Quel futur pour l'information juridique ?

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Quels sont les nouveaux défis de l'accès à l'information juridique ? Quelle attitude adopter face aux outils d'intelligence artificielle ? Quelles compétences les praticiens du droit vont-ils devoir développer ? La dernière édition du Grenelle du Droit a fait dialoguer quatre acteurs de la chaîne de l'information.

Lors de la cinquième édition du Grenelle du Droit, qui s'est déroulée le mercredi 12 juin 2024 au Campus Port-Royal de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne à Paris, un débat s'est engagé sur les enjeux de l'information juridique, autour de Jérôme Rusak, Partner, PwC.

Premier maillon de la chaîne de l'information juridique, Sandrine Zientara-Logeay, Magistrate, Directrice du service de documentation des études et du rapport, Cour de cassation, a posé les éléments de contexte.
La France a fait le choix en 2016 d'un modèle de diffusion exhaustif et gratuit de la jurisprudence. Dans un souci de protection de la vie privée, les parties, tiers et les juges sont occultés de manière automatique ou semi-automatique. Des exceptions sont toutefois possibles en cas de débat d'intérêt général.
À ce jour, 910.000 décisions sont disponibles en opendata sur le moteur de recherche Judilibre. À terme, 3 à 4 millions de décisions sont attendues, avec l'intégration des tribunaux de commerce fin 2024 et des tribunaux judiciaires fin 2025.

Nicolas Bodin, Membre du groupe scientifique IA, AFJE, Head of Legal, Shadow et Qwant, est l'un des 20.000 visiteurs journaliers de Judilibre.

En tant que praticien du droit, il tire profit de cette massification de l'accès à l'information et de la personnification de la recherche que permet l'intelligence artificielle (IA).
Il invite toutefois à la vigilance face à la confusion des genres qui règne actuellement et à rester attentif à la fiabilité de l'information, qui passe avant tout par la connaissance des sources. Pour lui, le juriste doit « comprendre, expérimenter, et décider en fonction de ses connaissances » pour ne pas se noyer dans la masse.

L'esprit critique, arme fatale du juriste

Caroline Sordet, Directrice pôle édition, Lefebvre Dalloz, est justement là pour l'aider à faire le tri dans les 45.500.000 mots du droit positif français. Son rôle est de mettre à disposition l'information juridique grâce aux compétences de data scientists, de juristes et de commerciaux. Elle confirme que l'esprit critique est une composante essentielle de la qualité et insiste sur l'importance de l'apprentissage.

La pédagogie, c'est l'affaire de Valérie-Laure Benabou, Professeure de droit, Paris Saclay, Conseil supérieur PI.
Rappelant l'étymologie du terme "information" qui se rapporte à une "mise en forme", elle déplore le manque de formation des étudiants à la recherche documentaire. Dans un monde où la connaissance n'est plus au cœur du débat, et où le génératif prend le pas sur les hiérarchies internes, elle recommande, elle aussi, le discernement et l'esprit critique pour faire la part entre data et information et éviter les biais de recherche.
Les intermédiaires étant désormais concurrencés par les logiciels et les algorithmes, il s'agit de décider en toute conscience quel niveau de délégation accorder à l'intelligence artificielle. La professeure l'assure : l'algorithme ne dispense pas du travail du juriste !

Juriste augmenté ou juriste remplacé ?

Sandrine Zientara-Logeay approuve : le juriste est peut-être augmenté mais pas remplacé par l'IA. Celle-ci ne peut, au risque d'un appauvrissement du raisonnement juridique, être utilisée sans un travail préalable sur ses limites. Un contrôle de proportionnalité ne peut pas être modélisable, prévient-elle.

Cette préoccupation face à un possible appauvrissement du droit est partagée par Caroline Sordet. Ainsi, la donnée entrante est vérifiée mais la donnée sortante est générée : attention à ne pas refaire entrer à nouveau des données générées dans le système, car l'IA doit puiser dans de l'information fiable.

Pour Nicolas Bodin, l'IA est « un outil d'aide à la décision mais pas un outil de décision ». Il importe de conserver une part de doute et de prendre du recul. En résumé : avoir connaissance de l'outil pour en connaître les limites. De fait, il incite les professionnels du droit à sortir de leurs acquis juridiques pour se confronter aux aspects techniques, sous peine de subir la fracture numérique.

Entre hypertechnicité, hyperspécialisation et multidisciplinarité : qui a dit que le travail de juriste était de tout repos ?

Pascale Breton

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