Entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA) pour l’ensemble des fournisseurs de services intermédiaires

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Le 17 février 2024 marque l’entrée en vigueur du règlement « DSA » pour tous les acteurs du marché numérique, tels que les plateformes de médias sociaux, de partage de contenu, de commerce en ligne et les fournisseurs de services d’hébergement. Si le règlement était déjà applicable aux très grandes plateformes en ligne (VLOP) et aux très grands moteurs de recherche en ligne (VLOSE) depuis fin août 2023, il s’applique désormais à tous les fournisseurs proposant des services intermédiaires aux internautes de l’Union Européenne, quel que soit le lieu d’établissement de ces fournisseurs. Cette date marque donc un jalon significatif en matière de gestion des contenus illicites, ainsi que des obligations de transparence pour ces acteurs, dont la mise en œuvre sera notamment supervisée par les Coordinateurs pour les Services Numériques (« CSN ») nationaux et le Comité Européen des Services Numériques (« Comité »).

Désignation des Coordinateurs pour les Services Numériques 

Les États membres étaient également tenus, d'ici au 17 février 2024, de désigner une autorité compétente en tant que CSN, conformément à l’article 49 du règlement « DSA ». Chaque CSN a pour mission de surveiller le respect du règlement au niveau national, d’assurer la coordination, et de recevoir les plaintes des destinataires de services. 

Ces Coordinateurs pour les Services Numériques constituent le Comité Européen des Services Numériques, doté d’une mission de surveillance, de coordination ainsi que de l’élaboration de normes européennes pour l’implémentation du DSA, conformément aux articles 61 à 63 du règlement « DSA ».

La France est l'un des quatre premiers pays à avoir signé des accords administratifs avec la Commission Européenne pour renforcer la coordination de l’application du DSA. Son projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique désigne l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) en qualité de Coordinateur pour les Services Numériques en France. À ce jour, les États membres suivants ont officiellement désigné un Coordinateur pour les Services Numériques :

Toutefois, dans le prolongement de la Recommandation de la Commission Européenne du 20 octobre 2023 invitant les Etats membres à coordonner leurs réactions face à la propagation et à l’amplification de contenus illicites, un Réseau Informel composé des CSN désignés ou potentiellement désignés a été constitué. Entre fin 2023 et début 2024, plusieurs réunions organisées par ce Réseau Informel se sont tenues dans le but de coordonner la mise en place du DSA. 

Désormais, le Comité pourra se réunir en lieu et place de ce Réseau Informel afin de remplir ses missions, notamment l’émission d’avis ou de recommandations ainsi que la coordination d’enquêtes conjointes, favorisant ainsi une application cohérente du règlement et une coordination dans les missions de contrôle au niveau national. 

Focus sur la France : Adaptation du droit français au DSA 

En France, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (« SREN »), dont l’un des objectifs est d’adapter le droit français au DSA, est toujours en cours d’examen devant la Commission Mixte Paritaire. 

Dans le cadre d’un avis circonstancié communiqué le 25 octobre 2023, la Commission européenne a fait part de ses réserves à l’égard de plusieurs dispositions contenues dans le projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale. Ces réserves portent notamment sur les mesures de protection des mineurs ou encore sur des pouvoirs conférés aux autorités françaises, y compris la mise en place de mesures de bannissement et la mise en place d’un message d’avertissement préalable à l’accès à certains contenus illicites. En particulier, la Commission estime que ces pouvoirs vont à l’encontre non seulement du « principe du contrôle par l’État d’origine » mais également de sa compétence exclusive en matière de contrôle et de sanction des VLOPs et des VLOSEs.

La France étant tenue de prendre en compte les observations de la Commission européenne, les parlementaires se trouvent donc dans l’obligation d’apporter les modifications nécessaires au texte afin d’en assurer la conformité, ce qui entraine un retard dans sa promulgation.

Mise en conformité : une surveillance accrue de la Commission européenne

L’expérience tirée de l’entrée en vigueur du DSA l’année dernière pour les VLOPs et VLOSEs a permis de constater une vigilance particulière de la Commission européenne concernant le respect des dispositions du règlement. 

En effet, depuis octobre 2023, elle a successivement adressé des demandes d’information à dix-sept VLOPs et VLOSEs et a initié une procédure formelle à l’encontre de X (anciennement Twitter). Lors de ces investigations, son attention s’est portée sur leur conformité aux obligations de lutte contre la diffusion de contenus illicites, de mise en place de mesures efficaces pour lutter contre la manipulation de l’information ainsi que sur l’accès accordé aux chercheurs aux données. 

Dès lors, le 17 février ouvre la possibilité d’une éventuelle période d’enquêtes à l’encontre des non-VLOPs et non-VLOSEs, dans la mesure où les CSN et le Comité ont désormais la charge de veiller à la bonne application du DSA, afin de vérifier leur conformité. 

A noter également qu’un groupe de travail, visant à favoriser la coopération "pour identifier les meilleures pratiques et normes en matière de vérification de l'âge", a été constitué et a tenu sa première réunion en janvier 2024. Le règlement impose un certain nombre d'obligations aux entreprises en matière de protection des mineurs, lesquelles pourraient faire l’objet d’une attention accrue au vu de la création de ce groupe de travail. Cette observation est encore confirmée par le lancement aujourd'hui par la Commission européenne d'une procédure formelle contre TikTok, ce qui marque la deuxième procédure formelle engagée dans le cadre du DSA, après X. TikTok pourrait potentiellement être confronté à des amendes pouvant atteindre 6 % de son chiffre d'affaires mondial s'il est avéré que TikTok a agi en violation du règlement. 

Concernant le sujet largement discuté de l'IA, la Commission a clarifié par une réponse que « Lorsqu'un système d'IA est intégré dans un service d'une plateforme en ligne, il peut être considéré comme un système algorithmique au sein de ce service et à ce titre, il entrera dans le champ d'application du DSA. »

Serge Lederman, Cécilia Jieyue Shi et Adeline Planckaert, avocats, De Gaulle Fleurance


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