française. Elle interdit ainsi aux producteurs chinois et étrangers d'utiliser l'appellation Champagne ou 香槟 sur les bouteilles vendues en Chine.

L'importance de la protection de cette appellation

Victimes de la contrefaçon de leurs produits en Chine, les producteurs de Champagne ont également dû faire face au risque de dilution de leur marque. Et pour cause, le Champagne et sa translitération chinoise 香槟 ont fait l'objet d'un usage très vaste, non seulement en relation avec des vins effervescents, mais également dans toute une série de secteurs allant du BTP à la confection en passant par l'ameublement ou encore l'alimentaire.

Heureusement, les demandes de marque portant sur le nom Champagne sont restées limitées du fait de la protection conférée aux "noms géographiques étrangers notoirement connus du public" en vertu de l'article 10 du droit des marques chinois, lequel stipule : "Les noms géographiques des divisions administratives de niveau départemental ou supérieur ainsi que les noms géographiques étrangers notoirement connus du public ne seront pas utilisés comme marques, exception faite des noms géographiques ayant d'autres significations ou faisant partie d'une marque collective ou d'une marque de certification".

En cas de contrefaçon avérée, l'appellation Champagne était également protégée à titre de nom unique de produit célèbre aux termes de la législation chinoise contre la concurrence déloyale.

Il n'en reste pas moins que le succès de l'enregistrement de la marque collective Champagne renforcera la protection de cette appellation en Chine aussi bien au niveau administratif que judiciaire :

  • Protection administrative :

Les titulaires d'une marque collective seront en mesure de déposer une plainte auprès de leur Administration pour l'industrie et le commerce (AIC) locale afin qu'un raid soit entrepris à l'encontre du contrefacteur présumé.

L'AIC a le pouvoir d'ordonner à la partie contrefaisante de cesser immédiatement ses activités ; elle est également habilitée à confisquer et détruire les marchandises contrefaisantes ou l'équipement utilisé pour les fabriquer, voire même à imposer une amende si la violation est jugée importante. Cette forme de protection administrative est généralement la forme de protection de la PI la plus efficace en Chine. S'il est vrai que les titulaires de marque ne sont pas en mesure d'obtenir d'indemnisation ni de dommages-intérêts en cas de raid, la procédure administrative reste un outil fort utile dans la mesure où les preuves saisies pendant un raid peuvent permettre d'intenter par la suite une action au civil.

  • Protection judiciaire :

Les titulaires d'une marque collective seront également en mesure d'engager auprès du tribunal chinois compétent des poursuites contre la partie contrefaisante. Ce tribunal a le pouvoir d'ordonner à la partie contrefaisante de mettre fin à ses activités contrefaisantes, d'atténuer le préjudice subi (par exemple en publiant le jugement ou une excuse dans les médias) et d'indemniser le propriétaire de la marque au titre du préjudice financier occasionné.

Les tribunaux chinois ont déjà rendu de nombreuses décisions ayant trait à la contrefaçon de marques collectives. Dans une affaire domestique aussi célèbre que typique survenue en 2009, et portant sur la marque collective "ZHENG JIANG SUGAR", le tribunal intermédiaire de ZhengJiang, dans la province de Jiang Su, avait ainsi reconnu les droits exclusifs du titulaire de la marque collective et ordonné à la partie contrefaisante de cesser son utilisation de la marque et d'indemniser le titulaire pour les dommages qu'elle avait subis.

 

Zhengnan GONG, juriste au sein du Cabinet Novagraaf France


Lex Inside - L’actualité juridique - Émission du 25 juin 2024 :

Lex Inside - L’actualité juridique - Émission du 21 juin 2024 :

Lex Inside – L’actualité juridique - Émission du 18 juin 2024 :