Selon le rapport « Global Trends in Merger Control Enforcement » d’Allen & Overy, le contrôle des concentrations s'est renforcé en 2022.
Le rapport « Global Trends in Merger Control Enforcement » d’Allen & Overy analyse les tendances en matière de contrôle des concentrations en 2022. Il repose sur l’analyse de 26 juridictions dans le monde, dont notamment l’Union européenne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Chine.
Un renforcement du contrôle des opérations de M&A qui va de pair avec la poursuite de l’inflation règlementaire
Malgré la baisse du nombre et de la valeur des opérations de fusions-acquisitions en 2022, le contrôle des opérations de concentration s’est renforcé en 2022 avec une augmentation du nombre d’opérations bloquées, qui passe de 30 en 2020 et 2021 à 32 en 2022 au niveau mondial : 19 opérations ont été abandonnées par les parties et 13 interdites par l’autorité de concurrence notifiée. Au niveau européen, le nombre d’opérations bloquées a doublé en 2022, passant de 3 à 6.
L’intervention des autorités de concurrence s’est intensifiée, ces dernières s’intéressant désormais aux opérations de concentration non notifiables car en deçà des seuils fixés. En Europe, l’interdiction par la Commission européenne de l’opération Illumina/GRAIL constitue le premier cas d’application de la nouvelle interprétation, par la Commission, de l'article 22 du règlement 139/2004 sur les concentrations. Le Tribunal de l’Union européenne a en ce sens confirmé la possibilité, pour une autorité nationale de concurrence, de renvoyer l’examen d’opérations de concentration qu’elle estime devoir être examinées par la Commission européenne, et ce même si l’autorité en question n’a pas le pouvoir de contrôler elle-même ces opérations.
En parallèle, l’analyse par les autorités de concurrence des opérations notifiées s’accélère, marquant la fin de l’impact liée à la pandémie : à titre d’exemple, en 2022, plus de 80 % des opérations de concentration autorisées sans conditions en Phase 1 par la Commission ont été examinées selon la procédure simplifiée.
Par ailleurs, l’évolution de la règlementation applicable aux investissements directs étrangers ajoute de nouveaux freins aux opérations de M&A. Leur encadrement évolue, avec l’apparition de nouveaux régimes : sur les 26 juridictions inclues dans le rapport d’Allen & Overy, 23 ont mis en place un régime de contrôle des investissements étrangers. Au niveau européen, la Commission encourage les États membres à adopter, et adapter, les systèmes nationaux en vigueur. En complément, un nouveau dispositif de contrôle des subventions étrangères entrera en vigueur en juillet 2023, ajoutant un niveau supplémentaire de complexité pour la réalisation des opérations de M&A.
Une surveillance accrue des opérations dans certains secteurs clé : sciences de la vie, énergie, numérique et technologies
En 2022, l’activité des autorités s’est intensifiée dans les secteurs des sciences de la vie, de l’énergie et de l’industrie, confirmant la tendance identifiée en 2021. Alors que 9% des fusions-acquisitions au niveau mondial sont intervenues dans le secteur des sciences de la vie, 15 % de l’activité des autorités de concurrence s’est concentrée sur ce domaine. De la même manière, le secteur de l’énergie a représenté 6% des fusions-acquisitions au niveau mondial mais 10% de l’activité des autorités de concurrence.
Comme en 2021, l’intervention des autorités de concurrence dans les secteurs du numérique et des technologies a représenté une part minime (7 %) des transactions du secteur (22 %). Le secteur du numérique a néanmoins été impacté au niveau européen par l’adoption du Digital Markets Act en 2022, destiné à réguler le comportement des plus grandes entreprises du numérique, appelées « contrôleur(s) d’accès ». Les contrôleurs d’accès seront soumis à des obligations ou interdictions supplémentaires, et risquent des sanctions financières en cas de non-respect. L’adoption de nouvelles règles applicables aux entreprises du secteur du numérique est un phénomène grandissant au niveau mondial, poussant ces acteurs à devoir anticiper une surveillance de plus en plus accrue de la part des autorités de concurrence.
Les sanctions augmentent en cas de non-respect des règles applicables au contrôle des concentrations
Au niveau mondial, les amendes pour non-respect des règles applicables au contrôle des concentrations ont atteint un montant total de 113,8 millions d’euros, représentant une augmentation de 7 % par rapport à 2021. Au niveau européen, la Commission n'a toutefois infligé aucune amende en 2022, même si une amende majeure pour réalisation anticipée d’une opération de concentration est attendue dans l’affaire Illumina/GRAIL en 2023.
En France, l’Autorité de la concurrence a, quant à elle, infligé une amende de 75 millions d'euros à Altice pour non-respect des injonctions de déploiement de la fibre optique consécutifs au rachat de SFR en 2014. Cette décision fait suite à une première décision de sanction datant de 2017 dans laquelle l’Autorité avait sanctionné Altice à hauteur de 40 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses engagements initiaux. Il s’agit de la première décision de l’Autorité de la concurrence de liquidation d’astreintes.
« La surveillance et le contrôle des opérations de fusions-acquisitions par les autorités de la concurrence continuent de se renforcer à travers le monde, confirmant les tendances dessinées l’an dernier. On peut certainement s’attendre dans les années à venir à une hausse de cet interventionnisme et des transactions bloquées. La nouvelle politique de renvoi possible à la Commission des opérations non notifiables requiert, par ailleurs, une attention accrue des parties aux opérations de fusions-acquisitions qui doivent désormais anticiper ce risque », conclut Florence Ninane, responsable du département Droit de la Concurrence d’Allen & Overy à Paris.