À l’heure où sonne le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, le sujet des anciens va devenir explosif dans les entreprises et sans doute une priorité de tous les services RH.
Salariés ! dès 45 ans, les clignotants s’activent au rouge. Vous rentrez dans la zone de tous les dangers et les premiers dispositifs d’accompagnement et de soutien à l’emploi vous considèrent comme une population « de seniors » à risque méritant le soutien de l’Etat.
À partir de 50 ans, c’est l’assurance chômage qui prend le relais en allongeant d’une main les durées d’indemnisation, allant même vous porter jusqu’à la retraite si vous êtes encore indemnisés à 62 ans, et au terme de la dernière réforme de l’UNDEDIC en réduisant la durée d’indemnisation de 25 % en fonction des conditions du marché de l’emploi.
Depuis plus de 30 ans, vous faites l’objet d’une attention rare de l’Etat jouant aux apprentis sorciers en inventant de multiples dispositifs plus ou moins heureux et surtout couteux allant de la contribution Delalande à la préretraite FNE ou encore aux dispositifs CAT pour les carrières longues.
Et pour ceux qui ont la chance de travailler pour de grands groupes ou de grandes entreprises, des dispositifs de préretraite peuvent leur être ouverts dès l’âge de 57 ans avec maintien de tout ou partie de leur salaire jusqu’à la retraite. Que recherchent réellement les employeurs en souhaitant se séparer, souvent pour un coût élevé, de ceux qui firent jadis leur richesse ? Le savent-ils vraiment ?
Pour autant, et dans la plupart des cas, la transition professionnelle ne s’envisage que de manière brutale et binaire.
À l’heure où sonne le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, le sujet des anciens va devenir explosif dans les entreprises et sans doute une priorité de tous les services RH.
Rappelons que le fleuron des entreprises françaises capitalise sur l’expérience et que l’âge moyen des dirigeants des sociétés du CAC 40 est de 57 ans ! Leur aventure débute à l’âge auquel certains sont guidés vers la sortie.
Avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure.
Comment un gouvernement qui se veut moderne et pragmatique peut-il s’accrocher comme il le fait à cet âge pivot qui ne laisse d’autre alternative que de penser qu’en matière d’emploi, il n’y de vie professionnelle qu’avant 64 ans et une sorte de perspective plutôt funeste après la retraite ?
Comment ne pas admettre que la contingence financière qui dicte cette vision comptable de la vie peut se penser différemment en nous laissant à tous, nous les bénéficiaires des régimes de retraite, le choix d’une feuille de route qui nous permette d’adapter notre départ en retraite en fonction de nos besoins et des moyens que nous offrent les régimes concernés ?
Loin de nous l’idée de proposer des schémas financièrement aventureux et nous laissons aux experts le soin de ne pas nous contredire.
Mais alors que faire ?
Externaliser la gestion des plus vieux auprès de Pôle Emploi qui, après tout, offre encore aujourd’hui et pour combien de temps le moyen de se débarrasser des plus anciens à moindre coût ?
Signer des accords aux noms ronflants d’intergénération et autre temps choisis ?
Ne gérer le départ anticipé que sous le prisme d’une pénibilité que l’on a tant de mal à définir ?
Pire encore, renvoyer les plus détruits d’entre nous à mieux se protéger par une inaptitude que l’âge n’a fait que renforcer ?
Hier encore avait émergé l’idée d’une mise à « l’index » des entreprises peu vertueuses en matière d’emploi des séniors.
On peut peut-être admettre enfin que la fin de carrière concerne tout le monde dans l’entreprise, du plus haut dirigeant au salarié du plus bas de l’échelle et qu’un consensus peut être facilement partagé autour de l’idée que la retraite n’est pas une fin en soi et qu’aménager dans le temps son retrait ne doit pas être réservé aux seuls salariés privilégiés des grands groupes comme c’est le cas aujourd’hui.
Allons droit au but : au-delà de la retraite progressive, point de salut.
Au-delà de la retraite progressive, point de salut
Seule la retraite progressive semble vouloir tenir la corde et répondre à la fois aux attentes des salariés souvent épuisés dans l’emploi qu’ils occupent mais qui n’ont pas nécessairement envie de cesser toute activité.
Qui d’entre nous ne rêve de pouvoir un jour changer ? Changer de vie, changer de travail, changer l’organisation de son temps, s’ouvrir vers d’autres perspectives sans pour autant tout abandonner.
La retraite progressive, c'est le moyen de mixer du temps dans son entreprise avec un emploi dans une autre et un bout de retraite pour compenser le tiers temps qui ne serait plus salarié.
Les réformes anciennes se révèlent souvent à l’aune des nouvelles et gageons que cette retraite progressive issue d’une loi de décembre 2018 sera promise à un bel avenir.
Prenons un exemple simple voir simpliste.
Si nous vous disions qu’à l’âge de 60 ans, vous pourriez cumuler un temps partiel chez votre employeur pour 30 % de votre temps, un autre temps partiel pour un autre employeur pour 20 % et 50 % de votre temps restant vous touchiez à proportion non seulement votre retraite de base mais aussi vos droits à retraite complémentaire AGIRC ARRCO acquis tout au long de votre carrière.
Si nous vous disions que les cotisations versées au titre de vos activités salariées maintenues vous ouvriraient des trimestres complémentaires et des points de retraite qui viendraient compléter votre retraite le jour où vous serez en droit de la liquider à taux plein.
Si nous vous disions que tout ça peut faire l’objet d’accords conclus dans votre entreprise vous permettant de préserver d’autres droits que vous auriez acquis tout au long de votre carrière.
La perspective de 64 ans n’en serait que plus douce.
La retraite progressive n’est pas une chimère et l’essentiel de ce que nous venons de présenter existe bien dès à présent. Et, sous réserves de quelques adaptations qui ne nécessiteraient sans doute que peu de débats houleux dans l’hémicycle, elle aiderait à n’en pas douter à éteindre l’incendie qui couve dans nos entreprises.
Bruno Courtine, Bastien Ottaviani et Charlène Donze, Vaughan Avocats