Iohann Le Frapper, président de l'ACC Europe et directeur juridique de la branche Réseaux d'Alcatel-Lucent.

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Iohann Le Frapper, Vice-President & Directeur Général du Groupe Réseaux au sein d'Alcatel-LucentLe Monde du Droit a rencontré Iohann Le Frapper, Président de l'ACC Europe et directeur juridique de la branche Réseaux d'Alcatel-Lucent qui nous présente la 19 ème édition de la conférence annuelle de l'ACC Europe qui se déroulera à Amsterdam du 13 au 15 mai 2012.

Pouvez-vous nous présenter l'Association of Corporate Counsel Europe (ACC Europe) ?

L'Association of Corporate Counsel Europe (ACC Europe) est la seule organisation pan-européenne qui soit gérée par des juristes d'entreprise au profit de ses membres, juristes d'entreprise, à travers l'Europe. Bien que faisant partie intégrante de l'Association of Corporate Counsel (ACC) qui réunit plus de 29 000 membres dans près de 75 pays, l'ACC Europe est pleinement autonome quant à sa stratégie, sa direction et ses finances.

L'ACC Europe se différencie par sa diversité et son ouverture culturelle. Nos 1800 membres viennent de plus de 30 pays en Europe. Plus de 10 nationalités sont représentées rien qu'au niveau du conseil d'administration de l'Association.

Notre mission est de défendre les intérêts communs de nos membres, d'améliorer le statut et le rôle du juriste d'entreprise et de pourvoir une formation juridique continue.De nos jours, les juristes d'entreprises se doivent de rester au courant des bonnes pratiques et des dernières évolutions réglementaires dans de multiples disciplines, et ce non seulement dans leur pays, mais également au niveau européen et international. L'ACC Europe répond à ce besoin d'informations dans une économie globale en permettant de nombreux échanges entre juristes et directeurs juridiqueslors de formations ou sur la plateforme LinkedIn réservée à la communauté des membres d'ACC Europe. Prochainement, l'ACC Europe organisera en France des séminaires sur la « US Discovery » ainsi que le droit de la concurrence en France et en Europe.

L'ACC Europe met également à la disposition des juristes des outils en ligne d'une richesse et performance technologique, laquelle est inégalée par aucune association de juristes d'entreprises en Europe. Ces outils permettent à nos membres non seulement de travailler avec une efficacité et une réactivité accrues mais également de faire l'économie d'un accès sinon payant à de telles ressources documentaires. Parmi ces ressources, nous proposons l'accès à une base de données dédiée, laquelle contient des modèles de contrats, des check-lists, des études de cas, des guides pratiques sur des problématiques diverses telles que la conformité, le droit de la concurrence, le management d'un département juridique...

Ainsi l'ACC Europe vise à faire réaliser à ses membres un gain de temps, d'argent et d'énergie en multipliant leurs ressources.

Quels vont être les temps forts de la 19ème édition de votre conférence annuelle ?

La conférence annuelle de l'ACC Europe (www.acc.com/amsterdam) permet d'échanger sur les tendances et enjeux actuels dans l'Union Européenne et au delà. Pour sa 19ème édition, la conférence met l'accent sur les défiscroissants auxquels doivent faire face les juristes dans un environnement international.La session d'ouverture avec des intervenants de renom (Marianna Nitsch (GE), Mark-Maurice Jones (Kimberley Clark) ...)donnera le ton en présentant comment les services juridiques peuvent démontrer leur valeur ajoutée et contribuer à la performance de l'entreprise dans un contexte global en perpétuelle évolution.

D'autres grands sujets d'actualités tels que le nouveau règlement d'arbitrage de la CCI, la lutte anti-corruption, la protection des données personnelles ou encore le droit de la concurrence dans une économie numérique seront abordés. Mais la conférence ne se contente pas d'offrir des sessions sur des sujets juridiques, des ateliers liés à la gestion d'un département juridique ou encore sur les compétences interpersonnelles sont également au programme.

Comme je le soulignais plus tôt, notre conférence annuelleconstitue une excellente occasion d'explorer les bonnes pratiques avec d'autres chefs de file de différentes industriesen Europe (et pas seulement en France), elle permet aussi les échanges concernant la gestion des équipes et la formation entre directeurs juridiques et je me réjouis à l'avance que chacun puisse faire de nouvelles connaissances !

Quels sont les principaux challenges auxquels doivent faire face les juristes dans un environnement international ?

En premier lieu, je dirais qu'assurer la veille juridique pour une entreprise établie ou opérant dans plusieurs pays (Europe ou plus globalement) est au cœur des préoccupations des services juridiques. La gestion de la veille juridique est d'ailleurs un sujet qui fera l'objet d'un atelier lors de notre conférence annuelle.

La montée de législations dont le champ d'application est extraterritorial a certainement contribué à renforcer la place de la veille juridique au premier rang des priorités. Je me réfère ici, par exemple, aux lois anti-corruption comme le UK Bribery Act.

Le juriste se doit donc non seulement d'apporter un support transactionnel à l'entreprise mais également assurer des missions de conformité, et ce sans que l'élargissement de son spectre d'intervention soit nécessairement suivi de son corollaire, à savoir l'accroissement des ressources internes.

Lorsque l'on opère dans un environnement international, un autre point-clé est la gestiondes différences culturelles. A cet égard, pour aider nos membres, nous avons organisé en partenariat avec le cercle Montesquieu un séminaire en janvier à Paris portant sur cette thématique, au cours duquel Yannick Chalmé, directeur juridiquedu groupe L'Oréal, Peter Herbel, directeur juridiquedu groupe Total, et Pascal Monpetit, Président de Transnations,ont partagé leurs expériences.

Y-a-t-il eu des changements récents dans la pratique du métier de juriste d'entreprise ?

Oui, je dirais que le changement le plus important tourne autour de la thématique de la double casquette du juriste d'entreprise. De nos jours, le juriste d'entreprise se doit d'être à la fois « business partner » (comment contribuer aux résultats de l'entreprise dans le respect de la loi ?) mais aussi « gardien du temple », celui qui se porte garant de l'éthique et du respect par l'entreprise d'une réglementation foisonnante.

Le juriste d'entreprise a vu son rôle traditionnel évoluer sous l'influence des entreprises anglo-saxonnes. Il ne se contente plus de faire appliquer ou d'interprèter la règle de droit. Il doit apporter des solutions afin de contribuer aux résultats de l'entreprise tout en garantissant le périmètre des risques.A l'instar des entreprises américaines où la direction juridique intègre souvent une direction des affaires institutionnelles, le juriste aura également vocation, selon moi, à intervenir de plus en en plus en amont dans la définition des nouvelles normes afin qu'elles tiennent compte des intérêts bien sûr de l'entreprise qu'il représente mais sans faire fi de ceux des parties prenantes, qu'il s'agisse du régulateur, des clients et fournisseurs, des partenaires sociaux ou des ONG (exemple des sujets RSE).

A l'image des entreprises américaines, cette expansion du rôle du juriste d'entreprise s'accompagne en Europe d'un meilleur positionnement du juriste, beaucoup plus proche des opérations et de plus en plus souvent membre du comité de direction. Cela lui permet d'avoir une excellente connaissance de l'activité, d'intervenir dès la genèse des projets et de participer à la définitionet à la mise en œuvre de la stratégie.

En France, on débat de la création d'un statut d'avocat en entreprise, qu'en est-il dans les autres pays d'Europe ?

Je ne reviendrai pas sur la position réitérée de la CJCE sur l'inopposabilité du « legal privilege » par les juristes d'entreprise dans les affaires de droit de la concurrence européen. Deux tendances semblent se dégager. D'une part, une fragilisation des prérogatives du juriste d'entreprise dans certains pays (ex : Angleterre). D'autre part, la profession de juriste d'entreprise peut bénéficier d'un statut renforcé dans certaines juridictions (ex : Allemagne, Belgique). J'en profite pour mentionner que la conférence annuelle à Amsterdam du 13 au 15 mai (http://www.acc.com/amsterdam) permettra des échanges avec des présidents d'associations nationales de juristes d'entreprises sur ce thème en particulier.

Si vous avez des questions à poser sur ACC Europe ou notre conférence annuelle, n'hésitez pas à contacter l'un des représentants d'ACC Europe pour la France, à savoir Catherine Fox ou Daniele Dardy. Leurs cordonnées se trouvent sur le site de l'ACC Europe : www.acc.com/europe sur la page 'country representatives'.

Biographie

Iohann Le Frapper, Vice-President & Directeur Général du Groupe Réseaux au sein d'Alcatel-Lucent, coordonne le soutien juridique global pour les divisions commerciales et produits liées aux réseaux de télécommunications et sous-marins, avec un accent sur les alliances stratégiques technologiques ainsi que des questions d'ordre institutionnel et réglementaire. Il est également responsable de la conformité pour le Groupe Réseaux.

Depuis 2009, Iohann est le coordinateur global du projet RESIST, unguide pratique de formationà l'éthiquedes affaires et parrainé conjointement parla Chambrede Commerce Internationale, le Forum Economique Mondial/PACI, Transparence Internationale et UN Global Compact.

Il est également Président et membre du Conseil d'Administration du Chapitre européen de l' « Association of Corporate Counsel »(ACC Europe).

Iohann représente Alcatel-Lucent aux Commissions internationale et française et sur le sujet « Responsabilité Sociétale d'entreprise et anti- corruption » de la Chambre de Commerce Internationale ainsi qu'au comité éthique du MEDEF( la principale organisation patronale française).

Préalablement à son poste actuel, il fut le Directeur Juridique de la région « Europe &South » (Europe du Sud, Moyen Orient, Afrique et Inde) du groupe Alcatel-Lucent.

En outre, Il fût Directeur Juridique adjoint d'Alcatel, principalement responsable de la coordination du support juridique pour la région Asie-Pacifique.

Iohann a par ailleurs passé plusieurs années à Shanghai en tant que Directeur Juridique d'Alcatel Chine, Alcatel AsiaPac HQ, avec diverses responsabilités régionales pour la région Asie-Pacifique Nord.

Avant de rejoindre Alcatel en 1999, il fut juristechez Elf-Aquitaine (aujourd'hui Total), une compagnie pétrolière et gazière, intervenant sur des transactions corporate et commerciales ,principalement en Afrique et au Moyen-Orient.

Iohann a été admis au Barreau de Paris en 1993 et a travaillé en tant que collaborateur au sein du cabinet d'avocats Siméon & Associés (devenu Hogan&Lovells) .

Il est diplômé de l'Université de McGill (LL.M en droit comparé-Montréal) ainsi que de l'Université de Paris (D.E.A Droit des affaires et fiscalité).



Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER