Par principe, la communication faite par une entreprise procède de l’exercice d’une véritable liberté publique. Toutefois, dans le but de protéger les consommateurs, la loi a instauré certaines limites, au rang desquelles figurent les pratiques commerciales trompeuses.
En effet, à l’ère du numérique, au cours de laquelle les changements d’habitudes des consommateurs ne cessent d’évoluer, de nouvelles techniques publicitaires se sont développées. Des pratiques commerciales trompeuses peuvent parfois être utilisées par des opérateurs sans scrupules, dans le but de provoquer un achat spontané ou d’obtenir un avantage concurrentiel, bien que déloyal, non négligeable.
Le législateur européen, conscient des difficultés posées par ces changements, a dû adapter les dispositions en vigueur afin de renforcer la protection des consommateurs.
C’est dans cet objectif que l’ordonnance du 22 décembre 2021 a transposé la directive 2019-2161 du 27 novembre 2019 visant « une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union Européenne » en la matière. Ces nouvelles règles s’appliqueront à compter du 28 mai 2022.
Ce texte s’inscrit dans la lignée de l’ordonnance du 29 septembre 20211 sur les règles de garantie légale de conformité et de fourniture de service numériques.
Les récentes évolutions du e-commerce seront ainsi mieux encadrés, l’objectif étant de favoriser la transparence vis-à-vis du consommateur.
Le rapport au président de la République indique que le texte répond à un souci de modernisation du cadre du juridique de la protection des consommateurs, tenant compte de la double nécessité de renforcer l’effectivité des règles existantes face au risque croissant d’infractions et d’adapter celles-ci à la transformation numérique.
A cet effet, le texte a intégré de nouvelles définitions telles que « place de marché en ligne », « opérateur de place de marché en ligne », « pratique commerciale ».
Afin de renforcer l’effectivité de ses mesures, l’ordonnance a étendu le domaine des pratiques commerciales trompeuses (II) tout en s’adaptant aux nouveaux défis, notamment en encadrant les annonces de réduction de prix (I).
1. L’encadrement des annonces de réduction de prix
L’adaptation des règles sanctionnant les pratiques commerciales trompeuses était devenue essentielle au regard du développement du commerce numérique. Son essor a entraîné de nouveaux comportements, tant des professionnels que du consommateur, qui nécessitaient un encadrement.
C’est dans ce cadre que l’ordonnance du 22 décembre 2021 a instauré de nouvelles conditions dans lesquelles les professionnels peuvent avoir recours à des annonces de réduction de prix.
En droit français, l’encadrement légal de réduction de prix n’est pas une nouveauté. Un arrêté du 31 décembre 20082 (abrogé par un arrêté du 11 mars 20153) imposait déjà aux professionnels, lorsqu’ils appliquaient une promotion, de faire figurer le prix de référence à partir duquel la réduction était calculée.
Le nouvel article L.112-1-1 du Code de la consommation est similaire à cette ancienne disposition française, puisqu’il prévoit que « toute annonce d'une réduction de prix indique le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l'application de la réduction de prix.».
La différence demeure dans la détermination du prix de référence. L’ordonnance prévoit que le prix antérieur correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l’égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant la promotion.
Cette mesure permet de renforcer la bonne information du consommateur sur la réalité de la promotion.
Des exceptions sont prévues pour les produits périssables, en cas de réduction successive du prix mais également pour les opérations par lesquelles un professionnel compare les prix qu’il affiche à ceux d’autres professionnels.
2. Le renforcement de l’efficacité des règles sanctionnant les pratiques commerciales trompeuses par l’extension de son domaine
Plus qu’une meilleure appréhension de la pratique commerciale trompeuse, il s’agit surtout d’une extension importante de son domaine comme le prévoit la directive 2019/2161 transposée.
En effet, plusieurs situations, uniquement liées au développement des outils du numérique, étaient devenues sources de problèmes.
Par exemple, on remarque que les consommateurs se fient d’avantages aux avis des autres consommateurs lorsqu’ils commandent en ligne. Plusieurs avis élogieux sur un produit visé peuvent constituer l’élément déclencheur d’une décision d’achat. Encore faut-il que ces avis émanent véritablement de consommateurs satisfaits.
Par ailleurs, une étude4 a également démontré que, lorsqu’il effectue une recherche sur un moteur de recherche, le consommateur moyen ne va pas au-delà de la première page. Ainsi, c’est un outil concurrentiel redoutable que d’apparaître sur celle-ci. Il est donc indispensable que le consommateur soit en capacité d'identifier le lien capitalistique entre l’offreur et l’opérateur de marché.
C’est dans cette idée que la liste des informations qualifiées de substantielles a été complétée et le nombre de pratiques jugées trompeuses augmenté de 24 à 28. La parfaite information du consommateur est l’objectif au cœur de ces nouvelles mesures.
Ainsi, est caractérisé de pratique commerciale trompeuse :
- Le référencement ou classement en ligne d’un produit sans indiquer l’existence du lien capitalistique entre l’offreur et l’opérateur de place de marché ;
- La revente à des consommateurs des billets de manifestations obtenus par l’utilisation d’un moyen automatisé ;
- La mise en avant sur un site internet des avis de consommateurs sans prendre de mesures nécessaires pour s’assurer que lesdits consommateurs ont bien utilisé les produits concerné ;
- Le fait de diffuser ou de faire diffuser, par une autre personne morale ou physique, des faux avis ou des fausses recommandations de consommateurs.
Afin d’assurer l’effectivité de ces règles, l’ordonnance a également instauré un régime de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées, notamment en cas d’infractions de grande ampleur à l’échelle européenne.
Arnaud Albou, avocat, et Shona Benhayoun, Elève-avocat, Cohen Amir-Aslani
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1 Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques
2 Arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur ; NOR ECEC0831181A ; JORF n°0010 du 13 janvier 2009
3 Arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur ; NOR EINC1426951A ; JORF n°0070 du 24 mars 2015 appliquaient une promotion, de faire figurer le prix de référence à partir duquel la réduction était calculée.
4 Étude réalisée par la firme Chitika à partir des données de plus de 300 000 sites aux États-Unis et au Canada selon laquelle la première page de Google reçoit pratiquement tous les clics avec un taux de clic de 91,5 %