Pourquoi les Zones Franches de Plastique peuvent révolutionner le commerce mondial des déchets, le rendre éthique, responsable et respectueux de l’environnement

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En proposant la création de zones franches de plastique, Shérazade Zaiter, juriste international, cherche à explorer une approche novatrice qui vise à aborder à la fois les enjeux environnementaux et économiques liés à la crise du plastique. 

Imaginez-vous sur une plage paradisiaque, le sable doré sous vos pieds, l'air salé caressant votre visage. Vous contemplez l'horizon, espérant être témoin d'un coucher de soleil spectaculaire. Mais au lieu de cela, vos yeux sont attirés par une vision alarmante : des montagnes de déchets plastiques jonchent le rivage, étouffant la beauté naturelle de cette scène idyllique. Cette image n'est malheureusement pas une fiction, mais une réalité effroyable qui se déroule sur les rivages du monde entier.À Java, en Indonésie, les plages autrefois vierges sont maintenant ensevelies sous une épaisse couche de déchets plastiques.Selon les estimations de la Banque mondiale en avril 2022, le pays est à l'origine de 200.000 à 550.000 tonnes de pollution plastique chaque année. L’Indonésie s'est engagé à réduire les déchets plastiques en mer de 70% d'ici 2025.

Depuis les premiers jours de la production de plastique dans les années 1950, l'humanité a créé une véritable marée de déchets qui submerge progressivement nos écosystèmes et menace notre santé et notre bien-être, huit milliards de tonnes qui se sont accumulées depuis cette année. Chaque seconde, c’est l’équivalent d’un camion benne de plastique qui est déversé dans les océans, causant des ravages sur la faune marine, polluant nos eaux et contaminant même notre chaîne alimentaire.Face à cette crise urgente,l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement a adopté, en 2022, une résolution historique et mis en place un comité intergouvernemental de négociation, chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique pour 2040.

La crise de la pollution plastique : un défi pour le commerce mondial

Le commerce international suscite des critiques importantes en raison de ses répercussions préoccupantes sur l'environnement, telles que la déforestation accrue et la surutilisation des ressources naturelles. Mais aussi pour les atteintes aux droits humains, comme l'exploitation des travailleurs dans certaines chaînes d'approvisionnement mondiales. Il est pointé du doigt pour son impact sur le climat, principalement en raison des émissions de gaz à effet de serre liées au transport mondial de marchandises et à la forte dépendance aux combustibles fossiles dans certains secteurs industriels.

Le commerce des déchets plastiques, légal et illégal, entraîne une pollution massive des océans et des écosystèmes, ce qui a des conséquences néfastes sur la santé humaine et les moyens de subsistance des populations locales. La question de leur importation dans les pays en voie de développement, est complexe. Les pays riches cherchent à se débarrasser de leurs déchets de manière économique, tandis que les pays en voie de développement peuvent voir dans leur importation une opportunité économique.

Les principaux problèmes environnementaux sont la contamination des sols et des eaux, la pollution de l'air due aux incinérateurs de déchets, et la production de déchets non recyclables. L'augmentation de la demande de main-d'œuvre bon marché, pour les trier et les traiter, a conduit à une exploitation accrue des travailleurs, avec une augmentation du travail informel et des conditions de travail dangereuses. Les travailleurs des industries de recyclage sont exposés à des risques importants, cela signifie qu'il faut s'assurer que leurs droits dans la production, l'utilisation et l'élimination du plastique, sont respectés et protégés. Les sites d’enfouissement, ou de traitement, peuvent être implantés sur des terres appartenant à ces communautés, sans leur consentement préalable et informé, sans égard pour le droit à la propriété et à l'utilisation des terres.

La réglementation des déchets présente encore de très nombreuses lacunes, notamment pour les déchets plastiques qui, doivent faire l’objet d’une élimination ou d’un recyclage. Ce qui laisse la place à une écomafia, connue sous le nom de « crime vert », une activité criminelle organisée liée à des activités illégales dans le domaine de l'environnement. Ces groupes criminels opèrent souvent en exploitant les failles du système juridique, la corruption et la complicité des acteurs locaux. Ils cherchent à obtenir des gains financiers importants en profitant de la demande croissante de ressources naturelles, de la négligence des réglementations environnementales et de l'absence de sanctions efficaces. L'écomafia est particulièrement répandue dans certaines régions du monde où les ressources naturelles sont abondantes et où les contrôles gouvernementaux sont faibles.

Les interdictions d'importation par la Chine en 2018 de la plupart des types de déchets plastiques ont entraîné une augmentation des exportations vers d'autres pays d’Asie, qui ont commencé à prendre des mesures identiques. En mai 2019, la Malaisie en a renvoyé trois mille tonnes, illégalement importés, vers leur pays d'origine. Le Vietnam a annoncé une interdiction totale de leur importation pour 2025. La plupart des exportations proviennent du Japon, des États-Unis, de l'Allemagne, des Pays Bas et de la France, pour partir en Turquie, en Malaisie, au Vietnam ou en Indonésie. En 2019, la Convention de Bâle, qui réglemente le commerce international des déchets depuis 1989, a été amendée pour interdire l'exportation de déchets plastiques mélangés vers les pays en développement, sauf dans certaines circonstances spécifiques. Désormais, seuls les déchets de plastique non dangereux et facilement recyclables, c'est-à-dire triés et non contaminés par d'autres déchets, peuvent être exportés vers des pays tiers pour recyclage.

Les zones franches de plastique : avantages et perspectives d’avenir

Le commerce international demeure néanmoins d'une importance capitale dans la stimulation de la croissance économique, la réduction de la pauvreté, la promotion de la stabilité économique et la stimulation de l'innovation à l'échelle mondiale. En permettant aux pays d'exploiter leurs avantages comparatifs, de diversifier leurs sources de revenus et de s'intégrer davantage dans l'économie mondiale, il joue un rôle clé dans le développement socio-économique mondial.

C’est pourquoi je propose d’explorer une solution audacieuse et innovante : la création de zones franches de plastique. En adoptant une approche systématique et pragmatique, cette initiative offre une opportunité unique de conjuguer efficacement la lutte contre la pollution plastique avec la stimulation du développement économique. En établissant ces zones spécifiques, nous pourrions non seulement réduire de manière significative la quantité de plastique rejetée dans l'environnement, mais également encourager l'émergence de pratiques commerciales plus responsables et durables.

Nous devons veiller à ce que les entreprises opérant dans ces zones respectent les droits humains et adoptent des pratiques éthiques. En s'inspirant du devoir de vigilance obligatoire pour les multinationales françaises,issu dela loi du 27 mars 2017. Cette loi impose aux grandes entreprises françaises de surveiller et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement.L’union européenne s’est inspirée de cette loi pour proposer une directive européenne,qui sera votée en avril 2024, afin d’étendre ce devoir de vigilance à toutes les entreprises européennes. Cela signifie d’imposer un devoir de vigilance aux entreprises opérant dans les zones franches de plastique afin de répondre à des normes strictes en matière de droits humains et d’environnement. Cette obligation permettrait de lutter efficacement contre la pollution plastique mais aussi contre la corruption environnementale.

La responsabilité des entreprises dans le commerce international doit être adaptée pour intégrer des dimensions préventives et éthiques. Plutôt que de se limiter à corriger les erreurs du passé, les entreprises sont appelées à adopter une attitude anticipative, visant à identifier et à prévenir les risques potentiels associés à leurs activités. Cette évolution vers une responsabilité préventive et proactive reflète la nécessité de garantir que les entreprises agissent de manière proactive pour éviter les dommages futurs, plutôt que de simplement répondre aux conséquences des actions passées.

Mise en oeuvre des zones franches de plastique

Dans mon livre Le manifeste contre la corruption environnementale : L'arc-en-ciel du mensonge[1], je démystifie les pratiques corrompues souvent méconnues qui sapent nos efforts de préservation de l'environnement. Une section importante est consacrée au développement des zones franches de plastique, une solution novatrice pour combattre la pollution plastique tout en favorisant le commerce international responsable.

J’y souligne la nécessité de prendre en compte plusieurs considérations pratiques pour concrétiser les zones franches de plastique. Cela inclut le choix minutieux des emplacements, l'élaboration de réglementations efficaces, et surtout, la garantie du respect des droits humains et environnementaux.Le choix de l’emplacement doit prendre en compte des critères tels que la disponibilité des terres, l’accès à l’eau et à l’énergie, la proximité des centres de consommation et la compatibilité environnementale. Les zones franches sont souvent établies près des ports, des aéroports ou des frontières pour faciliter les échanges commerciaux internationaux. Elles peuvent être installées dans divers pays, en choisissant des zones géographiques idéales pour lutter contre la pollution plastique. Par exemple, aux Pays-Bas, connus pour leur expertise en matière de gestion de l'eau et de développement durable, ou au Costa Rica, réputé pour sa biodiversité exceptionnelle et son engagement envers la protection de l’environnement. Tout comme la Norvège, réputée pour sa gestion exemplaire des ressources naturelles.De plus, la Norvège est engagée dans la recherche et le développement de technologies durables, ce qui en fait un lieu propice à l’innovation dans la gestion des déchets plastiques. 

L'objectif de ces zones est de stimuler les échanges commerciaux en offrant des incitations fiscales et douanières, ce qui attire les investissements et dynamise l'économie locale.Je mets également en lumière l'importance de la déontologie et de la transparence dans ces zones, avec des règles claires et un code de bonne conduite. Ces zones visent à promouvoir des écosystèmes durables, respectueux de la biodiversité, et à encourager les entreprises à devenir des agents de changement positif. Pour leur succès, il faut développer une stratégie claire pour réduire la pollution plastique, encourager l'utilisation de plastiques durables, et améliorer les technologies de recyclage. Mais aussi des partenariats avec les communautés locales, ainsi que des programmes de formation pour sensibiliser les entreprises et les travailleurs aux pratiques durables. La surveillance régulière est également essentielle pour garantir que les objectifs de réduction de la pollution plastique et de développement socio-économique sont atteints.

Les zones franches de plastique offrent une solution prometteuse pour lutter contre la crise de la pollution plastique tout en favorisant le développement économique et social. Elles pourraient démontrer que la solidarité et l’humanisme, dans le monde des affaires internationales, sont possibles, au nom du droit de vivre dans un environnement sain.Malgré les défis complexes auxquels nous sommes confrontés, nous avons démontré à maintes reprises notre capacité à relever des défis mondiaux lorsque nous travaillons ensemble de manière collaborative et responsable. En unissant nos forces, nous pouvons surmonter les obstacles actuels et créer un avenir durable pour les générations futures.

Shérazade Zaiter, juriste international. Chargée d’enseignement à l’université de Limoges. Ambassadrice pour le pacte européen pour le climat du Pacte Vert de la commission européenne.

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[1] Le manifeste contre la corruption environnementale : L'arc-en-ciel du mensonge. Shérazade Zaiter. Érick Bonnier éditions, 166 pages, parution mai 2024.


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