Il n’est pas rare, dans une promesse unilatérale, d’écrire que le promettant s’engage "irrévocablement, inconditionnellement, de façon non ambigüe"… à vendre ou à acheter. Cette rédaction apparemment extrêmement ferme est pourtant loin de suffire à garantir la bonne exécution de cet engagement. Analyse de Charlotte Jacquin et Nicolas Sidier, avocats au cabinet Péchenard & Associés.
Par un arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale de la Cour de cassation semble s’être ralliée à la position de la 3ème chambre civile sur le caractère rétractable des promesses unilatérales de vente, consacré depuis près de vingt ans dans un arrêt du 15 décembre 1993 dit "consorts Cruz" : "Tant que les bénéficiaires n’ont pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constitue qu’une obligation de faire et la levée d’option, postérieure à la rétractation de la promettante, exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir".
Il est significatif que cette décision ait été rendue au visa des articles 1101, 1134 et 1583 du code civil, c’est-à-dire les articles relatifs à la formation puis à l’effet des contrats et enfin à la vente elle-même.
La chambre commerciale considère donc désormais que la promesse unilatérale de vente ne débouche que sur une obligation de faire, en l’occurrence de maintenir l’offre pendant le temps pour lequel elle a été consentie, ce qui caractérise un avant-contrat plutôt qu’un contrat "préparatoire" lequel, dès lors, ne peut être sanctionné que par l’octroi de dommages et intérêts.
La Cour de cassation refuse ainsi de voir dans la promesse unilatérale un véritable contrat. En pratique, cela implique que le promettant peut rétracter son engagement de vendre avant la levée de l’option du bénéficiaire, sans pour autant s’exposer à une condamnation à l’exécution forcée, seuls des dommages et intérêts pouvant sanctionner son comportement. L’on mesure l’insécurité induite par cette solution à l’aune de l’utilisation extrêmement fréquente de ces promesses.
La sanction n’est heureusement pas si radicale ni désespérée… à condition de prévoir des aménagements contractuels efficaces.
La jurisprudence a reconnu depuis vingt ans la validité de clauses d’exécution forcée en nature des promesses à la condition que ces clauses, au-delà d’affirmer que le promettant souscrit à un engagement ferme et définitif, précisent exactement la nature de la sanction de la violation de l’engagement du promettant ainsi que la renonciation de ce dernier aux stipulations de l’article 1142 du code civil qui, en l’état, prévoit que la violation d’une obligation de faire se résout par l’octroi de dommages et intérêts.
La clause d’exécution forcée insérée dans une promesse unilatérale devra donc stipuler que (i) l’engagement souscrit par le promettant est ferme et définitif de sorte que (ii) ce dernier renonce expressément à l’application de l’article 1142 du code civil et qu’ainsi (iii) la levée de l’option par le bénéficiaire dans les délais visés dans la promesse, produira son plein effet, nonobstant l’éventuelle rétractation du promettant, (iv) qui sera contraint d’exécuter la promesse de vente.
Encore faut-il être conscient que la qualité de la rédaction peut être vaine en présence d’un "passage en force" d’un promettant indélicat qui déciderait de passer à l’acte avec un tiers de bonne foi. Il faut donc non seulement veiller à assurer la pleine efficacité des engagements pourtant clairs dont le bénéficiaire est censé être titulaire, mais en plus prévoir des mécanismes évitant d’avoir à jouer une partie de "billard à trois bandes", longue, aléatoire et totalement contre-productive par nature.
Si l’efficacité doit être le maître mot, la stipulation de clauses de dédit d’un montant élevé peut se révéler utilement dissuasive. A la différence des clauses pénales qui sont soumises au pouvoir modérateur judiciaire, le montant de la clause de dédit n’est pas soumis à l’appréciation du Juge.
Nul doute que cet arrêt ne constitue pas le dernier épisode du feuilleton du contentieux judiciaire de la rétractation des promesses unilatérales, d’autant d’ailleurs que par un arrêt du 6 septembre 2011, la 3ème chambre civile a pu paraître faire marche arrière et donner effet à une levée d’option exercée après rétractation !
Le besoin de sécurité juridique est de ce fait une nouvelle fois en cause et il faut sans doute espérer que le projet de réforme du droit des contrats élaboré par la Chancellerie au mois de juillet 2008 aboutisse rapidement.
Il a en effet été acté un principe de l’exécution en priorité en nature, qui modifierait l’article 1142 du code civil dans les termes suivants : "Le créancier d’une obligation de faire peut en poursuivre l’exécution en nature, sauf si cette exécution est impossible ou si son coût est manifestement déraisonnable. A défaut d’exécution forcée en nature, l’obligation de faire se résout en dommages et intérêts".
En attendant les praticiens doivent composer avec cette jurisprudence d’autant plus dangereuse que la rétractation relève d’une pure création des juges et ne figure dans aucun texte, du moins aux dispositions susceptibles de concerner les promesses.
Charlotte Jacquin et Nicolas Sidier
Avocats, Péchenard et Associés
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