Dans une affaire opposant les sociétés Nestlé SA et Nestlé Nespresso SA (ci-après "Nestlé") à la société Denner SA (ci-après "Denner"), leader des discounters alimentaire suisse et filiale de Migros, le Tribunal de Commerce de Saint-Gall a rendu le 21 mai dernier une décision autorisant Denner à poursuivre la vente de ses capsules de café compatibles avec les machines Nespresso.

Rappel de l’affaire

En décembre 2010, Denner met sur le marché des capsules de café compatibles avec les machines Nespresso. A l’époque, Nestlé demande immédiatement des mesures superprovisionnelles et provisionnelles d’interdiction de vente au Président Tribunal de commerce du canton de Saint-Gall, notamment sur la base de sa marque tridimisensionnelle (3D) protégeant la forme de ses capsules, protégée en Suisse comme marque imposée dans le commerce depuis le 15 juillet 2001.

Par ordonnance superprovisionnelle du 10 janvier 2011, Denner et le fabricant des capsules (Alice Allison SA) se voient interdire de distribuer et commercialiser leurs capsules. Cette décision est partiellement annulée quelques mois plus tard (ordonnance de mesures provisionnelles du Président du Tribunal de commerce de Saint-Gall du 4 mars 2011), au motif que la marque de Nestlé ne peut pas être protégée puisque la forme du produit est techniquement nécessaire.

Nestlé saisit alors le Tribunal Fédéral, lequel, dans un arrêt du 28 juin 2011 (4A-178/2011) annule cette dernière décision et renvoie la cause au Président du Tribunal de Commerce pour une nouvelle prise de position. Le Tribunal de Commerce de Saint-Gall demande alors une expertise pour établir la validité de la marque tridimensionnelle de Nestlé.

La décision du Tribunal de Commerce de Saint Gall : validité de la marque 3D de Nestlé et absence de confusion entre la marque et les capsules Denner

Dans sa décision du 21 mai dernier, le Tribunal de commerce de Saint Gall reconnait tout d’abord la validité de la marque 3D de Nestlé, sur le fondement du rapport d’expertise qui conclut que dans la capsule Nespresso, si le cône et la collerette sont techniquement nécessaires, donc non protégeables, il en va autrement pour le sommet de la capsule qui est lui-même protégeable.

La validité de la marque 3D de Nestlé ayant été reconnue, le Tribunal a ensuite recherché s’il existait un risque de confusion entre ladite marque et les capsules Denner et a répondu à cette question par la négative, les sommets des deux capsules étant bien distincts. En conséquence, Denner peut continuer à vendre ses capsules compatibles avec les machines Nespresso.

Les réactions des parties

Denner a déclaré avoir "gagné la guerre des capsules". Elle précise toutefois avoir lancé une nouvelle ligne de capsules perfectionnées d'une forme différente de l'ancien modèle afin de garantir durablement la disponibilité des dosettes de café pour ses clients. Denner avait en effet modifié la forme de ses capsules en cours de procédure par mesure de précaution, pour s’éloigner encore plus des capsules Nespresso.

Nestlé, de son côté, s’est dite satisfaite de cette décision qui reconnaît la validité de sa marque tridimensionnelle, tout en regrettant que le Tribunal ait considéré que la capsule de Denner ne viole pas cette marque. Elle a également déclaré qu’elle n’entendait pas réagir dans l'immédiat sur les suites à donner à cette affaire.

Toutefois, au vu des enjeux que représente le marché des capsules compatibles et des affaires actuellement pendantes non seulement en Suisse (notamment affaire opposant Nestlé à la société Ethical Coffee Company (ECC)), mais également en Europe, nous pouvons supposer que Nestlé ne va pas rester sur cette décision.

Sophie Moullet, Conseil en Propriété Industrielle au cabinet Novagraaf