CEDH : la Cour de cassation a enfreint la présomption d'innocence d'un CAC

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Pour la Cour européenne des droits de l'Homme, le sens d’une phrase d'un arrêt de Cour de cassation dans une procédure présentant un lien étroit avec la mise en examen du requérant pouvait raisonnablement être interprété comme lui imputant la responsabilité pénale du délit pour lequel il était mis en examen.

Deux sociétés d'audit ont été mandatées en qualité de commissaire aux comptes pour un groupe de sociétés commerciales.
Dans le cadre d’une affaire pénale relative aux fraudes affectant les comptes du groupe, un associé des deux sociétés d’audit et signataire au nom de l’une d’elles a été mis en examen du chef de confirmation d’informations mensongères par commissaire aux comptes. Parallèlement, il a déposé plainte avec constitution de partie civile en tant que victime de délits de faux et usage de faux et d’obstacle aux vérifications ou contrôles de commissaire aux comptes par dirigeant de personne morale.
Le juge d’instruction a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile. Cette décision a été confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel le 22 juin 2020 puis par la Cour de cassation le 30 mars 2021 (pourvoi n° 20-84.472).

Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention EDH, l'associé a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), soutenant que le raisonnement et les termes de l’arrêt de la cour d’appel et de la Cour de cassation ont méconnu son droit à la présomption d’innocence.

Dans son arrêt Gravier c/ France rendu le 4 juillet 2024 (requête n° 49904/21), la CEDH observe que la Cour de cassation a énoncé, en termes généraux et abstraits, que l’irrecevabilité d’une constitution de partie civile pouvait être valablement motivée par "la possible implication" de la personne dans les faits à raison desquels l’information a été ouverte. La chambre criminelle a ajouté qu’il ressortait de la procédure pénale qu’il y avait eu des "manquements graves de la part de ces sociétés, susceptibles de relever de la qualification de non-révélation d’infractions dont elles ne pouvaient ignorer l’existence". Pour la CEDH, ce raisonnement consiste à qualifier les agissements des sociétés d'audit et non pas du requérant.
La Cour de cassation a également affirmé que le requérant avait "participé à un concert frauduleux visant à masquer une situation financière obérée". La CEDH estime que la notion de "participation à un concert frauduleux" est équivoque et s’apparente à la notion de fraude qui ne relève pas de la sphère purement pénale. Cependant, suivie de et aggravée par l’expression "visant à masquer une situation financière obérée", cette phrase acquiert un sens pouvant être raisonnablement interprété comme imputant au requérant la responsabilité pénale pour confirmation d’informations mensongères par commissaire aux comptes, délit pour lequel il était mis en examen.

Compte tenu des termes employés par la Cour de cassation, la CEDH conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention.

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