Laïcité : le retour…

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Billet d'humeur de Jules Berne sur la laïcité.

Décidément, la laïcité n’en finit plus de faire l’actualité. En pleine période estivale, un rapport sur le port du voile à l’Université avait alimenté la controverse entre les partisans d’une laïcité sans concession et ceux qui craignent son exploitation à fins de stigmatisation de la religion musulmane. Ce front-là ayant été (provisoirement) pacifié, s’en est ouvert un nouveau à l’occasion de la rentrée scolaire : les directeurs et les proviseurs des écoles, collèges et lycées publics ont été priés, par le ministre de l’éducation nationale d’afficher sur les murs de leurs établissements la Charte de la laïcité.

Cette Charte, composée de 15 commandements, expriment la devise : « Liberté, égalité, neutralité ». Liberté de croyance religieuse ou spirituelle, de conscience et d’expression de ses convictions, d’abord, laquelle doit s’exercer dans le respect de celles d’autrui, de la loi, notamment celle qui interdit le port de signes religieux, et du bon fonctionnement du service public de l’enseignement. Egalité, ensuite : ferment de la citoyenneté, la laïcité permet de concilier la liberté de chacun avec l’égalité de tous, celle des filles et des garçons, notamment. Neutralité, enfin, pour les personnels de l’éducation nationale qui peuvent aborder tous les sujets, mais pas manifester leurs convictions ou leurs croyances dans leurs enseignements.

En dépit de ceux qui dénoncent ce bric à brac moraliste, cette Charte convainc tant dans son principe que dans son contenu. D’une part, parce qu’elle reflète les craintes de ceux qui vivent l’Ecole au quotidien et qui savent que le principe de laïcité est l’objet d’atteintes récurrentes qui portent sur le contenu de certains enseignements (conflit israélo-palestinien, Shoah, guerre d’Algérie, théorie de l’évolution, éducation sexuelle), sur les modalités de certains autres (mixité dans les cours d’éducation physique et dans la pratique des sports) et sur les activités périscolaires (cantine, voyages d’études), etc…. Cette Charte a donc le mérite de mettre les points sur les « i » et de rappeler à ceux qui l’ignorent ou qui l’ont oublié qu’on ne badine pas avec la laïcité. D’autre part, on se félicitera de ce que, en dépit de son intensité, le principe de laïcité avec l’indépendance d’esprit des élèves : si il leur est interdit de contester, au nom de leurs croyances et de leurs convictions, le droit de chaque enseignant de traiter telle ou telle question, ils ne sont pas pour autant contraints d’appréhender cet enseignement comme un dogme ou une vérité première. L’Ecole républicaine est un lieu de réflexion et de discussions et il appartient aux enseignants de les susciter et de les nourrir, comme de défendre sans concession les valeurs qui la fondent.

Reste qu’il serait angélique de demander plus à cette Charte qu’elle ne peut donner. Surtout, si ses promoteurs veulent qu’elle ne constitue pas un simple coup d’épée dans l’eau, il importe de toute urgence de préciser comment les principes qui l’irriguent seront mis en œuvre, de déterminer les conditions de leur effectivité, et de prévoir comment leur violation sera sanctionnée. Faute de quoi, cette Charte sera très rapidement rayée de la carte…

 

Jules Berne

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Cet article est extrait du n° 2 de la newsletter Le Monde du Droit Selon Capitant  (TELECHARGER LE NUMERO AU FORMAT PDF)


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