L'article 93 de la loi de Finances pour 2025 - issu d’un amendement sénatorial adopté avec le soutien de Gouvernement - aménage et modifie le régime fiscal et social des Management Packages (mécanismes sui generis alignant les intérêts des managers et des investisseurs financiers). Guillaume Massé, avocat associé au cabinet D’Alverny Avocats revient sur le nouveau régime des Management Packages.
Avant (la loi de finances pour 2025)
Depuis les trois arrêts de principe du Conseil d'État du 13 juillet 2021[1], les gains issus d'incentive sui generis, notamment de type BSA ou promesse d'achat ou de cession d'actions, subissaient les prélèvements obligatoires applicables aux revenus d'activité. Soit pour l'impôt sur le revenu, le barème progressif jusqu'au taux marginal de 49 % (taux marginal de 45% + 4% de contribution exceptionnelle). Soit pour la sécurité de sociale, des cotisations de l'ordre de 22 % pour le salarié et entre 40 et 45 % pour l'employeur.
Cette qualification, comme revenu d'activités, s'applique à chaque fois que le gain a pour cause essentielle, pour son bénéficiaire, sa qualité de salarié ou de dirigeant de l'entreprise émetteur (ou de son groupe).
Ce régime de prélèvements obligatoires s'appliquait (i) au gain d’octroi, (ii) au gain d'acquisition (différence entre prix d'exercice fixé à l’octroi et valeur vénale au moment de l'exercice), et (iii) potentiellement aussi au gain de cession. Pour mémoire, ce gain de cession est le gain réalisé entre le moment où le salarié / dirigeant est devenu actionnaire (paiement du prix exercice) et le moment de vente de son titre (c’est l’hypothèse où exercice de l'incentive et vente ne sont pas concomitantes, contrairement à ce qui arrive souvent).
Après (la loi de finances pour 2025)
Désormais, selon l'article 93 du budget 2025, lorsque le gain a pour cause essentielle la qualité de salarié ou de dirigeant du contribuable, deux régimes distincts cohabitent.
Le gain d’acquisition < 3 fois la valeur réelle de l'entreprise (= capitaux propres + dettes envers tout actionnaire ou entreprise liée) au jour de l'acquisition / la souscription de l'incentive, qualifie comme plus-value. Fiscalement, impôt sur le revenu en plus-value, au taux fixe 12,8 % et à la CSG sur revenu du patrimoine à 17,2 % soit la flat tax de 30 %. En sécurité sociale, ce gain, nonobstant sa fiscalité de plus-value, cotisation sociale salariale spécifique de 10 % (à l'instar de celle applicable au gain d'acquisition sur stock-option et actions gratuites).
Le gain d’acquisition > 3 fois la valeur réelle : il demeure assujetti au régime fiscal et social issu des jurisprudences de principe de 2021 précité, soit en revenu d’activités.
Apport de la réforme et questions en suspens
Le mérite de cette réforme est la sécurité fiscale et sociale des prélèvements obligatoires applicables aux gains des management packages avec, désormais, un régime dual de revenus financiers et de revenus d'activité, avant et après un multiple de x3 (x5 était demandé par la Place). En sécurité sociale, l’employeur débiteur de la part patronale des cotisations est éclairé, dès lors que les flux ne passant généralement pas entre ses mains, leur répercussion sur le salarié des cotisations sur le gain réalisé n’était jamais garantie.
Toutefois, des questions demeurent.
Entré en vigueur le 15 février avec la loi de Finances 2025, ce régime a-t-il vocation à s'appliquer seulement au revenu réalisé à compter de cette date, ou bien également aux gains plus anciens, notamment ceux déjà réalisés, le cas échéant déjà sous contrôle fiscal, voir sujets aux contentieux en cours ?
Une application immédiate du nouveau régime par les services de contrôle et de contentieux, aurait le mérite de sortir, par la voie transactionnelle, de litiges déjà en cours, pour la fraction du gain n’excédant pas trois fois la valeur d'entrée, selon nous d’une manière équilibrée.
Inversement, l'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif au 15 février, avec un régime fiscal et social dual autour du multiple du x3, ne signifie-t-il pas que pour la période antérieure, l'éligibilité du gain au régime des plus-values restait possible, sauf pour un service à démontrer que la cause essentielle le travail ou le mandat de dirigeant au sein de l'entreprise du titulaire de l'incentive ? Sinon, pourquoi avoir légiféré ?
Enfin, malgré cela, ce nouveau régime offre seulement une "petite partie" du gain traité en plus-value, alors que les multiples sont fréquemment assez supérieurs à x3 contraste sensiblement avec le régime, très différent de celui (très) favorable applicable aux investisseurs financiers. En effet, ces derniers bénéficient de régimes de faveur : carried interest (régime Arthuis), régime mère-fille (dividendes) et long terme (plus-values) pour les sociétés holding, régime des entités spécifiques de capital-risque et de capital-investissement.
Cette discrimination, qui crée une inégalité au profit des investisseurs financiers (assujettis à 34%) au détriment de ceux produisant directement dans l'entreprise (assujettis jusqu’à 59%), est-elle justifiée si on veut promouvoir la valeur travail ?
Guillaume Massé, avocat associé au cabinet D’Alverny Avocats
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[1] Arrêts n° 435 452, 428 506 et 437 498