Le Groupe de travail du Haut comité juridique de la place financière de Paris propose ses recommandations sur les aspects juridiques des réformes des indices de référence.
Le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris ("HCJP") a constitué un groupe de travail chargé d’examiner les aspects juridiques des modifications des indices de référence de taux d’intérêt (1). En effet, à la suite d’évènements ayant affecté certains indices de référence tels le LIBOR et l’EURIBOR, et portant atteinte à leur intégrité, des réflexions ont été engagées dans différents forums pour les modifier, les réformer ou les remplacer et éliminer ou réduire dans toute la mesure du possible les éléments de vulnérabilité des indices existants.
Dans un rapport publié le 20 juillet 2018, le groupe de travail du HCJP présente ses conclusions et certaines recommandations aux acteurs du marché, aux autorités et aux administrateurs des indices de référence :
• La réforme des indices de référence en cours depuis 2012 a d’ores et déjà produit des effets salutaires en renforçant le cadre réglementaire applicable aux indices, avec une amélioration de la fiabilité des données recueillies par les administrateurs et des procédures appliquées par les administrateurs et les contributeurs en vue d’élaborer les indices.
• Cependant, les travaux réalisés à ce jour sur les nouveaux indices, dont certains sont toujours en phase d’essai, ne permettent pas de conclure que les acteurs de marché disposeront d’un éventail d’indices adéquat pour assurer une transition ordonnée aux deux dates clés suivantes :
- le 1er janvier 2020, date à laquelle les indices utilisés dans l’Union européenne devront effectivement respecter les exigences du "Règlement Benchmark" (2), ou
- la fin de 2021, lorsque les autorités britanniques cesseront de contraindre les banques du panel à continuer de communiquer leurs contributions respectives nécessaires à l’élaboration du Libor.
• Les nouveaux indices récemment créés présentent un profil différent de celui des indices existants dans la mesure où ils n’intègrent pas le risque de crédit relatif au secteur bancaire ou les différentes maturités des indices actuels. Il s’agit d’indices à très court terme. Ces différences sont susceptibles de donner lieu à des risques juridiques, notamment pour les contrats en cours. En effet de nombreux produits financiers présentent une forte dépendance aux taux à terme (notamment les produits dits « cash », prêts, financements, obligations). Or à la date de publication du rapport aucune solution n’a été identifiée pour définir de nouveaux indices à terme susceptibles de remplacer l’Euribor ou le Libor.
• La grande majorité des contrats existants liés aux indices ne contiennent pas de clauses prévoyant la disparition d’un indice. La plupart de ces clauses ne visent en effet que l’indisponibilité temporaire de l’indice. Par conséquent, ces contrats sont particulièrement exposés au risque de perturbations importantes.*
• L’un des problèmes essentiels posés par les modifications des indices de référence est celui de la continuité des contrats en cours au moment de la transition. Le groupe de travail considère que la probabilité qu’un tribunal décide de mettre fin à un contrat ou de libérer une partie de ses engagements en raison de la disparition d’un indice est faible, mais ne peut être totalement exclue, notamment si, au moment de la disparition d’un indice de référence, son indice successeur n’est pas clairement identifié.
Les recommandations du Groupe de travail. Face à toutes ces difficultés, il apparaît important au groupe de travail que les différents acteurs de marché (établissements de crédit, emprunteurs, émetteurs des obligations, utilisateurs des produits dérivés, etc.) prennent plusieurs mesures : faire l’inventaire des clauses contractuelles relatives aux indices ; prendre les mesures nécessaires pour aménager les contrats en insérant de nouvelles clauses prévoyant des solutions adaptées la modification des indices existants (par renégociation ou modification si faisable) avant les échéances 2020/2021 ; harmoniser les évènements déclencheurs dans les différents contrats (financements / couvertures) indexés sur les mêmes indices de référence.
Le Groupe de travail recommande également que les autorités prennent des mesures pour atténuer les risques identifiés et faciliter la transition : autoriser l’utilisation de l’EURIBOR et de l’EONIA après le 1er janvier 2020 pour un période permettant une transition ordonnée ; poursuivre activement les travaux relatifs à de nouveaux indices à terme afin que les acteurs de marché puissent utiliser aux échéances prévues des indices autres que ceux au jour le jour récemment créés ; désigner officiellement par la voie législative ou réglementaire des indices successeurs se substituant de plein droit aux indices existants dans les contrats dépourvus de stipulations contractuelles adéquates ; encadrer les conséquences juridiques de la substitution d’un indice pour éviter la résiliation ou la non-exécution d’un nombre important de contrats en cours.
Enfin, le Groupe de travail recommande aux administrateurs d’indices d’assurer, avec le soutien des autorités publiques compétentes, la représentativité des panels des établissements contributeurs dans la mesure où les indices avec panel seraient privilégiés et de mettre au point un cadre juridique clair destiné à encourager les contributions aux indices par les banques, permettant de définir et de cantonner, en particulier en cas de perturbation grave de marché et de formulation d’un avis d’expert, leur responsabilité.
Le rapport du groupe de travail est disponible en langue française (avec un résumé des conclusions et des recommandations en anglais) sur le site du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, www.hcjp.fr.
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[1] Cf. l’Annexe n° 1 du Rapport du Groupe de Travail pour une liste des membres du Groupe.
[2]Règlement (UE) n° 2016/1011 du 8 juin 2016.