Législatives 2024 : Impact des propositions des candidats sur le secteur de l'Énergie

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En faisant le choix de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin dernier, Emmanuel Macron a contraint les partis politiques à une campagne « éclair ». À quelques jours des législatives anticipées prévues le 30 juin et 7 juillet prochains, les questions relatives à l’énergie sont reléguées au second plan dans les programmes des principaux partis politiques. Bien que souvent imprécises et incomplètes, les principales propositions formulées par les candidats à ce sujet divergent fortement, reflétant des visions différentes de la transition énergétique et de l'indépendance énergétique de la France. Voici un décryptage des principales propositions des partis et leur impact potentiel sur le secteur de l'énergie par Caroline Ruiz Palmer et Magalie Dejoux, avocates chez De Gaulle Fleurance.

Ensemble (majorité présidentielle)

La majorité présidentielle propose une combinaison de nucléaire et d’énergie renouvelable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre :

 1. Expansion du nucléaire

Le parti prévoit la construction de 14 nouveaux réacteurs nucléaires pour assurer l’indépendance énergétique de la France et aller vers une économie sans carbone. Leur construction sera accélérée grâce à la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023.

2. Développement des énergies renouvelables 

La majorité présidentielle prévoit de poursuivre le développement des énergies renouvelables pour que 33% des énergies produites en France proviennent des énergies renouvelables. 

3. Réduction des émissions de gaz à effet de serre

Dans la continuité des objectifs fixés par la précédente législature, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici à 2030 est maintenu. 

Les Républicains (LR)

Les Républicains ont dévoilé un programme résolument orienté vers le soutien à la filière nucléaire. Ce choix s’accompagne de propositions visant à alléger la fiscalité sur l’électricité, notamment en supprimant les taxes qui financent actuellement le développement de l'éolien :

1. Soutien au nucléaire 

Le programme du LR insiste sur l’importance de maintenir et de renforcer le parc nucléaire français. Le parti demande l'arrêt immédiat de la fermeture des centrales nucléaires en cours, une politique initiée par le gouvernement actuel. En outre, LR propose de prolonger la durée de vie des réacteurs existants jusqu'à 60 ans. Cette mesure, selon eux, permettrait de garantir la stabilité énergétique du pays tout en continuant à bénéficier d'une source d'énergie à faible émission de carbone. Les Républicains expriment également leur intention de construire de nouvelles centrales nucléaires.

2. Suppression des taxes sur l'électricité 

Les Républicains proposent de supprimer les taxes sur l’électricité qui financent actuellement le développement de l’éolien. Selon les Républicains, la filière éolienne est désormais assez solide pour se passer de ces financements publics.

Ces initiatives se concentrent sur la continuité de l'énergie nucléaire et l'allègement des charges fiscales. 

Nouveau Front Populaire (Communistes, LFI, Écologistes, PS) 

Le Nouveau Front Populaire met l'accent sur les énergies renouvelables et la justice sociale. Leur programme comprend :

1. Développement des énergies renouvelables 

Le programme prévoit la mise en place d'un plan climat pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Outre l'isolation des logements et la rénovation des bâtiments publics, le Nouveau Front populaire envisage de renforcer les filières françaises et européennes de production d'énergies renouvelables et à développer les énergies hydroliennes et l’éolien en mer. 

2. Incertitude concernant le nucléaire

La question du nucléaire, sujet de discorde à gauche, n'est pas évoquée dans le programme du NFP. Il prévoit de repousser les discussions sur ce sujet lors de débats parlementaires ultérieurs ou d’éclaircir leur position dans le cadre du programme de la prochaine présidentielle.

3. Zéro financement pour les énergies fossiles 

Le NFP propose d’interdire aux banques de financer les énergies fossiles pour tous les nouveaux projets. 

Rassemblement National (RN)

Le Rassemblement National propose des mesures visant à renforcer l’indépendance énergétique de la France :

1. Construction de nouveaux réacteurs nucléaires

Dans le cadre d’un plan nucléaire baptisé "Marie Curie", le RN prévoit la construction de dix nouveaux réacteurs nucléaires à partir de 2031, suivis de dix autres à partir de 2036. Ce plan s'inscrit dans une stratégie de long terme pour garantir une production énergétique stable et décarbonée.

2. Moratoire sur toute nouvelle construction de projet éolien

Le RN prévoit la mise en place d’un moratoire pour tout nouveau projet éolien. En revanche, contrairement au programme présenté lors de l’élection présidentielle en 2022, le nouveau programme ne prévoit plus le démantèlement de projets éoliens existants.

3. Conversion des centrales à charbon en biomasse

Le RN souhaite mettre fin à l'utilisation des centrales à charbon en les convertissant en centrales à biomasse, qui produisent de l'électricité à partir de matières organiques. Cette mesure s'accompagne d’un soutien au développement des technologies vertes telles que l'hydrogène et la géothermie.

4. Sortir des règles européennes de fixation des prix de l'électricité

Le programme du Rassemblement National (RN) annonce « sortir des règles européennes de fixation des prix de l’énergie qui affaiblissent la compétitivité ». 

Après avoir évoqué une sortie de la France du marché européen de l’électricité, le RN envisagerait à présent une négociation avec la Commission européenne pour permettre à la France de fixer des prix nationaux de l'électricité, indépendamment des réglementations européennes actuelles (Règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l'électricité). 

Inspirée par « l’exception ibérique » mise en place en Espagne et au Portugal durant la crise énergétique de 2022, qui leur a permis de déroger aux règles européennes pour plafonner le prix du gaz utilisé pour la production d’électricité, cette initiative permettrait de découpler le prix du gaz des autres sources d'électricité. 

Conclusion 

Les prochaines élections seront déterminantes pour l’avenir de la transition énergétique en France compte tenu des divergences de vues des différents partis sur cette thématique. 

En tout état de cause, l'élection d'une nouvelle Assemblée nationale impacte d’ores et déjà les projets en cours de développement compte tenu de l’incertitude liée au cadre juridique ayant vocation à s’appliquer à ces projets. En effet, la dissolution de l’Assemblée nationale a entraîné l’interruption de tous les travaux législatifs en cours et il est possible que les députés nouvellement élus ne poursuivent pas ces travaux et décident de prendre de nouvelles orientations en matière de politique énergétique. 

Dans cette attente, il conviendra de traiter spécifiquement ces incertitudes dans le cadre des négociations contractuelles entre les différentes parties intervenant dans le cadre du développement et du financement des projets énergétiques. 

Caroline Ruiz Palmer et Magalie Dejoux, avocates chez De Gaulle Fleurance


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