Quelques jours avant que la Commission Darrois ne livre le fruit de ses réflexions, le Monde du Droit a voulu revenir sur les derniers mois de la lutte que se sont livrés les avocats et les notaires autour de l’idée lancée par Nicolas Sarkozy d’une " Grande Profession du Droit ". Il ne s’agit pas de faire ici un inventaire des déclarations hostiles ou des communiqués lapidaires échangés entre les représentants des deux principales professions juridiques mais plutôt d’analyser les stratégies déployées.
Tout à gagner, tout à perdre
Au mois de mai, Rachida Dati félicitait les notaires pour leur réactivité. En effet, réagissant à la fois au rapport Attali et aux pressions européennes, les notaires avaient décidé d’élargir l’accès à la profession avec l’engagement ambitieux d’augmenter de 20% le nombre de notaires en quatre ans. Les notaires savent se mobiliser, ils savent parler d’une seule voix et ils savent même taire les rivalités entre la Chambre de Paris et le Conseil Supérieur quand les intérêts de la profession sont en jeu... on ne peut pas en dire autant des avocats qui ont une fâcheuse tendance à avancer en rangs dispersés dès qu’il s’agit d’avoir un avis sur une question importante. Pourtant, la Commission Darrois allait donner aux avocats une rare occasion de manifester une position unifiée sous l’égide du Conseil National des Barreaux. En effet, le CNB a rapidement compris tout l’intérêt qu’il y avait à donner de la voix dès les premiers jours de travail de la Commission Darrois : la « Grande profession du droit » évoquée dans la lettre de mission remise à Jean-Michel Darrois ne pouvait être que la profession d’avocat dans laquelle viendraient se fondre – à certaines conditions – les membres des autres professions juridiques. Le métier de notaire deviendrait une simple spécialité dans la nouvelle profession élargie d’avocat. En réalité, il n’est pas si simple de réaliser une tentative d’OPA sur 6 Mds € de chiffre d’affaires réalisé par 9.000 notaires - une activité bien plus rentable que les 9Mds € réalisés par plus de 45.000 avocats.
Alors que le notariat a connu plusieurs décennies de prospérité et de modernisation, les avocats ont vécu vingt ans de désorganisation et de paupérisation. Ce constat n’est pas exagéré. Le notariat s’est modernisé de manière spectaculaire. Informatisation, REAL, signature électronique, Télé@ctes... les chantiers sont aussi nombreux qu’impressionnants. Même si certains offices sont plus lents à se plier aux nouvelles habitudes que d’autres, il n’y a pas un notaire qui n’ait pas pris le train de la modernisation de sa pratique professionnelle. En même temps, les avocats traditionnels ont perdu le marché du droit des affaires au profit des cabinets internationaux à qui le Barreau a gentiment ouvert la voie lors de la fusion des avocats et des conseils juridiques. Par comparaison, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, aucun de nos voisins n’a perdu prise sur son marché domestique comme l’ont fait les avocats français. Pourquoi ? Parce que la profession d’avocat est restée recroquevillée sur des arguments défensifs, parce qu’elle se targuait d’une déontologie à part alors que les mêmes règles et principes étaient largement partagés par d’autres et, enfin, l’absence d’une représentation nationale audible a enfoncé le clou. Près de vingt ans plus tard, il en résulte une profession hétéroclite où se côtoient des professionnels éminents et riches et des artisans en voie d’extinction à qui il ne reste plus que la représentation judiciaire consommatrice de temps et souvent peu génératrice de ressources. Ajoutons à ce lourd passé la déconvenue de la réforme de la carte judiciaire et l’épineux dossier du divorce par consentement mutuel, et les avocats avaient de quoi se sentir découragés en ce début d’année 2008. C’est alors que le vent a tourné. La Commission Darrois et le Conseil National des Barreaux ont insufflé un vent d’optimisme dans une profession plus habituée à la complainte qu’à la proposition.
Quel est le contenu exact de la lettre de mission adressée par la Président de la République à Jean-Michel Darrois ?
Extraits :
...Les mutations qui ont bouleversé la profession d’avocat menacent son unité et doivent, à ce titre, être analysées avec attention : le fossé s’est agrandi entre les différents modes d’exercice de la profession avec, à chaque extrême, les grands cabinets anglo-saxons, spécialisés en matière économique et financière, et des avocats menacés de paupérisation, qui assistent dans des conditions difficiles les plus modestes de nos concitoyens. Sur le marché juridique mondialisé, les avocats français doivent pouvoir aussi bénéficier d’une puissance renforcée. Il est donc nécessaire de donner aux cabinets d’avocats français les moyens de leur développement face aux cabinets anglo-saxons : la constitution de cabinets pluridisciplinaires, le recours à des investissements extérieurs pour assurer le développement de structures efficaces et adaptées à la compétition internationale sont autant de pistes à explorer... Il faut aussi que ce système soit plus lisible pour ceux qu’il concerne. Les justiciables sont aussi confrontés à un incompréhensible éparpillement des compétences. L’exemple du divorce est édifiant : ils ont recours à l’avocat pour les assister, à l’avoué en cas d’appel, à l’huissier pour faire exécuter les décisions, au notaire pour liquider les biens de la communauté. Une simplification s’impose pour rapprocher les citoyens du fonctionnement de leur justice... C’est pourquoi vous vous attacherez à dégager les lignes d’une réforme en profondeur de la profession d’avocat qui l’adaptera aux exigences de la société française en lui permettant de participer à la compétition internationale et qui assurera aux justiciables une meilleure compréhension de notre système juridique. La commission que vous présiderez formulera en outre toutes les propositions visant à :
• créer en France une grande profession du droit et préciser les formes que cette profession pourrait prendre, en conciliant l’indépendance nécessaire à l’exercice des droits de la défense avec les exigences propres à la réalisation de missions d’intérêt général ;
• plus généralement, promouvoir une réforme profonde des structures d’exercice des professionnels du droit destinées tout à la fois à favoriser la concurrence et leur compétitivité interne et internationale et à améliorer la qualité des services rendus au profit de tous les usagers du droit ;
• proposer l’instauration des modalités de régulation et de gouvernance de cette nouvelle profession et/ou des professions existantes en vue de favoriser la confiance du public français et étranger dans notre système juridique;
• faire des propositions de réforme du système d’aide juridictionnelle afin, non seulement d’en pérenniser l’existence, mais aussi de favoriser le développement de l’accès au droit et à la justice tout en permettant la maîtrise de son coût.
La lettre de mission donne le ton. Ce sont les avocats qui sont au coeur du débat. C’est autour d’eux que le Président de la République imagine la « Grande Profession ». Le Conseil National des Barreaux qui, malgré la bonne volonté déployée depuis son instauration par la loi du 31 décembre 1990, avait encore besoin de s’affirmer pour asseoir sa représentativité, tenait là sa première grande chance de fédérer la profession entière.
Pour les notaires, il n’est pas envisageable de voir la manne du monopole diluée. Ils savent néanmoins qu’un processus est en marche et que le gouvernement veut clarifier et simplifier le recours aux professionnels du droit. Pour les notaires, les améliorations doivent passer par l’interprofessionnalité: travaillons mieux ensemble mais gardons nos prérogatives et nos revenus. Pour les avocats, il s’agit purement et simplement de récupérer progressivement la juteuse activité notariale et surtout l’activité immobilière. Le gâteau notarial sauverait tous ces avocats des petites villes déjà ébranlés par la réforme de la carte judiciaire. Quant aux pouvoirs publics : ils veulent conserver les notaires comme alliés précieux, relais du droit de proximité auprès des particuliers mais aussi des collectivités locales... mais la lettre de mission est claire, il faut modifier le système.
La stratégie des avocats : attention au péché d'orgueil
Les avocats ont très vite senti qu’ils pouvaient prendre la main dans la discussion et ont été très rapides dans la définition d’une position commune exprimée par le CNB, dès le mois d’avril et ensuite entérinée au mois de juin.
Voici quelques morceaux choisis de la position officielle du CNB :
Il convient au préalable de clarifier la distinction entre les notions de " grande profession du droit " et " grande profession d’avocat ".
La " grande profession du droit " est comprise comme intégrant au sein de la profession d’avocat un certain nombre de professions juridiques réglementées (avoués, avocats aux conseils, notaires, administrateurs et mandataires judiciaires, etc.), la nouvelle profession exerçant sur l’ensemble du marché du droit.
La " grande profession d’avocat " repose au contraire sur l’extension des champs d’activité de la profession d’avocat par l’intégration de nouvelles missions ou fonctions et l’ouverture de nouveaux marchés, tout en laissant subsister les autres professions juridiques réglementées (sauf celles d’avoués et de CPI dont l’unification est programmée) qui verraient leurs monopoles et champs d’activités réduits.
Par un nouveau vote d’orientation, l’Assemblée générale du Conseil National s’est majoritairement prononcée en faveur de l’idée d’une grande profession du droit exerçant sous le titre d’avocat...
Passant ainsi à l’offensive, les avocats ont cherché à fixer le cadre du débat et de la réflexion de la Commission Darrois en affirmant qu’une éventuelle grande profession du droit ne pouvait se concevoir que dans le cadre de la profession d’avocat.
Sur sa lancée, le Conseil National des Barreaux aborde aussi les questions de la gouvernance et de la représentativité de la Grande Profession : ...Le maintien du Conseil National des Barreaux est voulu en même temps que l’affirmation et la reconnaissance de sa qualité de représentant unique de la profession.
Cette prise de position très agressive a probablement été une erreur à plusieurs titres. D’abord, les avocats ont réagi sans tenter de nouer un dialogue préalable avec les autres professions et en particulier avec celle de notaire. Un tel dialogue n’aurait vraisemblablement pas abouti à grand-chose mais aurait eu l’intérêt d’être perçu par la Commission Darrois comme une preuve de bonne volonté et d’ouverture. Aussi, les avocats ont péché par excès d’arrogance. Peut-être se sont-ils crus en territoire conquis avec une commission présidée par un avocat à la demande d’un Président avocat ? Sans préjuger du résultat définitif des travaux de la Commission, les avocats en agissant de la sorte ont prêté le flanc aux accusations de corporatisme et ont, de fait, contraint la Commission à la nuance.
En plus de sa vision pour le moins arrêtée de ce que pourrait être cette Grande Profession du droit, le CNB n’a voulu faire aucune concession sur les instances dirigeantes de la future profession. Le refus d’ouvrir la discussion sur ce point relève notamment d’une sous-estimation mais aussi d’une incompréhension de l’importance et du rôle d’une organisation telle que le Conseil Supérieur du Notariat et de ses ramifications.
Au crédit des avocats, il faut leur reconnaître leur réussite dans deux réformes récentes: la fusion avec les Conseils en Propriété Industrielle (CPI) et l’intégration non encore bouclée mais dont le principe est acquis, des Avoués. Ces deux réformes sont d’autant plus importantes que les avocats ont longtemps traîné leur incapacité à évoluer et leur propension à s’enliser dans des résistances stériles comme le refus systématique d’un rapprochement constructif avec la profession de juriste d’entreprise. (Même si les lignes semblent enfin bouger sur ce dernier point : Jean-Yves Dupeux, candidat au Bâtonnat à Paris a pris position en faveur de ce rapprochement). Mais contrairement à ce que certains aient pu croire, absorber les notaires est un tout autre défi que d’absorber les CPI.
Les avocats ont une fâcheuse tendance à sous-estimer l’adversaire et rares sont les avocats qui ont une vision claire du notariat et de ce qu’il représente réellement dans la société française, ainsi que la manière dont il est imbriqué dans l’économie et notamment dans les rouages de la fiscalité.
Les avocats ont déjà été pris au piège de leur orgueil. Lors de la fusion avec les Conseils Juridiques, les avocats dits de souche et le monde du Palais, avaient concentré le débat sur des considérations déontologiques, estimant que les nouveaux venus faisaient un métier auquel la déontologie " supérieure " du vieux Barreau était étrangère. Quand la fusion eut inévitablement lieu, le Barreau traditionnel a perdu la quasi-totalité du marché du droit des affaires haut de gamme. Il eut été bien plus intelligent, à l’époque, de penser à moderniser la formation et les mentalités que de s’arc-bouter sur des considérations fausses par ailleurs. La déontologie des " Conseils juridiques " de l’époque qui exerçaient notamment dans les grands cabinets anglo-saxons était exactement la même que celle des avocats. Il faut savoir se remettre en question...
La stratégie des notaires, une façade de force tranquille
Bercés par les paroles rassurantes de la Garde des Sceaux au mois de mai, les notaires n’ont pas vu venir le danger. Ayant réagi promptement à certaines questions du rapport Attali, voyant les avocats se dépatouiller dans le débat du divorce et la réforme de la carte judiciaire, les notaires se pensaient à l’abri des secousses. Ils furent pris à contre-pied à la fois par la lettre de mission de la Commission Darrois et par la vitesse de réaction du CNB.
A la demande de la Chambre des Notaires de Paris, l’institut de sondages BVA a réalisé une enquête entre le 5 et le 9 septembre sur un échantillon représentatif de 1174 personnes dont 362 habitants en Ile de France. Ce sondage dont les questions étaient posées un peu comme celles d’un référendum en Corée du Nord arrivait aux conclusions suivantes : 90% des personnes interrogées ont été satisfaites de l’action des notaires ; 92% jugent les notaires utiles ; 84% ont confiance en leurs notaires ; 92% jugent les notaires compétents et 88% jugent les notaires efficaces. Le communiqué de la Chambre des Notaires de Paris conclut d’après le sondage qu’ " alors qu’il est actuellement question de rapprocher, voir de fusionner différentes professions du droit, il apparaît clairement que les Français différencient aujourd’hui nettement les notaires des autres professions du droit et notamment des avocats. Il apparaît d’autre part que les Français apprécient particulièrement les notaires, tout en attendant d’eux encore davantage de réactivité, de compétence et de disponibilité et en souhaitant que leurs prix restent fixés par l’Etat ". De telles conclusions peuvent apparaître comme étant une interprétation un peu " notariale " des résultats. C’était en tout cas l’avis de certains des journalistes autour de la table lors du point presse de la Chambre le 17 septembre dernier en présence de Jean-François Humbert, Président de la Chambre des Notaires de Paris. En effet, certains journalistes ont critiqué le sondage pour ne pas avoir posé les bonnes questions. " Si l’on avait demandé au Français s’ils verraient d’un bon oeil le regroupement des différents métiers du droit, la réponse aurait probablement été différente ", soutenait Pierre Rancé, le journaliste et chroniqueur judiciaire d’Europe 1.
L’intérêt n’est pas dans les résultats de ce sondage. Ce qui est intéressant dans la stratégie adoptée par les notaires pour contrer les tentations que pourraient avoir la Commission Darrois de créer une grande profession à leurs dépens, c’est qu’ils ont choisi de taire les tentations corporatistes et focalisent leurs arguments sur l’intérêt des citoyens et des pouvoirs publics... arguments de poids, étrangement absents de l’argumentation développée par les avocats et le CNB.
Le Conseil Supérieur du Notariat, après une réaction à chaud sans grande substance en juillet (Assemblée Générale du CSN des 1er et 2 juillet 2008), a organisé son discours et, malgré une certaine fébrilité chez les notaires, la sérénité est devenue la règle.
Jean-Pierre Ferret, le nouveau Président du Conseil Supérieur des Notaires élu le 28 octobre dernier, suit cette ligne calme et argumentée. Dans ses premières prises de position depuis son élection, il ne fait pas référence aux avocats mais rappelle que les notaires allègent les finances de l’Etat et qu’en leur qualité de délégataires de la puissance publique, ils assument une fonction de service public sans peser sur les finances publiques. Le discours officiel des autorités notariales insiste également sur la sécurité juridique qu’apportent les notaires avec l’acte authentique. Ce dernier argument, trouve une nouvelle résonance dans le contexte économique actuel que les notaires ne manquent pas d’exploiter. En effet, voici le notaire érigé en rempart face aux excès du libéralisme. Non seulement, le notaire est-il le garant de la sécurité juridique dans un monde sauvage et dérégulé mais il est aussi la garantie d’un crédit efficace et encadré !
Ce que le grand public ignore, c’est que derrière ces arguments grandiloquents, les notaires n’oublient pas que l’Etat leur est redevable pour les efforts considérables qu’ils ont accomplis lui permettant de limiter le nombre de fonctionnaires dans certains de ces services. Les notaires ont, grâce aux intérêts générés par les sommes qui transitent chez eux, accompli une véritable révolution technologique : Intranet notarial, accès au fichier des dernières volontés, signature électronique et plus récemment, le gigantesque chantier Télé@ctes qui permet aux notaires de dématérialiser les procédures de réquisition et de dépôt d’actes qui permettront de faire l’économie de très nombreux emplois de fonctionnaires.
Les notaires ont travaillé et investi en confiance avec l’Etat, ils ne souhaitent pas que cette confiance soit trahie.
Le second axe dans la stratégie des notaires est d’être une force de proposition suggérant des pistes qui pourront permettre à la Commission Darrois de dégager des compromis : développement de la formation continue entre toutes les professions du droit, promotion de l’interprofessionnalité permettant aux différents professionnels du droit de créer des sociétés communes tout en préservant les spécificités de chaque métier, réforme du métier de notaire pour en élargir les possibilités d’accès et d’évolution. Les notaires savent réagir, comme ils l’ont prouvé avec le rapport Attali et leurs paroles sont rapidement suivies d’actes. La Chambre des Notaires de Paris et le Conseil Supérieur sont à l’unisson, ce qui mérite aussi d’être signalé.
Une bataille qui fait de l'ombre
Depuis que le débat est sur la place publique et que les uns et les autres prennent la mesure de ce qu’ils peuvent perdre ou gagner, les tensions demeurent vives jusqu’à ce que la Commission rende son rapport.
Respecté de tous, Jean-Michel Darrois ne souhaite sans doute pas que son appartenance au Barreau puisse donner à quelques mauvais esprits la tentation de mettre en cause son impartialité dans ce dossier difficile. Il a donc souhaité afficher la plus grande transparence sur les débats et les auditions qui se succèdent en ouvrant au public un site internet qui permet de suivre dans le détail les travaux de la Commission.
Ce site se trouve à l’adresse http://www.commission-darrois.justice.gouv.fr/.
Aussi, Jean-Michel Darrois a tenu, le 29 septembre dernier à recadrer le débat et à faire taire d’éventuelles rumeurs sur l’état d’avancement de ses réflexions :
...J’ai pu lire que le rapport était déjà écrit et que nos choix étaient faits. C’est tout simplement faux. La commission procède à de nombreuses auditions, elle va se déplacer en province pour prendre en compte les spécificités des professions sur l’ensemble du territoire français. Nous nous accordons la plus grande liberté dans notre réflexion. Ceux qui pensent que la commission est le porte-plume de telle ou telle profession se trompent et verront que nos travaux sont menés dans la plus grande indépendance.
Permettez-moi par ailleurs de regretter que votre participation à notre débat se limite à seul un aspect d’un des thèmes que nous explorons : la question du périmètre de la profession, et plus précisément les liens entre les professions d’avocat et de notaire. Je ne méconnais pas l’importance et la sensibilité de ce point, mais c’est oublier que l’aide juridictionnelle, la formation, les structures d’exercice méritent autant d’attention et d’imagination que ce sujet qui manifestement vous inspire beaucoup...
Le souhait exprimé par Jean-Michel Darrois est resté vain. Il y tellement de contributions dans l’espace réservé au débat entre les avocats et les notaires que les ordinateurs n’arrivent plus à ouvrir la page. Globalement, la quasi-totalité des interventions se résument à une guerre de tranchée entre deux métiers. Les avocats cherchant à abolir l’adversaire et les notaires demandant à ce que personne ne vienne piller ce qu’ils considèrent comme étant le fruit de leur travail depuis des années.
L'issue...
Les résultats des travaux de la Commission Darrois ne sont pas encore connus mais les rumeurs circulent. Les notaires ont le soutien de la Chancellerie. Les avocats rappellent que leur ex-confrère, Christine Lagarde, les a assurés de son soutien lors de la dernière Convention Nationale des Avocats qui s’est tenue à Lille au mois d’octobre. Le Président de la République, en suivant la voie de la simplification préconisée par le rapport Attali, a lancé un débat très complexe. L’organisation des métiers du droit est ancienne et profondément ancrée dans les habitudes et le fonctionnement de la société. Sans être en mesure de dévoiler des informations encore secrètes, il est néanmoins très vraisemblable que les notaires perdront moins que ce qu’ils auraient pu perdre et les avocats gagneront beaucoup moins que ce qu’ils auraient pu gagner. Une approche plus fine et plus nuancée du débat par les avocats aurait sans doute été plus efficace...