Si des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi constituent des mesures légalement admissibles, il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
Après la démission de son directeur des ventes pour l'industrie, un employeur soutenait que son ex-salarié exerçait désormais, pour le compte d'un concurrent, des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées en son sein, en violation de la clause non-concurrence stipulée dans son contrat de travail.
Sur le fondement de l'article 145 du code de procédure, la société a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête tendant à ce que soient ordonnées des mesures d'instruction dans les locaux du nouvel employeur du salarié.
Cette requête a été accueillie par une ordonnance qui a constitué l'huissier de justice désigné pour procéder aux mesures d'instruction en qualité de séquestre des documents appréhendés et prévu qu'il ne pourrait être mis fin à ce séquestre que par une décision de justice l'autorisant à remettre les documents saisis.
Les mesures d'instruction ayant été exécutées, l'ancien employeur a assigné le nouveau afin qu'il soit ordonné à l'huissier de justice de lui communiquer ces documents.
La cour d'appel de Nancy a ordonné la remise de la copie du document intitulé "Red line" à la société requérante.
Après avoir rappelé les termes de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail qui la liait à son ancien salarié, les juges du fond ont relevé que ce dernier, devenu "consultant auditeur" pour le compte du nouvel employeur à la suite de sa démission, avait reconnu avoir effectué un audit à la demande de celui-ci, lequel reconnaît que le document "Red line" était directement issu de cet audit et qu'il avait été établi, en vue de l'élaboration de leur stratégie de professionnalisation et de modernisation, par le salarié, détaché par la société d'audit.
Les juges en ont déduit que la requérante justifiait d'un motif légitime à obtenir la communication de ce document afin de lui permettre d'établir la preuve d'une violation de la clause de non-concurrence ou encore de démontrer l'existence d'un acte de concurrence déloyale imputable au nouvel employeur, qui aurait engagé le salarié de manière illicite sous couvert de la réalisation d'une mission d'audit confiée à la société d'audit.
Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2024 (pourvoi n° 23-17.682), la Cour de cassation reproche aux juges du fond de s'être déterminés ainsi, sans rechercher si la remise du document intitulé "Red line" ne porterait pas une atteinte disproportionnée au droit du nouvel employeur à la préservation de son secret des affaires.
Elle casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 145 du code de procédure.