Une précision bienvenue sur l’étendue de l’obligation de confidentialité en matière de procédure de conciliation

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Dans un arrêt publié le 3 juillet 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions importantes sur l'étendue de l'obligation de confidentialité dans le cadre des procédures de conciliation. Explications avec Arnaud Pédron, associé, Franklin et Fanny Attal, collaboratrice, Franklin.

Si la procédure de conciliation présente l’avantage considérable d’être confidentielle, on sait que ce principe rencontre quelques limites en pratique. Fuites dans la presse, information du marché, des assureurs-crédits et partenaires bancaires ; les exemples sont nombreux mais les décisions jurisprudentielles ayant l’occasion de rappeler le principe sont rares.  

C’est précisément de ce sujet dont traite la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt publié au bulletin du 3 juillet 2024. 

En l’espèce, une société avait sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation afin d’engager une négociation auprès de ses crédits-bailleurs. Ses créanciers bancaires, prêteurs de fonds, n’étaient donc pas appelés à la procédure et invités à la table des négociations. 

Pourtant, informé de l’ouverture de la procédure de conciliation par le représentant légal, l’un de ses partenaires bancaires, la Société générale, a signalé un cas probable de défaut auprès de la Banque de France conformément à l’article 178 du Règlement UE n°575/2013 entraînant une dégradation de la cotation bancaire de la société débitrice sur le fichier FIBEN. 

La société débitrice invoque donc un trouble manifestement illicite et une violation du principe de confidentialité posé à l’article L.611-15 du Code de commerce selon lequel : « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité ». 

La Cour d’appel rejette l’ensemble de ces prétentions au motif que la Société Générale n’avait pas été appelée à la procédure de conciliation mais seulement informée par le représentant légal. Le partenaire bancaire n’était donc pas tenu selon les juges du fond à la confidentialité. La Cour d’appel considère par ailleurs que seul le contenu de la procédure est visé par le principe de confidentialité et non l’existence même d’une procédure de conciliation. 

La Cour de cassation casse et annule cette décision pour violation de l’article susvisé. D’abord, elle précise que l’ouverture d’une procédure de conciliation est, en soi, une information confidentielle. Ainsi, la confidentialité ne se limite pas au contenu de ses négociations. Le rappel est heureux car c’est bien la simple divulgation de l’information de l’ouverture d’une procédure de conciliation qui peut compromettre en pratique son succès. 

Ensuite, la Cour de cassation précise qu’il importe peu que le tiers n’ait pas été appelé à la procédure de conciliation. Dès qu’il en a connaissance, et même si cette information lui a été donnée par le dirigeant lui-même, il est tenu à la confidentialité. 

Pour finir, la Cour de cassation affirme, et ici de façon quelque peu laconique, que l’ouverture d’une procédure de conciliation n’est pas un cas de défaut au sens du Règlement susvisé. Sans doute cette affirmation est-elle ici justifiée par les faits de l’espèce puisqu’au cas particulier, la société était intégralement à jour de ses obligations de crédits. 

La Cour de cassation renforce ainsi une fois encore, la portée de l’obligation de confidentialité et semble même aller un peu plus loin que dans son arrêt MergerMarket (Cour de cassation, 13 juin 2019, n°18-10.688). Certes, les faits de cette affaire étaient totalement différents de l’espèce puisqu’ils concernaient une fuite dans la presse. Cela étant, la Cour de cassation avait tout de même pris le soin de caractériser une violation du principe de confidentialité en tenant compte du fait que l’organe de presse avait « fourni des informations précises et chiffrées et portant même sur le contenu des négociations en cours », sans se contenter « d’informations générales, n’informant le public que de l’existence de procédures en cours ». 

Il sera donc intéressant de voir si la présente décision trouvera à s’appliquer dans le cadre des contentieux relatifs à la liberté de la presse et à la divulgation de l’ouverture de procédures confidentielles. 

Arnaud Pédron, associé, Franklin et Fanny Attal, collaboratrice, Franklin


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