Face à la multiplication des contentieux économiques et environnementaux, la justice transactionnelle, ou « négociée », prend une place de plus en plus centrale dans le système judiciaire français. Astrid Mignon Colombet, associée et spécialiste en contentieux pénal des affaires, et Vincent Capra, scénariste et conseiller en stratégie de communication, explorent ce modèle alternatif où la réhabilitation prime sur la sanction.
À une époque où les contentieux économiques et environnementaux se multiplient, la justice transactionnelle ou « négociée », prend une importance croissante dans notre système judiciaire. L’actualité récente, avec la validation d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) par Nestlé Waters, en est une nouvelle illustration. Dans cette procédure, l’entreprise mise en cause peut régulariser rapidement sa situation en évitant un procès, souvent long et complexe, en contrepartie d’une amende, d’une mise en conformité ou d’engagements de réparation. Dans le cas de Nestlé Waters, une amende inédite en matière d’atteintes à l’environnement de 2 millions d’euros, une indemnisation de plus de 500 000 euros et un ambitieux plan de restauration écologique ont été ordonnés à l’issue de deux enquêtes pénales portant, sur des suspicions de forages illégaux et de traitement non autorisé d’eaux minérales.
Sous contrôle d’un juge, la CJIP met ainsi un terme définitif à des poursuites de manière prévisible, rapide, efficace et sans traces. N’étant pas une condamnation, elle n’entraîne pas d’inscription au casier judiciaire.
En éliminant toute trace de culpabilité, la CJIP propose donc une autre histoire : la réhabilitation plutôt que la sanction. Pour reprendre l’analogie du héros dans la mythologie, le mis en cause, après avoir accepté ses erreurs, entame un chemin initiatique pour restaurer l’équilibre, le procureur jouant parfois un rôle de mentor. À la fin de ce parcours, le mis en cause n’est pas déclaré coupable mais acteur de la réparation.
En étant au cœur de sa stratégie judiciaire, le mis en cause se réapproprie son destin. Dans cette justice à hauteur d’yeux, chaque partie contribue au même projet. Un dialogue est instauré jusqu’à ce qu’une résolution soit trouvée et validée par le juge. Alors que nous avons l’image d’une justice qui divise, voilà qu’elle rassemble en favorisant des accords négociés et des solutions coopératives. Cette possible coopération est une notion qui change radicalement notre rapport à l’autorité judiciaire.
Les intérêts individuels et collectifs sont pris en compte, pour trouver une solution stable et mutuellement bénéfique à la société. Si le jugement marque habituellement une fin, la transaction propose un début. Résolument tournée vers l’avenir, cette justice permet à la personne mise en cause de reprendre rapidement ses activités, en sortant grandie de cette expérience.
En définitive, la justice transactionnelle incarne un modèle de réconciliation, offrant un chemin vers la réparation et la coopération plutôt que vers la confrontation et la division. En transformant les conflits en opportunités de dialogue, elle ouvre la voie à une harmonie durable. Dans une société fracturée, elle pourrait être l’exemple d’un nouveau rapport à la personne mise en cause, nous invitant à davantage tenir compte de son comportement tout entier avant de juger son seul acte.
Astrid Mignon Colombet, associée et spécialiste en contentieux pénal des affaires, August Debouzy et Vincent Capra, scénariste et conseiller en stratégie de communication