Recouvrement de créances : les changements depuis janvier 2013

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Philippe Touzet et Marie Perrazi, Associés du cabinet d'avocats Touzet, Bocquet & Associés Philippe Touzet et Marie Perrazi, associés du Cabinet Touzet, Bocquet & Associés, nous proposent un éclairage quant aux changements apportés aux conditions générales de vente (CGV) et aux factures résultant des nouvelles dispositions relatives au recouvrement de créances.

Le changement des conditions générales de vente (CGV) et des factures, c'est maintenant !

Les nouvelles dispositions relatives aux frais de recouvrement et au calcul des pénalités de retard sont entrées en vigueur au 1er janvier 2013. L’occasion pour les documents contractuels de faire peau neuve.

La directive 2011/7 du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales a été transposée en droit français par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives.

L’article 121 de cette loi, entré en vigueur au 1er janvier 2013, impose de procéder à quelques retouches sur les mentions devant obligatoirement figurer dans les factures et les conditions générales de vente.


1 – Intégrer la couverture des frais de recouvrement :

Le nouvel article L 441-6 dispose que "les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser […] le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date".

Rappelons en quelques mots que depuis le 1er janvier 2013, "tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret", soit une somme forfaitaire de 40 euros (article D 441-5 du Code de commerce).

Seuls les professionnels sont visés, à l'exclusion des consommateurs. En pratique, les entreprises dont les clients sont à la fois des consommateurs et des professionnels devront donc faire preuve d'une grande prudence. Il conviendra d'établir deux modèles de factures, dont uniquement celui destiné aux professionnels fera état de l'existence de cette indemnité forfaitaire.

Tout comme pour les pénalités de retard, l'indemnité est due, de plein droit, aux contrats passés entre professionnels, y compris ceux conclus antérieurement au 1er janvier 2013, pour toute facture faisant l’objet d’un retard de paiement, dès le lendemain de sa date d'échéance. Elle s’ajoute, sans se substituer, aux pénalités de retard mais n’est pas incluse dans l’assiette du calcul des pénalités.

La doctrine administrative (note d'information n°2012 – 164 de la DGCCRF) a pris soin de préciser que cette indemnité est due pour "chaque facture payée en retard", ce qui peut être particulièrement incitatif dans les secteurs où les montants en jeu sont peu importants mais le nombre de factures élevé, comme en matière de transport terrestre par exemple.
Si les conditions générales de vente ne font pas mention de cette indemnité, la sanction encourue est de 15.000 euros.

Le nouvel article L. 441-3 du Code de commerce fixe la liste des mentions devant obligatoirement figurer dans la facture. Celle-ci s'allonge encore un peu plus en exigeant que la facture "précise […] le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier en cas de retard de paiement", sous peine d'une amende de 75.000 euros pouvant être portée à 50 % de la somme facturée.

Précisons aussi que "le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due".

Le législateur est même allé plus loin en prévoyant la possibilité pour le créancier de se prévaloir du versement d’une indemnité complémentaire, prenant en compte l'ensemble des frais réels engagés pour le recouvrement.

La question se pose alors de savoir si cette indemnité aura vocation à compléter le dispositif de l'article 700 du Code de procédure civile ou au contraire à le remplacer. Le changement ne serait pas des moindres: alors que la condamnation sur le fondement de l'article 700 se fonde sur la notion d'équité, celle relative à l'indemnité pour le dédommagement des frais réels engagés est beaucoup plus objective et retient une approche strictement quantitative.

La mise en place de cette indemnité complémentaire ne nécessite aucune clause particulière dans les factures ou les conditions générales de vente.

Ces nouvelles dispositions opèrent un profond changement d'approche en matière de recouvrement, en mettant directement à la charge du débiteur les conséquences financières de son retard, et en ne laissant plus le créancier assumer seul les conséquences de l'incurie de son cocontractant. Elles devraient logiquement inciter tous les créanciers récalcitrants, qui jugeaient la procédure de recouvrement chronophage, dispendieuse et finalement assez inopérante, à revoir leur approche.


2 – Préciser les modalités de calcul des pénalités de retard :

Les nouvelles dispositions de l’article L. 441-6 apporte une précision sur le taux à retenir pour leur calcul. Si aucun taux d’intérêt conventionnel n’a été stipulé, ou si le taux convenu est inférieur à 3 fois le taux d'intérêt légal, le débiteur sera tenu d’indemniser le créancier au "taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage".

Durant le 1er semestre, le taux applicable est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Durant le 2nd semestre, le taux de référence est celui au 1er juillet de l'année concernée.

Ce taux n'étant applicable qu'à défaut d'accord des parties, la nouvelle rédaction de l'article L 441-6 du Code de commerce n'impose pas de procéder à la réécriture des documents contractuels. Il est d'ailleurs assez rare à ce jour que des conditions générales de vente fixent un taux de pénalités suffisamment dissuasif pour lutter contre les retards de paiement, la plupart des créanciers comptant sur la célérité de leur cocontractant. Ou à défaut, de la sévérité du juge qui leur appliquera d'office le taux de la Banque Centrale Européenne, majoré de 10 points, si les parties n'en sont pas convenues différemment.


Philippe Touzet et Marie Perrazi, associés du Cabinet Touzet, Bocquet & Associés

Marie Perraz

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