La Chambre de Commerce Internationale (ICC) a récemment publié son Rapport statistique 2012 en matière d’arbitrage (1). En outre, certaines statistiques de 2011 sont également disponibles sur le site web de l’ ICC.
José Rosell, avocat à la Cour, associé du cabinet Hughes Hubbard (Paris) et responsable du département d’arbitrage et Alexandre Job, Juriste d’Entreprise, ont accepté de répondre aux questions de la revue Le Monde du Droit pour faire part de leur analyse à la suite de la publication de ces premières statistiques.
Quels sont les premiers enseignements que l’on peut tirer de l’activité de l’ ICC et de la Cour Internationale d’Arbitrage pour l’année 2011 ?
Les données aujourd’hui disponibles font état de 796 demandes d’arbitrage nouvelles enregistrées en 2011. Ce chiffre est légèrement supérieur à celui de l’année précédente, qui était de 793. Alors que l’année 2009 avait été une année record avec 817 demandes nouvelles. La tendance est, néanmoins, à la stabilité. Dans le même temps, ce sont 508 sentences qui ont été rendues par des tribunaux arbitraux constitués sous l’égide du règlement d’arbitrage de l’ ICC de 1998, ce qui constitue, à ce jour, un record pour cette institution. Pour mémoire, en 2010 les tribunaux ICC ont rendu 479 sentences contre 415 en 2009.
Ces données mettent en exergue l’importance des arbitrages gérés par la Cour d’Internationale d’arbitrage de l’ICC. Elles sont aussi une confirmation de la notoriété dont l’ ICC bénéficie auprès des opérateurs du commerce international et de la confiance qu’ils placent en cette institution pour assurer le règlement de leurs litiges. La reconnaissance dont bénéficie l’ ICC auprès des acteurs économiques, privés comme publiques, constitue un élément de nature à renforcer l’acceptabilité de l’arbitrage CCI lors de négociations contractuelles notamment lorsque les discussions achoppent sur le choix de telle ou telle institution d’arbitrage. A cet égard, il est intéressant de noter qu’en 2011 les Etats ou leurs émanations, selon les cas, étaient partie dans 10,20% des affaires ICC.
Est-il possible d’établir une cartographie des litiges qui font l’objet d’un règlement sous l’égide du règlement d’arbitrage de la ICC ?
« International » est vraisemblablement l’un des adjectifs le mieux approprié pour qualifier les affaires dont la Cour Internationale d’Arbitrage est saisie. Toutefois, le Brésil présente une particularité spécifique, dans la mesure où un nombre important des affaires soumises à l’ ICC opposent des entreprises brésiliennes entre elles. Ensuite, si l’on regarde les données publiées par secteur d’activité, on constate l’éclectisme de ces affaires qui touchent aussi bien à l’énergie, la construction, aux télécommunications qu’au transport, sans oublier les arbitrages portant sur la protection des investissements, qui sont soumis au règlement d’arbitrage de l’ICC par le biais des traités bilatéraux sur les investissements (TIB).
Cet éclectisme est aussi un révélateur de la souplesse et de l’adaptabilité du règlement d’arbitrage de la ICC à tous types de litiges, quelle qu’en soit la nature et quel que soit le secteur d’activité concerné. Le caractère généraliste et transversal de l’arbitrage ICC s’en trouve conforté.
Quels sont les autres enseignements que l’on peut tirer de ce premier bilan annuel ?
Selon ces statistiques, les parties à des arbitrages ICC proviennent de 139 pays différents. Les plus nombreuses proviennent, dans l’ordre, des Etats Unis, d’ Allemagne, de France, de Turquie, du Brésil, d’Italie, d’Inde, de Grande Bretagne, d’Espagne, du Mexique, etc.
Si nous nous intéressons aux arbitres, nous constatons qu’ils étaient de 78 nationalités différentes. Celles que nous retrouvons en-tête sont la suisse, la britannique, la française, l’américaine, l’allemande. Paris, Londres, Genève, Zürich, Singapour, New York, Hong Kong.
Par ailleurs, il est aussi intéressant de souligner que les droits applicables au fond sont principalement les droits suisse, américains, français, allemand.
Quant aux montants en litige il ressort que dans 3,4% des affaires le montant était supérieur à 100 millions de dollars. En bas de l’échelle nous constatons que 22,7% des affaires étaient d’un montant inférieur à un million de dollars.
Le Nouveau règlement d’arbitrage de la CCI est entré en vigueur le 1er janvier 2012 . Quelles sont les perspectives ou tendances envisageables pour l’année 2012 sur l’activité de la CCI ?
Le nouveau règlement d’arbitrage de la CCI est, comme vous l’indiquez, entré en vigueur le 1er janvier de cette année. D’ores et déjà, nous pouvons constater le grand succès que le nouveau règlement a obtenu. En effet, plus d’une centaine de nouvelles demandes d’arbitrage, qui ont vocation à être soumises au nouveau règlement, ont été enregistrées par le secrétariat de la CCI depuis le début de l’année.
Toutefois, avant de dresser un bilan il convient de parler de formation et de sensibilisation. Il est, en effet, nécessaire pour les praticiens de l’arbitrage, qu’ils soient avocats, arbitres ou entreprises, de se familiariser avec les termes du nouveau règlement. Cette acclimatation pourra prendre un certain temps compte tenu des nouveautés qu’il comporte et dont la mise en œuvre pratique fera assurément l’objet d’un suivi attentif. Viendra alors le temps des bilans et de la confrontation entre les objectifs affichés lors de l’adoption de ce nouveau règlement et des résultats constatés par la pratique arbitrale notamment en matière de gestion du temps et des coûts de la procédure d’arbitrage, sujet qui suscite toujours un intérêt toujours accru de la part des entreprise surtout en ces temps agités sur le plan économique.
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Notes :
1. Voir Bulletin ICC, Vol. 22, No. 1 (2011)
Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER