Le Monde du Droit a rencontré François Lhospitalier, Directeur juridique au sein du Groupe OMEA Telecom.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je suis titulaire d'un DESS de juriste d’affaires de l'Université de Paris V (1998) et d'un diplômé du programme d’échange inter-universitaire Université de Montréal/Université de Paris II (1996). J’ai fait ses premières armes chez MICROSOFT Europe et MICROSOFT France (1999-2000), puis je suis entré chez FRANCE TELECOM-ORANGE en septembre 2000 où j’ai occupé différentes fonctions en tant que juriste d’affaires senior pendant 8 ans. Chez le leader français des télécoms, j’ai travaillé sur des domaines très variés d’abord au sein de la division réseaux & opérateurs, puis dans la division internet (ex-Wanadoo) et téléphonie fixe, et dans la division mobile d’Orange Business Services. Fin 2008, je suis recruté par AVANQUEST SOFTWARE pour reprendre la Direction Juridique de cet éditeur de logiciel côté sur Euronext C, dans lequel j’ai développé mes compétences en droit des sociétés, droit boursier et M&A.
Depuis janvier 2012, j’ai pris la direction juridique du Groupe OMEA Telecom qui développe la marque emblématique Virgin Mobile.
Je suis également Vice-Président de l'AFJE (Association Française des Juristes d'Entreprise) dont je suis membre depuis plus de 10 ans et administrateur depuis 3 ans.
Père de 3 enfants, passionné de sport (je pratique le football, le golf, le squash, le tennis et le ski) je m’intéresse aux nouvelles technologies, à la politique, aux médias et aux voyages.
Qu'est-ce qui vous a conduit à rejoindre Virgin Mobile ?
En septembre 2011, j’ai reçu un appel d’un chasseur de tête qui cherchait à pourvoir le poste de directeur juridique du Groupe OMEA Telecom (1er opérateur mobile dégroupé (full-MVNO) français avec 2 millions de clients, Virgin Mobile est commercialisé en France par OMEA TELECOM, joint-venture entre les groupes Virgin et Carphone Warehouse). A cette époque, j’occupais les fonctions de directeur juridique d’Avanquest Software depuis 3 ans, un groupe coté sur Euronext C, qui compte environ 600 salariés dans le monde avec un CA de 110 millions d’euros, et qui est l’un des premiers éditeurs mondiaux de logiciels informatique grand public. Je n’étais donc pas en recherche de changement mais le challenge qui m’a été proposé chez OMEA Telecom m’a intéressé : un retour dans un monde des télécoms que je connais bien pour avoir passé 8 ans chez Orange, un secteur extrêmement dynamique et médiatique en pleine évolution, une société en croissance avec un projet clair et ambitieux, une marque « Virgin » parmi les plus fortes et attractives du monde, et une équipe de management très expérimentée. J’ai donc accepté de rejoindre le Groupe OMEA Telecom, qui regroupe Virgin Mobile, Tele2 Mobile, Breizh Mobile et Casino Mobile, au poste de directeur juridique et membre du comité de management.
Comment est organisée la direction juridique ? Comment fonctionne la direction juridique ?
La direction juridique est rattachée au secrétariat général, et travaille dans une très grande proximité de la direction générale et de l’ensemble des directions opérationnelles. Le secteur des télécoms étant très réglementé, très concurrentiel, et Virgin Mobile étant très accès sur le BtoC, sur les questions juridiques sont très présentes au sein de l’entreprise.
L’équipe juridique se compose aujourd’hui de 4 personnes qui sont tous généralistes et multidisciplinaires. Il y a des dominantes qui touchent au droit des télécoms, de la consommation, de la distribution, des contrats et de la propriété intellectuelle. Chaque juriste a un périmètre d’action bien déterminé qui lui permet d'avoir une activité très variée et de toucher à tous les sujets sur des périmètres qui répondent à l’organisation opérationnelle de l’entreprise.
En dehors de la supervision et de la gestion de l’activité juridique d’OMEA Telecom, en tant que directeur juridique j’ai quelques domaines réservés pour des questions de confidentialité et de sensibilité des dossiers qui sont la relation avec les actionnaires et la gestion du corporate, les opérations de croissance externe, les dossiers et partenariats stratégiques.
Cette organisation de la direction juridique repose sur l'idée de donner une visibilité en interne aux juristes pour savoir quel est le périmètre précis de chacun et de donner aux opérationnels un interlocuteur privilégié sur les sujets qu'ils ont à traiter.
Je laisse beaucoup d’autonomie à mon équipe mais j’attends en retour beaucoup de réactivité, d’implication et du reporting au bon moment afin d’être informé des dossiers et prendre les bonnes décisions. Au-delà du dialogue quotidien que j’ai avec mon équipe, j’organise également de façon plus formelle des réunions plénières à intervalle régulier afin de parler des dossiers qui méritent d'être partagé, d’avoir une planification et une répartition des dossiers au sein de l'équipe en fonction des urgences et de la charge de travail, mais aussi d’évoquer les sujets d’actualités juridiques et du groupe.
Vous arrive-t-il d’externaliser certaines fonctions ?
Nous avons évidemment recours à des cabinets d’avocats pour le contentieux. Nous faisons également appel à des cabinets d’avocats pour certaines questions corporate, notamment en M&A et en fiscalité, et plus épisodiquement pour des questions touchant au droit de la distribution, à l’immobilier au droit des télécoms. Les principaux cabinets avec lesquels nous travaillons actuellement sont STC Partners, UGGC, Aston et Baschet, mais cette liste n’est pas exhaustive.
Comment voyez-vous votre rôle ?
Dans l’expression « juriste d’entreprise », il y a 2 mots qui ont autant d’importance l’un que l’autre. Nous sommes des hommes de droit mais également des hommes d’entreprise. L’époque du juriste dans sa tour d’ivoire que l’on ne consultait qu’en cas de contentieux est totalement révolue. Dans une entreprise, il n’y a pas de problème juridique, il n’y a que des problèmes de business; mais tous les problèmes de business contiennent une dimension juridique. Aujourd’hui le juriste d’entreprise doit être totalement impliqué dans la stratégie et dans l’action de son entreprise, au même titre qu’un marketeur ou qu’un financier. Il est essentiel d’intervenir le plus en amont possible dans les dossiers. La direction juridique doit être un acteur incontournable de l’entreprise. Il faut bien connaitre l’entreprise, son organisation, ses méthodes de travail, les hommes qui la composent, son environnement concurrentiel et la réglementation qui l’entoure. Pour autant, et contrairement à ce que certains prétendent à tort, nous conservons une indépendance intellectuelle.
Mon rôle est à la fois de conseiller la direction générale sur une grande variété de sujets techniques, et de manager mon équipe juridique. Il y a donc plusieurs dimensions dans la fonction de directeur juridique : une dimension de connaissances et de compétences techniques, une dimension managériale d’animation d’une équipe, une dimension d’organisation d’une fonction juridique pour la structurer et en définir les priorités, et une dimension financière de par la gestion d’un budget.
Quelles sont les spécificités propres à une entreprise comme Virgin Mobile ?
Virgin Mobile est le 1er opérateur mobile dégroupé (full-MVNO) français avec 2 millions de clients. C’est un modèle entrepreneur et anticonformiste. Le secteur des télécoms que je connais bien a toujours été un secteur en évolution, mais il est vrai que la période actuelle est particulièrement active. L’une des particularités est que finalement nos concurrents sont également nos partenaires puisque par exemple nous avons des relations de partenariat avec Orange et SFR, qui sont en même temps nos principaux concurrents. Les questions liées au droit de la consommation et à la relation client sont extrêmement présentes. Enfin, la relation avec nos actionnaires anglais, Virgin et Carephone Warehouse, est très importante. La marque Virgin est une marque mondiale emblématique d’une puissance exceptionnelle ; je rentre d’un séminaire du Groupe Virgin de quelques jours à Londres, où j’ai pu mesurer la force de cette marque au quatre coin du globe dans des secteurs aussi diversifiés que les télécoms, l’aviation, le tourisme ou le bien être.
Vous êtes également Vice-Président de l'AFJE, quelles sont vos responsabilités dans cette association ?
L’AFJE est la principale association de juristes de France avec plus de 4000 membres et 650 directeurs juridiques représentant 1200 entreprises. L’AFJE est un carrefour d'échange d'informations et d'expériences pour tous les juristes travaillant au sein des entreprises sur les grands sujets d'actualité juridique au sein des entreprises et dans le monde du Droit. Au cours des dernières années, l'AFJE s’est montrée très active pour répondre aux besoins et aux intérêts de ses membres. Ce fut notamment le cas lors de ses prises de position sur le sujet du rapprochement des juristes d'entreprise et des avocats.
Je suis membre de l'AFJE depuis plus de 10 ans. Je m’y suis beaucoup impliqué. J’ai animé plusieurs Commissions. J’ai intégré le Conseil d’Administration il y a 3 ans, et j’ai été nommé Vice-Président en début d’année. Ces fonctions sont assez prenantes mais elles sont très intéressantes et enrichissantes.
Le Conseil d’Administration se réunit 1 fois par mois et délibère sur l’ensemble des questions d’actualité et de stratégie de l’association.
En tant que Vice-Président, j’ai un rôle de représentation de l’association dans différents évènements (séminaires, colloques, commissions, etc…). Je suis également en charge du sujet de la formation (initiale et continue). A ce titre, nous organisons pour la 2e année consécutive CAMPUS AFJE le 26 octobre 2012. Il s’agit d’une journée unique qui, sur un site entièrement dédié à l’évènement, propose un programme de formation continue complet, diversifié et de grande qualité. Le programme proposé traite aussi bien de sujets juridiques, que de sujets financiers, de la gestion du risque, des nouvelles technologies ou des outils et compétences professionnelles. Nous avons également intégré cette année une thématique sur la déontologie et l’éthique des affaires, qui est un pan essentiel du métier de juriste d’entreprise, au même titre que qu’il l’est pour le métier d’avocat. Avec cette formation unique en son genre, L’AFJE se place à la pointe des organisations professionnelles de juristes d’entreprise en Europe, en matière de formation continue.
Quel est votre point de vue sur le projet d’avocat en entreprise?
L’AFJE s’est beaucoup investi sur le sujet de l’avocat en entreprise. J’ai pris une part active dans ces travaux. Mon souhait profond est que le statut d’avocat en entreprise puisse voir le jour pour enfin rapprocher les professions de juriste d’entreprise et d’avocat. L’exception française est de ce point vue archaïque et absurde. Certaines peurs irraisonnées et fausses idées sont encore présentes chez certains. Je leur dit qu’il ne faut pas avoir peur et que la création d'une grande profession du droit regroupant les avocats et les juristes d'entreprise est à la fois une richesse pour notre profession de juriste, mais également un gage d’une meilleure compétitivité et d’une plus grande attractivité de la France. Encore faut-il que certaines conditions soient réunies pour que ce statut d’avocat en entreprise puisse être créé : conditions d’accès objectives, non-discriminatoires et équitables (ce statut ne doit pas être réservé à une poignée de privilégiés), reconnaissance du privilège de confidentialité, formalisation de principes déontologiques, etc... Il reste donc du travail à faire pour que ce statut aboutisse, mais beaucoup a déjà été fait. Il ne faut pas s’arrêter maintenant.
Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER