Réparation du préjudice écologique pour destruction d'espèces protégées sans valeur vénale

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Le juge peut évaluer les dépenses nécessaires aux mesures propres à réparer le préjudice écologique, consistant en la remise en état de l'écosystème de l'habitat protégé d'une espèce protégée, à laquelle, s'agissant d'animaux hors du commerce, aucune valeur vénale ne peut être affectée.

Des agents d'une réserve naturelle nationale ont constaté que des travaux avaient été réalisés et des arbres abattus sur des parcelles appartenant à une société, situées dans une zone Natura 2000 et d'habitat protégé de la tortue d'Hermann.

La cour d'appel d'Aix en Provence a condamné la société à payer à l'Etat la somme de 184.752,40 € en réparation du préjudice écologique, énonçant que la tortue d'Hermann est une espèce menacée, classée comme vulnérable, et que le lézard vert est une espèce protégée.

Elle a relevé que d'importants travaux de labourage et d'arrachage de nombreux arbres réalisés avec des engins de chantier ont provoqué un bouleversement de l'habitat de la tortue d'Hermann sur une surface de plus de cinq hectares et la mort de deux de ces tortues et d'un lézard vert, et qu'il faudra nécessairement des années avant que l'habitat retrouve son état d'origine.
Elle en a déduit que l'atteinte portée à l'écosystème d'une zone de sensibilité majeure pour la tortue d'Hermann peut être qualifiée de non négligeable et que le préjudice écologique naît de la destruction de tortues sauvages vivant en liberté dans des espaces protégés.

Elle a relevé que, la réparation en nature apparaissant impossible, pour évaluer le coût de réintroduction d'une tortue d'Hermann dans son milieu naturel, il faut prendre en compte le coût d'un animal avant et après sa réintroduction dans ce site naturel et celui de son suivi pendant deux ans pour s'assurer du succès de l'opération.
Elle a ajouté que, le coût d'une tortue d'Hermann ne pouvant être celui d'une tortue du commerce, la compensation de la perte de leur habitat naturel sur une importante superficie sera évaluée sur la base du nombre de tortues concernées et d'un coût de réintroduction de 6.127,72 € par animal.
Elle a fixé à 4.000 € le coût d'un lézard vert occidental.

La société a formé un pourvoi, soutenant que l'évaluation du préjudice écologique, lorsque sa réparation est ordonnée sous forme monétaire, ne doit pas tenir compte du coût de la remise en état mais doit correspondre à la seule valeur de l'atteinte portée à l'environnement.

Dans un arrêt du 26 mars 2024 (pourvoi n° 23-81.410), la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d'appel et rejette le pourvoi de la société.
Aucune remise en état n'ayant été proposée par les parties, elle a souverainement évalué les dépenses nécessaires aux mesures propres à réparer le préjudice écologique, consistant en la remise en état de l'écosystème de l'habitat protégé d'une espèce protégée, à laquelle, selon les termes de l'article L. 162-9 du code de l'environnement, s'agissant d'animaux hors du commerce, aucune valeur vénale ne peut être affectée.

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