Bruno Chauvet, Docteur en Droit, Steiner SA Head Legal Swiss Romande and France, revient sur ses expériences internationales.
Pouvez-vous nous retracer dans les grandes lignes votre parcours professionnel ?
Un DESS du Commerce Extérieur et le diplôme du Centre de Droit et de Commerce de Tours en poche, j’ai fait mes premières armes comme stagiaire au secrétariat général du Groupe Bouygues en 1990. Cette entrée dans un grand groupe m’a permis ensuite d’être recruté par le service juridique international de Cegelec où j’ai commencé à voyager pour suivre mes dossiers. Réembauché après quelques années par le groupe Bouygues (Bouygues off Shore, Basil Read (Johannesburg), Losinger (Berne)), j’ai eu souvent à me frotter à des réalités de contentieux lourds dans des droits qui n’étaient pas les miens. Comme pour les expériences professionnelles qui ont suivi pour Metro Media Fiber Network ou Cotecna, il a fallu m’entourer de compétences locales pour le suivi au quotidien des procédures devant les tribunaux.
Quels ont été vos rapports avec les cabinets d’avocats dans les pays où vous avez eu à intervenir ?
A la réflexion, et à part quelques rares exceptions qui confirment la règle, j’ai eu à faire à de bons professionnels au cours de ces vingt dernières années.
Les groupes pour lesquels j’employais ces cabinets n’étant pas favorables à la mise en place d’accords-cadres avec un seul et unique gros cabinet, j’ai eu souvent mission d’aller négocier les termes de la prise en charge de mandats par un nouveau cabinet dans le pays considéré.
Quelques anecdotes ?
Oui sans aucun doute. La plus étonnante tout d’abord pour un juriste de droit civil lors d’un procès au Lesotho : sur convocation du juge, nous nous rendîmes avec mon avocat au tribunal qui se révéla faire également office d’école. Après avoir demandé à l’appariteur de téléphoner chez le juge pour qu’il accepte de venir juger, nous dûmes interrompre la classe pour la tenue de l’audience. Cela fait, le juge, en l’absence des demandeurs, enjoignit notre avocat de défendre la position de nos adversaires avant d’être autorisé à avancer nos propres arguments. Devant mon étonnement, il m’expliqua que l’"Equity" requérait une telle mesure et qu’il ne pouvait décemment prendre une décision dans ce litige sans avoir entendu les argumentaires des deux parties et ce, quel qu’en soit le porte-parole !
La plus déroutante ensuite : dans un grand pays de l’Afrique de l’Ouest, je me retrouvais à négocier un mandat avec un avocat pour la prise en charge d’une dizaine de contentieux d’importance variable bloqués devant les tribunaux depuis des lustres. Arrivé à la question du montant d’honoraires et devant les demandes exagérées de mon interlocuteur, je mis en doute son efficacité à obtenir des résultats à la hauteur de ses prétentions. Ce dernier d’un sourire matois me demanda de choisir deux dossiers au hasard dans
La plus martiale: pour avoir tenté de geler des montants versés par un Etat pour la location du port de Djibouti afin de compenser les sommes qui étaient dues à ma société par Djibouti dans le cadre d’un arbitrage perdu par ce dernier, notre avocat reçu un matin en son cabinet, la visite inopinée du Ministre de la Défense de l’Etat locataire. Le Ministre entouré de toute son escorte, ordonna à notre avocat de cesser immédiatement toute procédure. Comme explication, le Ministre avança que Djibouti avait coupé l’eau et l’électricité aux soldats sur place dans le désert depuis une semaine et que si des pertes étaient à déplorer dans les rangs, notre avocat en serait tenu directement responsable !
La plus cocasse enfin : à Berne, où je vis mon avocat avec la larme à l’œil lorsque je lui annonçais avoir trouvé un compromis en direct avec la partie adverse dans un dossier concernant l’exploitation d’une carrière. Mon avocat qui était à l’heure de la retraite, m’informa qu’il avait hérité de ce dossier en tant qu’avocat stagiaire et que ce n’est pas sans un pincement au cœur qu’il le voyait finir après d’innombrables procédures, dont trois devant le Tribunal Fédéral, un record !
Et j’aurais encore bien d’autres histoires de ce tonneau dans ma besace….»
A propos
Cet article provient du numéro 12 de Juriste Entreprise Magazine (JEM), magazine de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE) dont le dossier spécial est consacré à la 42 ème assemblée générale de l'AFJE.
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