Le Jex du TJ de Paris a rendu deux décisions portant sur l’existence de clauses abusives dans des contrats de prêts et saisit pour avis la Cour de cassation d’une importante question sur son office face au caractère abusif d’une clause d’un contrat de prêt ayant donné lieu à une décision de justice préalable.
Dans deux affaires du 11 janvier 2024, le juge de l'exécution du tribunal de justice de Paris, en formation collégiale, a apporté des éclaircissements concernant les clauses abusives de déchéance du terme des contrats de prêt à la consommation ayant donné lieu aux titres exécutoires fondant les poursuites.
Il rappelle que, dans un arrêt du 17 mai 2022 (affaires jointes C-600/19, C-693/19, C-725/19, C-869/19), la Cour de Justice de l'Union européenne a affirmé que le juge était tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat de consommation ayant pourtant déjà donné lieu à une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée au stade de l'exécution forcée de cette décision.
Il rappelle également que, dans deux arrêts du 22 mars 2023 (pourvois n° 21-16.044 et n° 21-16.476), la Cour de cassation a reconnu comme abusives des clauses de déchéance du terme similaires à celles contenues dans de très nombreux contrats de prêts autorisant le prêteur à prononcer immédiatement la résiliation du contrat en cas d'impayé, ou bien à l'issue d'un préavis de huit jours.
Dans la première affaire (RG 23/185), le juge de l'exécution du tribunal de Paris a dit abusive la clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de prêt notarié, ce qui a rétroactivement privé d'effet la résiliation prononcée par le prêteur.
Il a en conséquence décidé que la saisie immobilière sollicitée pouvait procéder pour le recouvrement de la somme correspondant au montant des échéances impayées mais, le contrat restant en l'espèce en cours, pas pour le capital restant dû, ni pour l'indemnité de résiliation conventionnelle.
Dans la seconde affaire (RG 20/81791), où les poursuites étaient fondées sur une ordonnance portant injonction de payer, décision de justice produisant les effets d'un jugement contradictoire, le juge de l'exécution a décidé de saisir la Cour de cassation d'une demande d'avis ainsi formulée :
"Le juge de l'exécution peut-il, dans le dispositif de son jugement, déclarer réputée non écrite comme abusive la clause d'un contrat de consommation ayant donné lieu à la décision de justice fondant les poursuites ?
Dans l'affirmative,
- lorsque cette clause a pour objet la déchéance du terme, peut-il annuler cette décision ou la dire privée de fondement juridique, notamment lorsque l'exigibilité de la créance était la condition de sa délivrance ? Dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ?
- peut-il modifier cette décision de justice, en décidant qu'elle est en tout ou partie insusceptible d'exécution forcée ? Dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ?"
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