Biodiversité et droits de la nature : défis et perspectives

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Un des ateliers lors du 5ème Grenelle du Droit, animé par Aurore Bardon, Fondatrice et Présidente, ESG Lab & Society, proposait d'explorer des pistes concrètes d'action pour permettre au métier du droit de se mobiliser. Protéger la biodiversité et élargir les perspectives des participants dans le but d’intégrer ces enjeux majeurs dans les pratiques juridiques afin de passer à l'action.

La biodiversité désigne l'ensemble des êtres vivants, leur patrimoine génétique et leurs interactions au sein d'écosystèmes tels que les forêts, les marais et les prairies. Elle fournit des services écosystémiques essentiels au fonctionnement de la vie humaine et à notre économie, tels que la pollinisation et la purification de l'eau. Le taux d'érosion de la biodiversité au cours des 50 dernières années est sans précédent dans l'histoire de l'humanité, principalement en raison de l’activité humaine. Cette érosion constitue un risque majeur pour l’économie, la vie humaine et la planète. En effet 80 % des activités économiques dépendent directement ou indirectement de la biodiversité, 55% du PIB mondial et, en France, 80 % des emplois sont indirectement ou directement concernés par la dégradation des écosystèmes.

jeanphilippe rivaud


Jean-Philippe Rivaud est magistrat, substitut général près le Cour de Paris et co-fondateur de l’AFMJE (Association Française des Magistrats pour la Justice Environnementale) qui a pour objectif de rassembler des magistrats s'intéressant à la justice environnementale afin de diffuser au sein de l’institution une culture du droit de l'environnement. Il ne s'agit pas seulement du droit de l'environnement au sens strict, mais aussi de l'impact du droit de l'environnement sur toutes les branches du droit privé, comme le droit civil, le droit commercial ou le droit du travail. L’ambition de l’AFMJE est de contribuer à l'effectivité du droit de l'environnement, en formant les magistrats et en élaborant des fiches pratiques sur des questions concrètes.

Jean-Philippe Rivaud a abordé la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nantes concernant l'abattage d'un tulipier du Japon qui faisait de l'ombre à l'extension d'une maison voisine. « La décision est tombée le 3 octobre 2023 : le tulipier ne sera pas abattu. Cette décision est intéressante car elle illustre l'évolution du droit civil des biens en matière de protection de l'environnement. » Le juge s'est fondé sur l'article 2 de la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle, pour considérer que le tulipier présentait une importance sur le plan environnemental et écologique indéniable, faisant partie d'un ensemble végétalisé participant à la préservation de l'écosystème local. Le juge a ainsi reconnu que le tulipier apportait un bénéfice à la collectivité en raison des bienfaits environnementaux qui découlent de toute végétation.

Cette décision marque sans aucun doute une étape dans l'évolution du droit civil des biens en matière de protection de l'environnement. Elle montre que les juges sont de plus en plus sensibles à ces enjeux et qu'ils sont prêts à prendre en compte les impacts environnementaux dans leurs décisions. Les avocats peuvent aussi trouver des fondements à leur action non pas seulement dans le Code civil, mais aussi dans les législations particulières et sectorielles en matière environnementale. La Cour européenne des droits de l'Homme a développé depuis 1994 une jurisprudence sur le droit à un environnement sain, qui peut être invoqué directement devant les juges nationaux.

marine calmet

Marine Calmet est une juriste militante pour les droits de la nature avec son association Wild Legal qui vise à reconnaître que « la nature n'est pas un objet ou un ensemble de ressources exploitables, mais un ensemble de sujets de communautés vivantes et inter-agissantes. » Elle donne l'exemple d'un recours déposé en janvier 2023 avec une coalition d'ONG, dont trois ONG guyanaises, pour faire reconnaître les droits fondamentaux du fleuve Maroni en Guyane française, pollué par des activités minières illégales. Ce recours s'appuie sur une lecture extensive de la Charte de l'environnement visant à faire le parallèle entre droits humains et droits de la nature.

nathalie dubois


Nathalie Dubois, directrice juridique de FNAC-Darty et vice-présidente de l’AFJE, a quant à elle effectué un master stratégie et design pour l'anthropocène. Elle explique que sa formation lui a permis de prendre conscience de l'anthropocentrisme du droit et de la nécessité de changer de vision. Elle a choisi une formation non destinée aux juristes « pour être bousculée et trouver de nouvelles lunettes. Cette formation m'a amenée à découvrir le sujet de la biodiversité, qui a été un choc pour moi. » Elle a pris conscience de l'urgence temporelle de l'effondrement de la biodiversité et de l'insuffisance du socle de connaissances sur ce sujet. Elle a également réalisé que les entreprises n'étaient pas formées à ce sujet et que les compétences nécessaires n'étaient pas disponibles sur le marché. Les juristes d'entreprise ont un rôle important à jouer en travaillant en binôme avec les directeurs développement durable afin d’éviter que les entreprises ne freinent les progrès en la matière. Il serait également opportun que les juristes aillent chercher de l'information non juridique en matière de biodiversité pour mieux en comprendre les enjeux. Enfin, il est nécessaire de réviser en profondeur les bases du droit de l'environnement et du droit constitutionnel en reconnaissant que la nature a des droits et en rééquilibrant le rapport de force entre les activités humaines et les besoins de la nature.

Il est important de noter que la complexité du droit de l'environnement peut rendre difficile son application effective. Le droit pénal de l'environnement, par exemple, trouve sa source dans 15 codes différents, ce qui peut rendre sa mise en œuvre complexe. Il est donc primordial de simplifier et de clarifier les règles pour assurer une meilleure compréhension et une application plus efficace.

Hadrien Donnard


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