La Cour de cassation rend définitive la condamnation de l’ancien chef de l’Etat pour corruption et trafic d’influence à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme sous bracelet électronique, avec trois ans d’inéligibilité.
En 2014, au cours d’une information judiciaire concernant Nicolas Sarkozy, des conversations téléphoniques que celui-ci a tenues avec son avocat Thierry Herzog ont été interceptées.
Ces conversations laissaient penser que Gilbert Azibert, magistrat exerçant alors des fonctions au parquet général de la Cour de cassation, donnait à Maître Herzog des informations confidentielles sur la procédure en cours, contre une perspective d’évolution professionnelle.
Une nouvelle information judiciaire a donc été ouverte pour violation du secret professionnel, corruption et trafic d’influence.
Par un arrêt du 17 mai 2023, la cour d’appel de Paris a déclaré les trois prévenus coupables de ces infractions.
Dans un arrêt du 18 décembre 2024 (pourvoi n° 23-83.178), la Cour de cassation rejette les pourvois.
Elle juge tout d'abord irrecevable la mise en cause par Nicolas Sarkozy de l’impartialité de l’un des juges de cour d’appel : à l’époque de cette procédure, le responsable politique n’avait pas demandé la récusation de ce magistrat.
La chambre criminelle juge ensuite que la procédure d’instruction n’avait pas à être annulée au regard du mécanisme de purge des nullités étant donné que :
- les mis en examen auraient pu avoir connaissance de certaines des irrégularités qu’ils invoquaient devant la cour d’appel avant la clôture de l’information ;
- les irrégularités qu’ils invoquaient devant la cour d’appel et dont ils n’auraient pu avoir connaissance avant la clôture de l’information ne sont pas avérées.
S'agissant des conversations téléphoniques, la Haute juridiction judiciaire considère que dès lors qu’elles n’ont pas été annulées, ces transcriptions sont des pièces de procédure qui ne peuvent être écartées des débats.
Elle observe qu'en l'espèce, les deux conditions pour que le juge puisse tenir compte des écoutes de conversations téléphoniques entre un avocat et son client étaient bien remplies :
- leur contenu laissait penser que l’avocat avait participé à une infraction pénale ;
- leur contenu ne révélait pas d’information pouvant nuire à la défense de son client.
Par ailleurs, la Cour de cassation juge que les infractions sont établies.
Pour juger constitué le délit de corruption, elle retient que :
- le fait, pour un magistrat, de récolter puis de partager des informations confidentielles au sujet d’une affaire en cours d’examen au sein de la juridiction à laquelle il est affecté est bien "facilité par les fonctions qu’il occupe" ;
- la cour d’appel a estimé qu’il existait un lien entre le fait que le magistrat décide de récolter et partager ces informations confidentielles et la perspective d’une contrepartie offerte par la personnalité politique, à savoir : occuper un poste convoité dans une autre juridiction ;
- la cour d’appel est souveraine dans l’appréciation de ces faits et de leur lien de causalité : la Cour de cassation n’a pas le pouvoir de les contrôler ;
- l’infraction de corruption est constituée même si l’offre d’une contrepartie est intervenue après la transmission des informations par le magistrat.
Concernant le trafic d’influence, la chambre criminelle relève que le magistrat mis en cause a tenté d’user de son influence, réelle ou supposée, auprès de l’un de ses collègues du parquet général, espérant que celui-ci émette un avis susceptible de peser sur le sens d’une décision de justice à venir.
Enfin, sur la question de la violation du secret professionnel et de son recel, la Cour de cassation rappelle qu'une décision rendue par une chambre de l’instruction au terme d’une procédure qui n’est pas publique est un document secret. Les avocats à qui elle est notifiée en ont connaissance en raison de leur profession et ne peuvent la divulguer.
Or, l’avocat de Nicolas Sarkozy a communiqué la décision de la chambre de l’instruction à un magistrat extérieur à cette procédure. Il a donc commis le délit de violation du secret professionnel.
Le magistrat qui s’est trouvé en possession de cette décision de la chambre de l’instruction alors qu’il n’occupait aucune fonction justifiant de la détenir s’est rendu coupable de recel de violation du secret professionnel.