Chances de succès d'un recours : litige entre un notaire et son conseil

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Ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle l'avocat au Conseil d’Etat qui estime nulles ou quasi nulles les chances de recours d’un notaire à l'encontre d'un arrêté le déclarant démissionnaire d'office, dès lors que l'avocat avait demandé à son client s’il souhaitait malgré tout poursuivre son action.

Un avocat au Conseil d’Etat a donné son avis à un client sur les chances du recours engagé devant un tribunal administratif pour obtenir l’annulation de l’arrêté qui le déclarait, ainsi que son associé, démissionnaire d’office de son office notarial et déclarant dissoute la société dans laquelle il exerçait.
L'avocat a estimé qu’il résultait des dispositions de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 que le garde des Sceaux était fondé à prononcer la démission d’office.

Le notaire a saisi le Conseil d'Etat, soutenant que l'avocat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en omettant de tenir compte du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993, ce qui l’avait conduit à se désister de son recours et à perdre une chance d’obtenir l’annulation de l’arrêté qu’il attaquait.

Dans un arrêt du 20 décembre 2024 (requête n° 488061), le Conseil d'Etat considère qu'il appartient à l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation de faire preuve à l’égard de son client de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.
S’il est libre de choisir, dans l’intérêt de son client, les moyens susceptibles d’être soumis à la juridiction, il doit, dans tous les cas, lui donner son avis sur les chances de succès d’un recours qu’il est chargé d’instruire. Lorsqu’il délivre une telle consultation, l’avocat doit fournir à son client, en conscience, son appréciation sur les chances de ce recours.
C’est au client qu’il appartient, au vu notamment de ce conseil, de décider d’entreprendre ou de poursuivre son action ou, au contraire, d’y renoncer.

La Haute juridiction administrative ajoute que pour apprécier si l’avocat au conseil a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité professionnelle à l’égard de son client, il y a lieu d’apprécier si l’avocat a normalement accompli, avec les diligences suffisantes, les devoirs de sa charge, à la condition que son client l’ait mis en mesure de le faire. Si sa responsabilité est recherchée à raison d’une consultation donnée sur les chances de succès d’un recours, cette responsabilité n’est susceptible d’être engagée que si l’avocat a failli aux devoirs de sa charge en dissuadant son client d’entreprendre ou de poursuivre une action qui avait des chances manifestes d’aboutir.

Or, en l'espèce, il ne résultait pas de l’instruction qu’en estimant, dans le cadre de cette consultation préalable, que les chances du recours étaient faibles, voire nulles comme indiqué dans une correspondance ultérieure, cet avocat aurait failli à son devoir de conseil en dissuadant son client de poursuivre son action dès lors qu’il n’est pas établi que cette action aurait eu des chances manifestes d’aboutir, et alors, au demeurant, que l’avocat a demandé à son client, au terme de la consultation, s’il souhaitait poursuivre son action et que ce dernier, en sa qualité de notaire et s’agissant de l’exercice de sa profession, était en mesure de décider, de façon éclairée, s’il entendait poursuivre cette action ou y renoncer.
La requête du notaire est donc rejetée.

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